Données et scénarios climatiques : Synthèse des observations et des résultats récents de modélisation, chapitre 2
2. Changements et variabilité climatiques historiques au Canada
Peu importe l’endroit, le climat varie d’une saison, d’une année et d’une décennie à l’autre. Il s’agit du résultat naturel d’une série d’interactions complexes entre les processus dans l’atmosphère, dans les océans et sur terre. À cette variabilité naturelle s’ajoute la variation ou le changement à long terme de l’état moyen du climat (couramment appelé « changement climatique »). Le changement climatique à long terme est le résultat des facteurs naturels et humains, ou anthropiques. Les principales sources anthropiques de changements climatiques à long terme sont les changements dans les concentrations des gaz à effet de serre et les charges en aérosols dans l’atmosphère. Le climat de la Terre a connu des changements à long terme par le passé. Toutefois, il est « extrêmement probable que l’influence de l’homme est la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle » (GIEC, 2013).
La température moyenne mondiale a augmenté d’environ 0,85 °C entre 1880 et 2012 (GIEC, 2013), bien que ce réchauffement n’ait été uniforme ni dans le temps ni dans l’espace. Il convient de signaler que ce réchauffement a été plus prononcé à des latitudes plus élevées, notamment au Canada et en Eurasie. Avec le réchauffement du climat à l’échelle mondiale, les températures extrêmes ont également connu des changements, notamment une fréquence accrue de journées chaudes et de vagues de chaleur, et une réduction de la fréquence de journées froides (GIEC, 2013).
En raison des variations naturelles selon différentes échelles temporelles, les changements climatiques passés doivent être évalués sur une longue période. Des changements en matière de techniques et d’instruments de mesure, de procédures d’observation et de choix de site pour les instruments surviennent de temps à autre et peuvent se refléter dans les enregistrements climatiques d’origine. Ainsi, la bonne caractérisation des changements climatiques antérieurs nécessite l’utilisation de données climatiques homogénéisées qui ont été ajustées de manière à rectifier les discontinuités artificielles pouvant être présentes dans les données historiques d’origine. Les ensembles de données climatiques homogénéisées prennent en compte les variations artificielles possibles imposées par des facteurs non climatiques. Pour le Canada, les données ajustées de certaines variables climatiques, notamment la température et les précipitations, sont mises à jour annuellement et sont accessibles au public :
Données climatiques canadiennes ajustées et homogénéisées (DCCAH) pour les températures et les précipitations quotidiennes et mensuelles
Taux de précipitation mixtes au Canada - version 0 TPMCanv0
Anomalies de température et précipitation interpolées pour le Canada (CANGRD) à une résolution de 50 km
De plus, le Bulletin des tendances et des variations climatiques d’Environnement Canada (BTVC) résume les données climatiques récentes du Canada et les présente dans un contexte historique. Le BTVC fait appel aux ensembles de données climatiques canadiennes ajustées et homogénéisées afin de présenter les tendances saisonnières, annuelles et à long terme de températures et de précipitations aux échelles nationale et régionale. Le BTVC est accessible depuis la section Tendances et variations climatiques du site Web d’Environnement Canada.
Au Canada, il existe suffisamment d’observations pour générer des estimations nationales de la température à partir de 1948. Un sommaire des données est présenté aux figures 1 et 2. Ces résultats, lorsqu’on les compare aux tendances des températures du globe calculées pour la même période, indiquent que le taux de réchauffement pour l’ensemble du Canada se situe à plus de deux fois la moyenne mondiale, et que le réchauffement dans le nord du Canada (c.-à-d. au nord de 60° de latitude nord) est d’environ trois fois la moyenne mondiale. Des tendances à plus long terme sont disponibles pour certains emplacements, surtout dans le sud du Canada où certains enregistrements de données remontent à plus de 100 ans.
Figure 1 : Tendances linéaires et anomalies des températures moyennes annuelles du globe, de l’ensemble du Canada, du sud du Canada (c.-à-d. au sud de 60° de latitude nord), et du nord du Canada (c.-à-d au nord de 60° de latitude nord) pour la période de 1948 à 2013 (par rapport à la moyenne de 1961 à 1990). Voir l’encadré pour la légende. Les anomalies des températures mondiales ont été calculées à l’aide de l’ensemble de données HadCRUTv4. Les températures moyennes du Canada ont été calculées à l’aide de l’ensemble de données CANGRD (mise à jour de l’ensemble de Zhang et al., 2000), basé sur les données de température homogénéisées de 338 stations au Canada.
Description de la figure 1
Cette série chronologique montre le changement de la température moyenne sur une période donnée pour quatre régions différentes : le monde (HadCRUT4), le Canada, le Sud du Canada (au sud du 60e parallèle nord) et le Nord du Canada (au nord du 60e parallèle nord). Les quatre séries de lignes montrent une augmentation de la température pour la période 1948-2013. À l’échelle mondiale, la tendance linéaire est de +0,7 °C. La tendance linéaire de l’ensemble du Canada est de +1,6 °C. La tendance linéaire du sud du Canada est de +1,3 °C. La tendance linéaire du Nord du Canada est de +2,2 °C.
Figure 2 : Tendances linéaires des températures moyennes annuelles (°C) au Canada pour la période de 1948 à 2013, calculées à l’aide des données CANGRD (mise à jour de l’ensemble de Zhang et al., 2000). Il est à noter que la densité des stations est plus faible au nord; l’incertitude sur les anomalies de températures est donc plus forte dans cette région.
Description de la figure 2
Cette carte du Canada illustre la tendance spatiale de la température moyenne pour la période 1948-2013. On note un léger réchauffement dans toutes les régions du pays pour la période donnée, la plus grande hausse de température ayant lieu dans le Nord (marge de 2,5 °C à 3,0 °C). La région dont le réchauffement est le moindre est Terre-Neuve-et-Labrador, où l’on note pour la majeure partie du territoire un changement de température qui n’est pas statistiquement significatif.
Afin d’illustrer les changements de la température à long terme à l’échelle locale, le tableau 1 présente des estimations de tendances linéaires des températures moyennes annuelles, estivales et hivernales, de 1900 à 2013, pour 16 villes canadiennes où il existe suffisamment de données (des données sont disponibles à compter de 1942 pour Whitehorse et Yellowknife et à compter de 1946 pour Iqaluit; les tendances pour ces villes sont calculées en conséquence). Les villes sélectionnées comprennent les trois plus importantes villes du Canada, la capitale nationale et l’ensemble des capitales provinciales et territoriales.
Ville canadienne | Période de calcul de la tendance | Tendance de la température annuelle (°C/siècle) | Tendance de la température estivale (JJA) (°C/siècle) | Tendance de la température hivernale (DJF) (°C/siècle) |
---|---|---|---|---|
Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard) | 1900-2013 | 0,5 | 0,3 | 1,0 |
Edmonton (Alberta) | 1900-2013 | 2,0 | 2,3 | 3,1 |
Fredericton (Nouveau-Brunswick) | 1900-2013 | 1,4 | 1,4 | 2,0 |
Halifax (Nouvelle-Écosse) | 1900-2013 | 1,2 | 1,6 | 1,4 |
Iqaluit (Nunavut) | 1946-2013 | 1,3 | 1,1 | 2,9 |
Montréal (Québec) | 1900-2013 | 2,0 | 1,4 | 2,7 |
Ottawa (Ontario) | 1900-2013 | 1,7 | 1,0 | 2,6 |
Québec (Québec) | 1900-2013 | 0,6 | 0,0 | 1,1 |
Regina (Saskatchewan) | 1900-2013 | 1,9 | 1,5 | 3,1 |
St. John’s (Terre¬Neuve-et-Labrador) | 1900-2013 | 0,6 | 1,2 | 0,9 |
Toronto (Ontario) | 1900-2013 | 1,8 | 1,8 | 2,2 |
Vancouver (Colombie-Britannique) | 1900-2013 | 1,5 | 2,0 | 1,4 |
Victoria (Colombie-Britannique) | 1900-2013 | 0,6 | 0,6 | 1,1 |
Whitehorse (Yukon) | 1942-2013 | 2,1 | 0,2 | 6,0 |
Winnipeg (Manitoba) | 1900-2013 | 1,0 | 0,8 | 1,5 |
Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) | 1942-2013 | 4,0 | 2,2 | 7,4 |
Les totaux de précipitations ont également changé au Canada, comme en témoigne la figure 3. La majeure partie du pays (particulièrement le Nord) a connu une hausse des précipitations au cours du dernier siècle. Il existe, toutefois, certaines exceptions régionales, notamment l’absence de changement important dans le sud des Prairies et dans le nord-est de l’Ontario. À l’échelle saisonnière, les précipitations totales ont principalement augmenté dans le Nord. L’hiver, les tendances à la baisse prédominent dans la partie sud-ouest du pays (Colombie-Britannique, Alberta et Saskatchewan). On constate moins de changements importants dans le sud au cours du printemps, de l’été et de l’automne. Il est à noter que les changements dans les précipitations annuelles ne sont pas directement liés aux changements dans la disponibilité de l’eau, particulièrement dans les périodes estivales critiques (p. ex., une augmentation des précipitations n’entraîne pas nécessairement une hausse de la disponibilité en eau, puisque d’autres facteurs entrent en ligne de compte).
Figure 3 : Tendances linéaires des précipitations totales annuelles (exprimées en pourcentage par rapport au climat de la période de 1961 à 1990) pour la période de 1948 à 2012 dans l’ensemble du Canada (coin supérieur gauche) et pour la période de 1900 à 2012 dans le sud du Canada (coin inférieur gauche). Ces tendances sont calculées à partir des ensembles de données CANGRD (mises à jour de l’ensemble de Zhang et al., 2000). Il est à noter que la densité des stations est plus faible au nord; l’incertitude sur les données maillées des anomalies pluviométriques est donc plus forte dans cette région. Notons également que la climatologie des précipitations est beaucoup plus faible au nord qu’au sud (c.-à-d. que le nord reçoit beaucoup moins de précipitations, en moyenne, que le sud). Ainsi, une forte augmentation en pourcentage au nord pourrait ne représenter qu’une légère modification des quantités totales de précipitations. Les tableaux de droite contiennent les séries chronologiques et leurs moyennes mobiles sur 11 ans, pour le Canada (coin supérieur droit) et pour le sud du Canada (coin inférieur droit).
Description de la figure 3
Cette figure contient quatre images (deux cartes et deux graphiques). Le panneau supérieur gauche montre la carte des tendances des précipitations totales annuelles pour le Canada pour la période 1948-2012. On note que c’est l’archipel Arctique qui connaît la plus grande augmentation des précipitations totales pour la période donnée. On observe une légère diminution des précipitations totales seulement dans une petite région du Nord de l’Ontario. La majeure partie des changements de précipitations pour la région allant de la Saskatchewan à la Colombie-Britannique ne sont pas statistiquement significatifs. Le panneau supérieur droit montre le graphique des anomalies dans les précipitations totales annuelles au Canada pour la période 1948-2012. Le début de l’enregistrement montre des anomalies systématiquement plus sèches que la moyenne. À partir du début des années 1970, les anomalies sont systématiquement plus humides que la moyenne. Le panneau inférieur gauche montre la carte des tendances des précipitations totales annuelles pour la période 1900-2012, pour le Sud du Canada. La carte montre que les tendances à long terme de la majeure partie du Sud du Canada indiquent des précipitations totales plus abondantes; seules certaines régions de l’Alberta et du Sud de la Saskatchewan ainsi qu’une petite région du Nord de l’Ontario n’indiquent aucune tendance statistiquement significative. Le panneau inférieur droit montre le graphique des anomalies des précipitations totales annuelles pour la période 1900-2012 pour le Sud du Canada. Le graphique montre des conditions prononcées de sécheresse supérieures à la moyenne au début de l’enregistrement. Vers le milieu des années 1960, les valeurs annuelles varient autour de la moyenne; elles ne commencent à systématiquement surpasser la moyenne qu’au début des années 2000.
Le rôle du forçage anthropique dans le réchauffement observé aux échelles continentale et mondiale fait l’objet d’études approfondies depuis de nombreuses années. Les découvertes les plus récentes indiquent qu’il est « extrêmement probable que l’influence de l’homme est la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle », qu’il est « désormais très probable que l’influence humaine a contribué à des changements observés à l’échelle du globe quant à la fréquence et à l’intensité des extrêmes journaliers de température depuis le milieu du XXe siècle », et que le degré de confiance est moyen quant au fait que « les influences anthropiques ont contribué à […] l’intensification des épisodes de fortes précipitations sur les régions continentales où les données sont suffisantes […] »(GIEC, 2013).
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