Allocution de Pierre Tremblay, président et premier dirigeant de la CCSN à la 5e Conférence internationale sur les réacteurs de quatrième génération et les petits réacteurs

Discours

– Le texte prononcé fait foi –

Bonjour, 

Merci pour cette aimable présentation. 

Tout d’abord, j’aimerais souligner le fait que nous sommes réunis aujourd’hui à Ottawa sur le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquins Anishinabeg. 

Je tiens à reconnaître respectueusement la relation que les Premières Nations, les Inuits et les Métis entretiennent avec la terre et les eaux dont jouit toute la population canadienne. Lundi, nous avons souligné la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation; un moment de réflexion nationale important et un engagement à faire progresser la réconciliation ensemble. Prenons un moment pour réfléchir et exprimer notre gratitude aux Nations et communautés autochtones, qui sont les gardiennes traditionnelles de ces terres et ces eaux. 

Comme je l’ai mentionné, je m’appelle Pierre Tremblay et je suis président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire – la CCSN. Je dirige l’organisation depuis près de 2 mois maintenant, et je suis très heureux de m’adresser à vous aujourd’hui au nom de l’organisme de réglementation.  

Mes 40 années dans le secteur nucléaire canadien ont été très enrichissantes. Ma carrière m’a permis de développer un grand respect pour les personnes qui œuvrent dans le secteur et d’apprécier l’importance qu’elles accordent à la sûreté et à la culture qui la sous-tend.  

Mon mandat à la CCSN me donne l’occasion de jouer un rôle important dans le secteur nucléaire en contribuant à la protection de l’environnement et de la population canadienne. 

Je suis également impatient de continuer à faire progresser les priorités de la CCSN, qui sont d’être un organisme agile, fiable, moderne et de portée mondiale.  

La CCSN est un organisme de réglementation nucléaire de calibre mondial, et c’est un honneur pour moi de diriger cette organisation alors que le secteur nucléaire traverse une période aussi fascinante.  

Ce matin, je vous ferai part de mes réflexions et vous expliquerai comment la CCSN fait progresser ses priorités, tout en continuant de se préparer pour l’avenir ici même au Canada. 

Préparation et efficacité de la réglementation 

Il s’agit d’une période importante et intéressante pour le secteur nucléaire canadien. Compte tenu de la demande mondiale croissante en énergie, stimulée par l’électrification et notre réponse collective aux changements climatiques, le potentiel de l’énergie nucléaire comme source de base fiable est considérable. 

Étant donné la longue histoire et l’expertise du Canada dans le domaine nucléaire, il existe évidemment un intérêt marqué pour maintenir l’avantage concurrentiel du pays et suivre le rythme des nations qui investissent massivement dans l’énergie nucléaire. 

Même si la CCSN est indépendante et impartiale, il n’en demeure pas moins qu’elle reste au fait du contexte entourant l’exploitation de l’énergie nucléaire et qu’elle y joue un rôle actif.  

L’attention et la priorité accordées au nucléaire, et en particulier aux petits réacteurs modulaires, ou PRM, sont des facteurs importants qui poussent la CCSN à veiller à sa préparation et à son efficacité en matière de réglementation. 

Nous reconnaissons que le secteur ne cessera d’évoluer, alors nous poursuivrons notre travail pour soutenir les avancées qui s’y produiront. Cela dit, nous ne ferons jamais de compromis sur la sûreté. L’industrie doit faire de même. Ensemble, nous pouvons tous assurer le déploiement de projets nucléaires sûrs. 

Selon mon expérience, la différence entre un défi et une occasion est souvent une question de perspective. 

Par exemple, les défis posés par le déploiement possible des PRM offrent à la CCSN des occasions de se moderniser. 

La possibilité d’un déploiement à grande échelle de PRM exige que nous soyons prêts à gérer de multiples projets d’autorisation. Chaque proposition pourrait aussi utiliser différentes conceptions de réacteurs, ce qui ajoute à la complexité de l’examen.

Nous nous employons résolument à relever les défis qui se posent à cet égard dans le cadre de notre projet de préparation à la réglementation des PRM, et nous déployons aussi d’autres efforts dont je parlerai plus tard. 

Il n’y a pas que les PRM qui offrent l’occasion de transformer les défis en possibilités. 

Nous relevons des défis à tous les niveaux pour assurer la prévisibilité du processus réglementaire. 

La CCSN travaille en étroite collaboration avec l’Agence d’évaluation d’impact du Canada pour donner suite aux mesures d’ordre réglementaire indiquées dans le Plan d’action publié en juin 2024 par le Groupe de travail ministériel chargé de l’efficacité réglementaire des projets de croissance propre. 

Bien que le processus d’évaluation d’impact soit effectivement devenu plus complexe, le rôle de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada n’en demeure pas moins essentiel au succès du Canada. L’importance renouvelée qui est accordée au nucléaire dans la poursuite d’une croissance propre exige que de nombreux organismes jouent des rôles tout aussi importants.

À la CCSN, nous demeurons déterminés à soutenir le travail de nos partenaires et le Plan d’action, tout en continuant d’honorer notre propre engagement à être un organisme de réglementation nucléaire efficace.

Une partie de cette efficacité découle de la modernisation de notre cadre de réglementation. 

Par exemple, en 2020, à la suite de vastes consultations, le Règlement sur la radioprotection a été mis à jour pour renforcer la protection des ouvrages dans le secteur nucléaire, y compris la mise en place de mesures d’adaptation pour les travailleuses qui allaitent et d’une limite annuelle inférieure pour les doses de rayonnement au cristallin. 

Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres où nous avons mis à profit plus de 20 ans d’expérience et de progrès scientifiques pour faire en sorte que notre cadre de réglementation reflète notre réalité actuelle et moderne.

Par la force des choses, ce travail doit se poursuivre. La CCSN a déjà établi qu’elle doit se pencher sur la façon dont elle réglementera la technologie de fusion, car le profil de risque de cette technologie diffère de celui des installations et des activités de fission. 

Vous pouvez vous attendre à ce qu’un document de travail soit publié au cours des prochains mois pour solliciter les commentaires des parties intéressées sur les approches que nous proposons en vue de réglementer la fusion. 

En communiquant notre manière de réglementer et nos attentes à l’égard des demandeurs, nous rendons plus claires à la fois nos exigences et nos attentes. 

L’incertitude dans toute entreprise peut entraîner des risques liés aux investissements et aux projets. 

L’objectif du projet de préparation à la réglementation des PRM est d’optimiser notre cadre de réglementation pour les PRM et les autres réacteurs nouveaux et avancés, et de positionner la CCSN comme un chef de file international en matière de réglementation des PRM. 

Comment cela se traduit-il concrètement? 

Je ne vais pas vous décrire tout le contenu de ce plan, qui est exhaustif, mais je vais vous présenter certaines de nos activités dans ce domaine.

Nous modernisons notre cadre de réglementation pour les PRM et d’autres technologies de pointe. 

À ce jour, nous avons mené à bien des activités telles que l’élaboration, la documentation et la mise en œuvre :

  • des instructions de travail à l’appui des articles à long délai de livraison;
  • d’un processus clair et défini de gestion des connaissances, fondé sur les analyses comparatives et les leçons tirées de projets internes;
  • et d’un emplacement accessible et transparent pour regrouper et coordonner les travaux internationaux en cours liés aux PRM.

Mais plus important encore, nous avons entrepris un examen stratégique complet du cadre de réglementation de la CCSN pour cerner les lacunes et les possibilités d’amélioration afin d’assurer la clarté des exigences relatives aux PRM, comme le passage d’une approche normative à une approche axée sur le rendement qui est neutre sur le plan technologique.

Ce travail comprend aussi le nouveau Règlement sur la sécurité nucléaire, qui tient compte de l’évolution des menaces pour la sécurité et qui s’adapte aux progrès technologiques. 

Plusieurs exigences du Règlement actuel imposent le même degré de sécurité normatif pour tous les sites à sécurité élevée, et ne font pas de distinction entre les grands et les petits réacteurs nucléaires. 

Cela empêche les titulaires de permis et les promoteurs d’utiliser de nouvelles technologies de sécurité ou des pratiques novatrices qui atteignent ou dépassent l’objectif réglementaire, soit de retarder l’avancée d’adversaires potentiels. 

Le Règlement actuel ne tient pas compte d’une approche fondée sur le risque ni des différentes technologies, tailles et solutions de rechange ainsi que d’emplacements différents pour faire face aux menaces et aux risques pour la sécurité. 

Ainsi, les PRM et les autres avancées technologiques nous permettent de cerner les défis et de les transformer en occasions de modernisation et d’évolution.

Bref, nous faisons notre part et nous nous attendons à ce que l’industrie en fasse autant. 

Il est facile de se laisser distraire par ce qui est nouveau et étincelant, mais nous devons tous porter une attention particulière à notre travail et à nos responsabilités de base. 

En tant qu’organisme de réglementation, nous surveillerons la situation et nous nous attendrons à ce que le rendement soit maintenu alors que de nouvelles technologies seront envisagées. 

Bâtir la confiance 

La confiance du public envers la CCSN est essentielle à toutes les activités nucléaires au Canada. 

Nous devons donner à la population canadienne l’assurance que l’organisme de réglementation prend de saines décisions qui sont fondées sur des données probantes et scientifiques, qui tiennent compte du risque et qui placent la sécurité des personnes et la protection de l’environnement au premier plan de tout ce que nous faisons.

Pour ce faire, nous communiquons avec le public que nous servons et lui diffusons des renseignements objectifs. 

Ces nouvelles technologies ont une incidence partout au Canada et au-delà des frontières. 

Nous continuerons donc de communiquer les faits et les données probantes à toute la population canadienne, et pas seulement aux personnes qui vivent dans les collectivités où se trouvent des installations nucléaires. 

La CCSN encourage aussi un dialogue ouvert par la consultation et la mobilisation.

En tant que mandataire de la Couronne, la CCSN a la responsabilité de respecter l’obligation de consultation et d’accommodement qui incombe à la Couronne lorsque des décisions prises par la Commission peuvent avoir une incidence sur les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones. 

Notre Programme de financement des participants et notre Fonds de soutien aux capacités des parties intéressées et des Autochtones appuient directement les possibilités de consultation et de mobilisation.

Ces fonds assurent une participation continue et constructive des Nations et communautés autochtones, ainsi que du public, à la prise de décisions et aux processus réglementaires. 

La CCSN accorde aussi la priorité à l’établissement de relations depuis de nombreuses années, en mettant l’accent sur la compréhension des questions d’intérêt et des préoccupations et en veillant à y répondre dans la mesure du possible. 

Lorsque les intérêts mutuels le permettent, la CCSN s’efforce de mettre en place des cadres de référence pour une mobilisation à long terme, afin de soutenir un dialogue respectueux ainsi qu’une mobilisation et une collaboration continues avec les Nations et communautés autochtones. 

Plus récemment, la CCSN a signé des ententes avec la Première Nation d’English River, en Saskatchewan, et la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca, en Alberta. Il s’agit des 10e et 11e ententes de ce genre signées par la CCSN à ce jour. Cette démarche est importante, car ces ententes représentent notre engagement et notre collaboration continus avec nos partenaires autochtones clés. Ces types d’ententes ainsi que notre approche exhaustive à l’égard de la mobilisation nous aident à bâtir des relations et la confiance à long terme.

Les promoteurs ont aussi la responsabilité d’établir des relations significatives et à long terme avec les Nations et communautés autochtones dont les terres visées par un traité, les territoires et les droits potentiels et établis pourraient être touchés par les activités nucléaires. 

Ce n’est que grâce à de tels efforts qu’ils gagneront la confiance et le soutien dont ils ont besoin pour leurs projets. 
 
La CCSN a clairement énoncé ces attentes dans son document d’application de la réglementation REGDOC-3.2.2, Mobilisation des Autochtones. 

Cet important document est en cours de mise à jour et nous sommes convaincus qu’une consultation et une mobilisation approfondies permettront d’améliorer les exigences, l’orientation et les attentes pour toutes les parties intéressées du secteur nucléaire. 

Collaboration internationale 

J’ai souligné l’importance de notre processus de consultation et de mobilisation au Canada. Je tiens aussi à souligner l’importance de travailler ensemble, au-delà des frontières, pour soutenir le déploiement sécuritaire des technologies nucléaires. 

Il est crucial que nous collaborions et que nous partagions nos connaissances et nos expériences clés. C’est pourquoi je suis si heureux de compter Mark Foy, de l’Office de réglementation nucléaire du Royaume-Uni, et Christopher Hanson, de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis, parmi les personnes présentes aujourd’hui. 

La coopération internationale présente des avantages considérables pour la sûreté nucléaire mondiale et contribue à assurer une approche simplifiée et sûre pour le déploiement de ces projets. 

Je me réjouis à l’idée de participer à une discussion enrichissante lors de notre table ronde. Nous nous sommes rencontrés à la Conférence générale de l’AIEA à Vienne, il y a 2 semaines, et je sais qu’ils sont tout aussi déterminés que moi à collaborer. 

Avec nos collègues des États-Unis et du Royaume-Uni, nous avons pris des mesures importantes pour permettre le partage des connaissances et des pratiques exemplaires afin de promouvoir le déploiement sûr des technologies nucléaires à l’échelle mondiale. 

Mais je dois en garder un peu pour notre table ronde, alors je vous expliquerai plus en détail nos efforts lors de cette discussion.

Autres considérations clés 

Il ne fait aucun doute que la disponibilité d’un personnel compétent, qualifié et performant pour réaliser les projets en temps opportun demeure un enjeu qui nécessite notre attention collective dans l’ensemble du secteur nucléaire.

Pour maintenir la capacité organisationnelle nécessaire au traitement de l’augmentation prévue des demandes de permis pour le déploiement de technologies nucléaires novatrices, la CCSN doit optimiser son effectif. 

À mesure que les demandes de l’industrie évoluent, que la démographie de la main-d’œuvre change et que les technologies émergentes continuent de prendre de l’ampleur, il est crucial pour la CCSN de planifier son effectif et de s’assurer qu’elle dispose des bonnes personnes occupant les bons rôles, au bon moment pour s’acquitter de son mandat.  

Il est tout aussi important pour le reste du secteur de renforcer ses capacités. Les PRM changeront la face du secteur en s’éloignant des collectivités et des régions hôtes traditionnelles. Par conséquent, il faut renforcer la capacité à l’échelle du pays pour prévoir de tels changements. 

La diversité, l’équité et l’inclusion jouent un rôle essentiel dans nos efforts continus à cet égard. 

Même si je n’ai pas éprouvé les mêmes difficultés que d’autres personnes au long de ma carrière, je suis parfaitement conscient de la nécessité de diriger nos énergies et nos efforts afin d’assurer la diversité de notre bassin de talents. 

Cela nous permettra d’embaucher les meilleurs et les plus brillants talents. La diversité, l’équité et l’inclusion sont essentielles pour favoriser l’innovation, résoudre des problèmes complexes et améliorer nos résultats. Non seulement c’est la bonne chose à faire, mais c’est surtout la chose intelligente à faire.

Conclusion 

Nous nous trouvons à un moment charnière de l’histoire. Et nous avons beaucoup à faire. 

Je peux vous assurer que la CCSN sera aux aguets et veillera à ce que la sûreté demeure une priorité pour toutes et tous. 

De solides fondations sont en place et beaucoup de travail est déjà en cours pour que nous soyons prêts. Je suis impatient de guider notre organisation dans ce parcours exceptionnel.

Nous travaillons sans relâche pour clarifier nos attentes et nos exigences. En retour, nous nous attendons à ce que vous soyez aussi au rendez-vous. 

Le secteur nucléaire traverse une période particulièrement fascinante, et j’ai vraiment hâte de voir ce que l’avenir nous réserve. 

Merci beaucoup. 

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