Document de recherche 8

Imposition des sanctions dans la police - Principes généraux

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Président
L'honorable René J. Marin, OMM, c.r., LLD

Vice-présidente
F. Jennifer Lynch, c.r.

Membres
Joanne McLeod, C.M., c.r.
William Millar
Mary Saunders, c.r.

Directeur exécutif
Simon Coakeley


Ce document fait partie d'une série de documents de recherche que le Comité a l'intention de publier en vue de recueillir les observations du public; celles-ci devant l'aider à formuler des recommandations conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (1986). Les opinions exprimées dans le présent document ne sont pas nécessairement celles du Comité.

N'hésitez pas à nous faire part de vos observations en les faisant parvenir à:

Simon Coakeley
Directeur exécutif
Comité externe d'examen de la GRC
C.P. 1159, Succursale "B"
Ottawa (Ontario)
K1P 5R2

Télécopieur: (613) 990-8969


Série de documents de recherche

Numéro 8: Imposition de sanctions dans la police

Directrice de la recherche:
Lynne Bennett

avec le concours de:
Simon Coakeley
Yvonne Martin
Suzanne Gervais

Expert-conseil:
Gerry Ferguson

Déjà parus:

Document de recherche 1
Les suspensions - Une analyse comparée
Les suspensions - Compte rendu de la consultation

Document de recherche 2
La réinstallation - Peut-elle se faire sans difficulté?
La réinstallation - Compte rendu de la consultation

Document de recherche 3
Renvoi pour raisons médicales - Une optique policière
Renvoi pour raisons médicales - Compte rendu de la consultation

Document de recherche 4
Le traitement ultérieur des plaintes - L'impact de la procédure des plaintes sur le système de discipline dans la police
Le traitement ultérieur des plaintes - Compte rendu de la consultation

Document de recherche 5
Programmes d'aide aux employés - Philosophie, théorie et pratique
Programmes d'aide aux employés - Compte rendu de la consultation

Document de recherche 6
Renvoi pour raisons disciplinaires - Une optique policière

Document de recherche 7
Conduite en dehors des heures de service


AVANT-PROPOS

Ce document de recherche est le huitième d'une série présentée par la Direction de la recherche du Comité externe d'examen de la GRC. Le Comité publie une série de documents de recherche sur des questions relatives à son mandat et à la collectivité policière. Les documents de recherche ont pour objectif de susciter des échanges et des observations qui sont relevés dans un compte rendu de la consultation.

En soumettant sa recherche, l'expert-conseil a fait des commentaires généraux concernant ses objectifs et sa méthodologie. Les observations suivantes peuvent intéresser les lecteurs de ce document de recherche:

Le Comité désire remercier les personnes qui ont aidé à la préparation de ce document. Sans la collaboration et l'aide de plusieurs personnes de la collectivité policière à travers le pays, ce document n'aurait pu être rédigé.

Simon Coakeley
Directeur exécutif
Comité externe d'examen de la GRC


TABLE DES MATIÈRES

Chapitre I

La discipline dans la police est un sujet vaste et complexe. Certains aspects de ce sujet -- notamment les suspensions avec ou sans solde pendant les procédures disciplinaires, la façon de procéder dans le cas de renvois pour raisons disciplinaires et l'impact des méthodes de traitement des plaintes sur la discipline -- ont été abordés dans les documents de recherche déjà publiés par le Comité externe d'examen de la GRC. Le présent document porte essentiellement, quant à lui, sur les principes généraux qu'il importe de suivre au moment d'imposer des sanctions aux policiers qui ont commis une inconduite.

L'information, les idées et les options présentées dans ce document de recherche ont été puisées essentiellement aux sources suivantes:

  1. la littérature sur les méthodes de gestion et les rapports employeur-employé en général, et sur l'administration et la gestion policières en particulier;
  2. les principes de discipline découlant de l'ensemble des décisions arbitrales du travail;
  3. décisions relatives aux sanctions disciplinaires touchant des policiers décrites dans les Ontario Police Reports, les décisions des comités d'arbitrage de la GRC et certaines décisions de commissions de police provinciales;
  4. les résultats d'un sondage d'opinion effectué auprès de membres de la police sur les principes généraux appliqués lors de l'imposition de sanctions à des policiers. Le questionnaire utilisé dans le cadre de ce sondage a été envoyé aux chefs de police et aux officiers supérieurs responsables des affaires disciplinaires d'une vingtaine de corps policiers provinciaux et municipaux, aux présidents des associations de policiers qui regroupent les membres des mêmes corps policiers ainsi qu'aux commissions de police provinciales, à un nombre appréciable de responsables des affaires disciplinaires et de représentants divisionnaires des relations fonctionnelles de la GRC.

Le chapitre 2 présente un aperçu préliminaire de la notion de discipline et des types de discipline, notamment la discipline punitive, corrective, progressive et positive.

Dans le chapitre 3 on décrit les moyens permettant de réduire la fréquence d'inconduite commise par des policiers et donc d'éliminer la nécessité de sanctions.

Le chapitre 4 porte sur les dispositions législatives qui régissent l'imposition de sanctions dans des corps policiers. On y signale certaines lacunes des textes législatifs existants: les buts et objectifs des mesures disciplinaires n'y sont pas énoncés, aucune consigne n'est donnée quant à la sanction appropriée, les facteurs aggravants ou atténuants à considérer relativement à différents types d'inconduite ne sont pas précisés et l'éventail des sanctions disciplinaires prévues est insuffisant. Ces lacunes, entre autres, engendrent un risque réel de disparité injustifiée dans des affaires disciplinaires touchant des policiers. On présente également, dans le chapitre 4, l'avis de membres de corps policiers sur les sanctions disciplinaires imposées dans la police.

Le chapitre 5 présente une analyse des grands principes à respecter au moment de sanctionner des policiers ayant commis une inconduite, soit pendant, soit après leurs heures de service, et souligne la nécessité de sanctions à caractère moins punitif et plus curatif.

Chapitre II

À quoi pensez-vous généralement lorsque vous entendez le mot "discipline"? Quelle image ce mot évoque-t-il pour vous? En fait, il peut évoquer à la fois des images positives et négatives. Comme bien des mots, son sens varie selon le contexte dans lequel on l'utilise.

Le mot latin dont il est dérivé, disciplina, signifiait apprentissage ou instruction. D'ailleurs, nous employons encore le mot discipline dans ce sens, par exemple pour désigner un domaine structuré de connaissances comme le droit, la médecine ou la science. Le mot discipline est aussi utilisé dans un sens très positif pour désigner la capacité d'apprendre par soi-même et de se maîtriser; c'est ainsi que nous disons de quelqu'un qu'il est "très discipliné".

Cependant, le mot discipline est souvent utilisé dans un sens plus négatif. Quand quelqu'un enfreint le règlement, il fait l'objet de sanctions disciplinaires. Au nom de la discipline, on oblige donc quelqu'un à se plier à un ordre ou à un contrôle. Au nom de la discipline, on punit ou on châtie.* Cependant, même dans ce sens plus négatif, la discipline évoque encore l'idée d'un apprentissage. La personne est censée tirer un enseignement des sanctions disciplinaires; la punition ou le châtiment visent à lui montrer à respecter les règles à l'avenir.

* Note de la traduction : Il est intéressant de noter, à cet égard, que le mot discipline désignait anciennement un petit fouet avec lequel les pénitents se flagellaient.

Il y a cependant une ombre au tableau: les sanctions disciplinaires imposées à titre de punition sont un moyen relativement inefficace d'enseigner ou de susciter un comportement socialement souhaitable.

Nous le savons d'ailleurs depuis des siècles; c'est une question de bons sens, que l'expérience confirme. Plus récemment, des psychologues du comportement et d'autres spécialistes qui étudient systématiquement les principes de l'apprentissage ont confirmé ce que nous savions déjà: les diverses méthodes de renforcement positif et de modelage (enseignement par imitation) sont beaucoup plus efficaces que le conditionnement aversif (punitions) pour contrôler le comportement. Malgré cela, la société se montre généralement empressée de recourir à la punition pour contrôler le comportement. Du moins, cela est vrai en ce qui concerne les mesures disciplinaires prises par les employeurs en général et par les dirigeants de corps policiers, en particulier.

L'une des principales recommandations formulées par la Commission Marin1 était que l'on adopte, en matière de discipline, une approche plus corrective que celle qui existait alors, sous l'ancienne Loi sur la GRC2. La version de cette loi qui était en vigueur à l'époque favorisait une approche disciplinaire généralement punitive. Dans le rapport de la Commission d'enquête Marin, la Commission formulait les observations suivantes:

Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la GRC, en 1988, des changements profonds et importants ont été apportés au système disciplinaire. On s'est notamment efforcé d'atténuer le caractère punitif du système en modifiant la terminologie et la procédure, en divisant les interventions en mesures disciplinaires simples et graves et en ajoutant de nouvelles peines axées davantage sur la correction d'une lacune que sur la punition (par exemple, le counselling, la formation spéciale, la stricte surveillance du travail et la mutation)4. Bien que la nouvelle Loi sur la GRC offre aux autorités compétentes la possibilité de recourir à ces mesures correctives, elle ne l'exige pas. Il est malheureux qu'elle ne stipule pas expressément qu'une solution qui vise à corriger et à former le membre doit toujours précéder une mesure qui vise à imputer un blâme et à infliger une punition5.

Ce qui est peut-être encore plus grave, c'est que la nouvelle Loi sur la GRC ne renferme aucune disposition exigeant l'adoption d'une approche corrective en matière de discipline, du point de vue systémique ou opérationnel. Il est regrettable que l'on n'ait pas incorporé, notamment, dans la nouvelle version de cette loi la recommandation de la Commission Marin à cet égard:

L'approche corrective a été adoptée, en partie, par les rédacteurs du Police (Discipline) Regulation7 de la Colombie-Britannique, dont voici un extrait:

Dans la même veine, l'article 22 de la Loi sur les enquêtes relatives à l'application de la loi du Manitoba stipule ce qui suit:

Dans l'ouvrage intitulé Discipline: Policies and Procedures9, James Redeker décrit deux types de discipline applicables dans le monde du travail. Le premier correspond au système traditionnel de discipline, tandis que le deuxième, qu'il appelle discipline positive, traduit une nouvelle approche. Dans le système traditionnel, la discipline est essentiellement un outil négatif en ce sens qu'on impose des sanctions pour faire respecter certaines règles de conduite. Le système traditionnel comporte normalement la notion de discipline progressive, c'est-à-dire que des peines de plus en plus sévères sont imposées pour chaque manquement successif aux règles de conduite. Sauf dans les cas d'inconduite, un premier manquement entraîne un avertissement ou une réprimande, alors qu'un deuxième manquement entraîne normalement une sanction plus sévère. Dans ce sens, les mesures disciplinaires progressives sont perçues comme des interventions correctives. On impose une peine plus grave pour chaque nouveau manquement aux règles de conduite, pour donner à l'employé l'occasion de s'amender avant de se voir imposer la sanction ultime du renvoi10.

Redeker fait remarquer que le châtiment est la pierre angulaire du système traditionnel de la discipline progressive, et que ce système repose sur des prémisses illogiques, puisqu'il part du principe que plus le traitement accordé à l'employé sera désagréable, plus le comportement de celui-ci s'améliorera.

En revanche, la discipline positive se fonde sur le principe suivant: l'employé affirme consciemment et sans équivoque la nécessité d'accepter et de respecter les règles de conduite décrétées par son employeur s'il veut continuer à travailler pour lui.

Comme le fait de travailler pour un employeur est essentiellement un engagement volontaire et contractuel, les partisans de la discipline positive affirment que, lorsqu'un employé transgresse les règles de son milieu de travail, il devrait être tenu de réitérer son engagement à accepter et à respecter les règles de l'employeur pour continuer à occuper son emploi. Redeker décrit les différentes étapes que comporte un système de discipline positive11.

D'après Redeker, si, à première vue, l'approche disciplinaire positive semble se résumer à la transformation du langage employé dans le cadre du système de discipline traditionnel, il existe néanmoins des différences importantes: "L'approche positive vise essentiellement à inciter l'employé à se conformer à des règles de conduite plutôt qu'à l'y contraindre en le punissant. Au lieu de demander à l'employé d'éviter toute transgression, on l'invite à être à la hauteur d'une exigence, et on fait subtilement du respect de cet engagement la condition de l'emploi. La responsabilité appartient donc toujours à l'employé"12.

Dans un système de discipline positive, les entretiens sur des questions disciplinaires se font sur un ton positif plutôt que sur un ton négatif ou punitif. L'employé est donc plus susceptible d'accepter les interventions, et le supérieur a moins l'impression d'être en conflit direct avec lui. Par conséquent, leurs rapports subséquents sont susceptibles d'être plus harmonieux qu'après l'imposition de sanctions disciplinaires punitives.

La discipline positive telle que la décrit Redeker a cependant le défaut de présenter l'employé comme la cause du problème, sans mentionner les facteurs structurels ou administratifs qui ont pu contribuer à la faute disciplinaire et qu'il importe de corriger (discipline corrective). Par ailleurs, certains employeurs pourraient abuser du système de discipline positive de Redeker en appliquant le mécanisme de la cessation volontaire d'emploi dans des cas où l'inconduite accumulée ne justifie pas vraiment le renvoi. Cependant, ces réserves étant faites, l'idée de rendre la discipline plus positive et moins négative mérite une attention sérieuse.

Chapitre III

Bien que ce document de recherche ait pour but de dégager les grands principes à observer au moment d'imposer des sanctions disciplinaires à des agents de police fautifs, il convient de rappeler que les sanctions seraient inutiles si on pouvait éliminer par magie l'inconduite policière. Il ne s'agit pas là d'un objectif tout à fait utopique. Comme dans le cas de la lutte contre le crime, contre la pauvreté ou contre la pollution, le but ultime de l'élimination absolue du problème n'est peut-être pas réalisable, mais beaucoup de moyens peuvent être mis en oeuvre pour réduire la fréquence de l'inconduite policière, à court et à long terme.

Quels facteurs pourraient contribuer à réduire le nombre de cas d'inconduite policière? Comment s'y prendre pour les découvrir? On pourrait, par exemple, repérer les services de police où les inconduites policières sont peu fréquentes et les comparer aux corps policiers où les cas d'inconduite sont beaucoup plus nombreux. Jusqu'à maintenant, il ne semble pas y avoir eu d'études empiriques menées auprès de corps policiers canadiens pour déceler les facteurs qui favorisent un faible taux d'inconduite policière. Cependant, les études qui comparent les corps policiers du Japon, qui affichent une très faible fréquence d'inconduite policière, à ceux des États-Unis, où les fautes policières sont beaucoup plus fréquentes, sont à la fois intéressantes et révélatrices13.

Pour résumer, disons que ces études font ressortir certains facteurs qui peuvent contribuer à une faible fréquence d'inconduite policière. Parmi ces facteurs figurent les suivants:

1. système stratifié de recrutement (c'est-à-dire le recrutement pour des postes dans différents secteurs);

2. formation plus intensive des recrues et plus de formation permanente des policiers;

3. plus de surveillance interne des fonctions policières;

4. services policiers à orientation communautaire;

5. grande participation de la collectivité au maintien de l'ordre;

6. relations actives entre la police et la collectivité;

7. solidarité et loyauté profondes14.

Cependant, il y a un autre facteur que ces études mettent particulièrement en lumière: le degré exceptionnel de fierté, d'estime de soi et de respect du public dont jouit la police japonaise (du moins par rapport à la police aux États-Unis). Il importe de souligner que la discipline policière au Japon est essentiellement une autodiscipline, et que celle-ci est, comme chacun le sait, toujours plus efficace que la discipline imposée par des menaces ou des punitions. Au Japon, les policiers jouissent d'une assez grande considération; le désir d'entretenir cette estime du public imprègne les corps policiers. Les policiers du Japon, tout comme les autres Japonais, craignent de perdre la face par suite d'une inconduite. En outre, un sentiment exceptionnellement fort de solidarité et de loyauté est un autre facteur qui incite chaque agent de police à éviter tout comportement répréhensible susceptible de ternir la réputation de l'ensemble de son service.

En plus d'examiner les méthodes et les structures qui permettent à d'autres corps policiers de réduire la fréquence des cas d'inconduite, les administrateurs de corps policiers pourraient adopter certaines méthodes de gestion des ressources humaines utilisées ailleurs. Dans n'importe quel milieu de travail, pour éviter d'avoir à appliquer des mesures disciplinaires, l'employeur doit établir et entretenir avec ses employés des relations harmonieuses. La qualité d'un corps policier et la fréquence de l'inconduite dans ses rangs dépendent, en définitive, de la qualité de la direction et de la gestion dans ce corps policier, et de son aptitude à recruter, à former et à garder des agents très motivés et satisfaits de leur sort. Il est donc indispensable que les dirigeants et les administrateurs de corps policiers connaissent bien les principes de base de la gestion des ressources humaines et qu'ils soient bien au fait des nouveaux problèmes et des nouveaux courants dans ce domaine.

Certaines tendances qui se dessinent dans des secteurs d'emploi autres que la police peuvent intéresser les administrateurs de corps policiers désireux de prévoir les nouvelles réalités et d'y réagir de manière à préserver l'harmonie des rapports employeur-employé et à réduire au minimum les cas d'inconduite. D'après les experts des relations du travail, la main-d'oeuvre des années 90 devra être instruite, bien formée et polyvalente pour pouvoir s'adapter à des tâches plus variées et à une plus grande intégration de la technologie dans le milieu de travail15. On assistera, plus particulièrement, à l'intensification des revendications en faveur d'une participation accrue des salariés à la prise de décisions (gestion participative), au détriment des structures de gestion autoritaires. Une analyse de ces questions et de certains autres aspects de l'avenir de la police16, de même que la description des techniques employées dans certaines organisations non policières pour favoriser le respect des règles et des normes de conduite est examinée dans un document séparé (Voir renvoi 13).

Il vaut toujours mieux prévenir que guérir. C'est pourquoi il y aurait lieu de réfléchir davantage aux moyens à prendre pour créer un milieu où les problèmes d'inconduite policière sont le moins susceptibles de se poser, et de consacrer plus de temps et de ressources à cet objectif.

Chapitre IV

Dans son rapport, la Commission Marin a décrit en détail l'évolution du système de discipline de la GRC. Il serait donc inutile d'en refaire l'historique ici17. Qu'il suffise de rappeler brièvement que les traditions militaires ont grandement contribué à façonner la structure et la procédure du système disciplinaire de la GRC. En outre, la terminologie employée et la procédure disciplinaire décrite dans l'ancienne version de la Loi sur la GRC (qui était en vigueur jusqu'en 1988) rappelaient le droit criminel et la procédure pénale. Par exemple, les écarts de conduite étaient décrits comme des "manquements", le policier accusé était "jugé" ou il pouvait "plaider coupable". S'il y avait procès, les règles de la preuve qui s'appliquaient étaient les mêmes que celles qui s'appliquent en vertu du Code criminel. Si l'accusé était jugé coupable, le président pouvait "lui imposer [l'une] des peines"18. Cette terminologie propre au droit pénal a complètement disparu de la nouvelle version de la Loi sur la GRC.

Pour peu que l'on examine les lois et règlements sur la police édictés par différentes provinces, on constate la même tendance. À titre d'exemple, le B.C. Regulation rappelle encore, par sa terminologie et la procédure qu'il décrit, la procédure pénale; le mot peine (" punishment") y est utilisé pour qualifier les sanctions qu'on peut imposer lorsqu'une [TRADUCTION] "accusation disciplinaire est prouvée"19. Il en va essentiellement de même pour la Saskatchewan20, le Manitoba21 et l'Ontario22, mais la situation changera lorsque la nouvelle loi sur les services policiers de la Saskatchewan entrera en vigueur comme c'est le cas dans le nouveau Police Services Act de l'Ontario. En Alberta, le Municipal Police Disciplinary Regulation a été modifié en 1978; on a alors remplacé par des termes plus neutres certains mots qui relevaient du droit pénal, notamment "infraction", "plaidoyer de culpabilité", "poursuite et défense", "acquitté" et "verdict"23.

Dans un jugement récent, la Cour suprême du Canada a affirmé clairement que les procédures entamées en vertu des différentes lois provinciales sur la police ne sont pas des poursuites criminelles et ne comportent pas de conséquences pénales24 (par exemple l'emprisonnement ou "une amende qui par son importance, semblerait imposée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline [...] "25). On peut donc dire que, tant sur le plan législatif que sur le plan judiciaire, la tendance a été de séparer la discipline policière du droit pénal et de la détermination des peines. Il s'agit là d'une saine évolution qui ne devrait pas être inversée. Cependant, il peut être très instructif de comparer les dispositions législatives qui régissent la détermination des peines en droit pénal à celles qui s'appliquent pour l'imposition de sanctions disciplinaires. Depuis quinze ans, le cadre législatif de la détermination des peines fait l'objet de critiques constantes et sérieuses pour diverses raisons26, dont les suivantes:

  1. l'absence de toute disposition législative énonçant les buts et objectifs de la détermination des peines;
  2. l'absence de lignes directrices précises à l'intention des juges qui doivent prononcer une sentence appropriée, dans chaque cas;
  3. les peines maximales sont conçues en fonction des pires cas, et aucun point de repère n'est donné quant à la peine qui conviendrait aux cas de gravité moyenne;
  4. les juges ne sont pas assez renseignés sur les sentences et les méthodes des autres juges;
  5. tous ces facteurs entraînent une inégalité ou disparité injustifiée des sentences.

Sous réserve de légères modifications, les mêmes critiques peuvent être formulées à l'égard des dispositions législatives qui régissent l'imposition de sanctions disciplinaires dans le monde du travail en général et dans les corps policiers, en particulier. Le problème n'est, du reste, pas propre au Canada. Dans une étude des lois disciplinaires de treize pays, Banderet fait le commentaire suivant: "La première chose qui saute aux yeux quand on examine les lois adoptées en matière de discipline est l'absence de bases législatives solides"27.

Les lois et règlements sur la police énumèrent généralement les types de conduite qui peuvent entraîner des procédures disciplinaires ainsi que les sanctions qui peuvent s'ensuivre. Cependant, tout comme le droit pénal, les lois et règlements sur la police sont complètement muets sur le chapitre des buts et des objectifs des sanctions disciplinaires imposées. Les personnes chargées de sanctionner les policiers fautifs n'ont aucun point de repère législatif pour les guider quant aux buts et aux objectifs des sanctions disciplinaires dans la police.

Tous les intervenants s'entendent pour dire qu'au moment de réformer les lois sur la détermination des peines au Canada, le législateur devrait énoncer des buts et des objectifs généraux dans ce domaine28. Autrement dit, le Parlement devrait orienter l'utilisation des peines imposées pour les actes criminels. Pour les mêmes motifs, il y aurait lieu d'énoncer, dans les lois et règlements sur la police, les buts et les objectifs des sanctions disciplinaires. L'absence d'une telle déclaration engendre des risques de disparité injustifiée dans les sanctions imposées aux membres du même service et, a fortiori, aux membres de corps policiers différents.

L'imposition de sanctions disciplinaires peut viser divers buts et objectifs, qui ne sont pas toujours complémentaires. Ils peuvent parfois même être contradictoires. Cependant, même quand ils ne le sont pas, un responsable des affaires disciplinaires peut accorder sensiblement plus de poids qu'un de ses homologues à certains objectifs; ainsi, deux policiers ayant commis sensiblement la même faute peuvent se voir imposer des sanctions disciplinaires très différentes.

D'une façon générale, le principal but de la discipline consiste à favoriser la bonne marche de l'entreprise ou de l'organisation. Si on transpose ce qui précède aux organisations policières, le principal but de la discipline consiste à offrir des services de police efficaces et efficients. Or, tout le monde reconnaît qu'intervenant auprès du public, les policiers ne peuvent fournir de bons services que si la population les respecte. Voilà pourquoi les services de police exigent de leurs membres une conduite irréprochable aussi bien pendant qu'après leurs heures de service29. Bien que la discipline vise essentiellement à aider un corps policier à offrir des services de police efficaces et efficients à la population, ce but ne peut être réalisé que si les peines imposées sont justes et équitables. Or, ce qui est juste et équitable dépend d'une foule de circonstances aggravantes ou atténuantes. La façon de s'y prendre pour concilier ces deux objectifs ne fait pas non plus l'unanimité. Les sanctions disciplinaires peuvent être imposées pour un ou plusieurs des motifs suivants:

  1. infliger un juste châtiment (par exemple: la justice exige que les fautes soient corrigées; le châtiment répare la faute; les fautes ne peuvent pas rester impunies, et il faut y réagir);
  2. dissuader le policier visé de commettre de nouveau la faute reprochée;
  3. dissuader les autres policiers de commettre une faute semblable;
  4. instruire, conseiller ou recycler un policier afin d'éviter qu'il répète la même faute dans l'avenir;
  5. assurer le public que les autorités policières exigent bel et bien des agents sous leurs ordres une conduite irréprochable et la plus grande intégrité.

Si une sanction est imposée pour préserver la confiance du public ou pour dissuader les autres policiers de commettre la faute en question, on attachera sans doute moins de poids à la situation personnelle dans laquelle se trouvait l'agent au moment de commettre la faute reprochée, lors de la détermination de la peine appropriée, que si le but premier de la sanction disciplinaire est de conseiller, de rééduquer ou de recycler le policier fautif. Ce conflit potentiel entre différents objectifs comporte un grave risque de disparité dans les peines imposées aux policiers, tout comme le prononcé de la sentence. Pour cette raison, il serait à la fois opportun et utile d'énoncer dans un texte législatif l'ordre de priorité de ces différents principes.

Or, comme aucun énoncé de ce genre n'existe, il n'est guère étonnant de constater que les chefs de police et les autres officiers supérieurs qui interviennent dans la procédure disciplinaire perçoivent de façon différente les buts des sanctions disciplinaires de même que l'importance relative de ces buts.

Cette divergence d'opinions ressort des données présentées dans les tableaux 1.1 à 1.4. On a posé la question suivante à des chefs de police, à des officiers supérieurs de police chargés des affaires disciplinaires et aux représentants d'associations de policiers:

Le tableau 1.1 présente l'opinion de 67 chefs de police et officiers supérieurs chargés des affaires disciplinaires, de 15 corps policiers municipaux et provinciaux répartis dans sept provinces.

table 1.1

Le tableau 1.2 présente l'opinion de 27 officiers et membres de la GRC (de l'administration centrale et d'une division régionale) qui prennent part à la réalisation d'enquêtes disciplinaires et à l'administration de la discipline.

Le tableau 1.3 résume l'opinion de 16 présidents or représentants de policiers qui regroupent les membres de 10 corps policiers, répartis dans 6 provinces.

Le tableau 1.4 reproduit l'opinion de 15 représentants ou anciens représentants divisionnaires des relations fonctionnelles à la GRC d'une division régionale. Ces 15 représentants ont une moyenne de 17 ans d'expérience dans la GRC, trois de ces 15 représentants ont été impliqués dans le processus disciplinaire au moins une fois durant leur carrière. Bien qu'il serait inexact de prétendre que ces 15 membres représentent nécessairement les opinions de tous les membres de la GRC, ils sont au moins un groupe de membres bien informés de la Gendarmerie qui ont l'expérience de représenter les intérêts des autres membres.

Tous ces répondants ont aussi été priés de préciser, au besoin, d'autres objectifs non énumérés dans les paragraphes a) à h). La grande majorité des répondants n'a pas signalé d'autres objectifs. Voici cependant la liste des autres objectifs cités par les quelques personnes qui ont répondu à cette question:

- renforcer la notion de responsabilité, qui n'est pas toujours la même chose que l'objectif énoncé au paragraphe f) ci-haut mentionné;

- satisfaire les demandes du citoyen qui a porté plainte, le cas échéant;

- assurer le respect de la discipline quand il est impossible de recourir à d'autres moyens (non disciplinaires);

- renforcer le moral et la discipline, lorsque les sanctions sont appliquées équitablement et uniformément;

- débarrasser le service de policiers qui ne devraient pas en faire partie.

À l'examen du tableau 1.1 (p. 18), on constate que les intervenants du système disciplinaire dans des corps policiers ont des points de vue différents sur l'importance relative des divers buts ou objectifs des sanctions. Par exemple, 51,5 pour cent des responsables des affaires disciplinaires de corps policiers municipaux et provinciaux estiment qu'il est toujours ou généralement important de punir les policiers fautifs, alors que 18 pour cent pensent que cela est rarement ou presque jamais important. Les représentants d'associations de policiers regroupant les membres de services de police municipaux ou provinciaux expriment, eux aussi, des opinions divergentes quant à l'importance de l'objectif disciplinaire consistant à punir les coupables: 31 pour cent d'entre eux estiment que cela est toujours ou généralement important, alors que 18 pour cent jugent qu'il n'est presque jamais important de punir ou que cela ne s'impose que rarement (tableau 1.3, p. 26). Quant aux intervenants du système disciplinaire de la GRC, ils attachent moins d'importance que leurs homologues des corps policiers municipaux et provinciaux à l'objectif de punir: en effet, 29,6 pour cent des intervenants de la GRC jugent qu'il est généralement ou toujours important de punir les coupables, alors que 44,4 pour cent estiment que cela est rarement ou presque jamais important (tableau 1.2, p. 25). Cependant, les représentants divisionnaires des relations fonctionnelles de la GRC trouvent l'objectif de punir plus important que les intervenants du système disciplinaire de la GRC: 46,6 pour cent d'entre eux croient qu'il est toujours ou généralement important de punir les coupables, alors que 26,6 pour cent trouvent que c'est rarement ou presque jamais important.

Cette divergence de vues existe non seulement entre différents corps policiers, mais aussi entre les hauts gradés du même corps policier chargés des affaires disciplinaires. Pour ne citer qu'un exemple, dans un service de police d'assez grande envergure, huit officiers supérieurs responsables des affaires disciplinaires ont donné leur avis sur l'importance de punir, comme objectif des sanctions imposées dans la police: le premier a dit que c'était toujours important, tandis que le deuxième jugeait que ce ne l'était presque jamais; le troisième a exprimé l'avis que c'était généralement important, et deux suivants ont déclaré que ce ne l'était que rarement. Enfin, les trois derniers répondants ont dit que c'était parfois important.

L'analyse des autres objectifs des sanctions énumérées dans les tableaux 1.1 à 1.4 fait aussi ressortir la diversité des points de vue quant à leur importance, bien que la divergence de vues soit moins flagrante que dans le cas de l'objectif de punir. Fait digne de mention, c'est le dernier objectif "imposer une sanction juste et équitable" qui fait l'objet du plus grand accord, la très grande majorité des répondants le jugeant toujours important. Or, ironiquement, l'un des facteurs qui contribue à l'imposition de sanctions injustes ou inéquitables est précisément cette disparité des points de vue entre les divers intervenants du système disciplinaire de la police, au sujet des buts et objectifs des sanctions.

En l'absence de dispositions législatives stipulant les buts et objectifs des sanctions disciplinaires, chaque service de police devrait à tout le moins énoncer ses propres objectifs. Cependant, aucun des services de police rejoints par ce sondage ne l'avait fait. Cet énoncé des objectifs devrait normalement faire état des principes suivants:

  1. Le but premier des mesures disciplinaires dans la police consiste à aider le corps policier à réaliser son mandat d'offrir des services de police efficaces et efficients à la population; il importe aussi de rappeler que toute sanction disciplinaire doit être juste et équitable, compte tenu des circonstances.
  2. Si des facteurs d'ordre organisationnel ou administratif ont contribué sensiblement à l'inconduite reprochée, il faut tâcher priorité, de corriger ces facteurs plutôt que de blâmer et de punir le policier impliqué30.
  3. Lorsqu'il s'avère nécessaire de prendre des mesures disciplinaires, une solution qui vise à corriger et à former le membre doit être préférée à toute solution qui vise à imputer un blâme et à infliger une punition31.
  4. Si des mesures disciplinaires s'imposent, il faut choisir la sanction la moins lourde qui convienne dans les circonstances; il faut réserver les sanctions graves aux cas où les mesures disciplinaires simples sont de toute évidence insuffisantes.
  5. Les sanctions disciplinaires ne devraient jamais être disproportionnées à la gravité de la faute commise.
  6. Il faut tenir compte aussi bien des circonstances aggravantes que des circonstances atténuantes au moment de déterminer la sanction juste.
  7. La dissuasion des autres agents de police et la préservation du respect du public ne sont des objectifs valables que dans la mesure où la sanction est par ailleurs juste et proportionnelle à la faute commise.
  8. Les sanctions disciplinaires doivent être imposées uniformément (c'est-à-dire, des fautes semblables commises dans des circonstances semblables doivent entraîner des sanctions semblables).

Dans l'ensemble, les différentes lois sur la police et leurs règlements sont avares de précisions sur les sanctions disciplinaires à imposer pour différents genres d'inconduite policière. Ils ne précisent généralement pas non plus les facteurs qui peuvent constituer des circonstances aggravantes ou atténuantes.

Selon l'ancienne Loi sur la GRC, les fautes commises par des membres se répartissaient en deux grandes catégories: les "manquements graves au devoir" et les "manquements simples au devoir"32. Ces catégories étaient cependant définies de façon assez souple pour permettre de ranger un acte donné dans l'une ou dans l'autre. L'ancienne version de la Loi sur la GRC prévoyait également une série distincte de peines pour les manquements graves ou simples au devoir, mais certaines de ces peines se recoupaient; ainsi, les auteurs de manquements graves ou simples au devoir étaient passibles de congédiement33. Ni l'ancienne Loi sur la GRC, ni son règlement ne précisaient de peine maximale, minimale ou moyenne pour une faute donnée. Ainsi, tout l'éventail des peines prévues pour des manquements simples au devoir -- y compris le congédiement -- pouvait être envisagé lorsqu'un membre avait commis un tel manquement, que la faute en question fût anodine ou relativement grave. Il en allait de même pour les manquements graves au devoir, n'importe laquelle des peines prévues pouvant être appliquée, peu importe la gravité relative des différents manquements.

En vertu de la nouvelle Loi sur la GRC et de son règlement, une contravention au Code de déontologie34 peut entraîner, à la discrétion du membre commandant un détachement ou de l'officier compétent, une mesure disciplinaire simple ou grave35. Ainsi, des mesures disciplinaires graves s'imposent "lorsqu'il apparaît à un officier compétent qu'un membre a contrevenu au Code de déontologie et qu'eu égard à la gravité de la contravention et aux circonstances, les mesures disciplinaires simples visées à l'article 41 ne seraient pas suffisantes[...]"36. Des mesures disciplinaires simples sont prises dans environ 90 pour cent des cas. Il y a des listes distinctes de peines correspondant aux mesures disciplinaires graves ou simples, bien que des mesures disciplinaires simples puissent aussi être prises dans le cas de fautes disciplinaires graves37. Les contraintes de temps ne permettaient pas d'examiner en détail, dans le cadre de la présente étude, les critères (gravité de la faute et circonstances qui l'ont entourée) qui déterminent l'application de mesures disciplinaires graves ou simples, de voir si ces critères sont appliqués uniformément partout au pays ni de découvrir s'il existe une disparité importante dans les peines simples imposées. Ces questions revêtent cependant de l'intérêt et mériteraient d'être étudiées à fond.

Il est malheureux que la nouvelle version de la Loi sur la GRC et son règlement ne renferment pas plus de points de repère que l'ancienne au sujet des sanctions qui correspondent à divers types d'inconduite. Si, à la suite d'un manquement au Code de déontologie, on opte pour la procédure officielle, toute la panoplie des mesures disciplinaires graves (de la plus sérieuse à la plus anodine) seront envisageables, peu importe la différence de gravité relative de différents types de fautes.

Les différentes lois provinciales sur la police et leurs règlements méritent les mêmes critiques. On y énumère toutes les sanctions que peut entraîner n'importe quelle faute disciplinaire (celles-ci se rangeant dans différentes catégories: fautes majeures ou mineures, fautes graves ou simples)38. De telles dispositions législatives ne donnent aucune balise permettant de déterminer la sanction qui convient dans différents types de cas. Cette absence de consignes ne peut que favoriser la disparité des sanctions disciplinaires imposées. Que l'on songe, par exemple, à la conduite avec facultés affaiblies (c'est-à-dire le fait de prendre le volant quand on a un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08). Quelle peine disciplinaire -- si une peine est justifiée dans ce cas -- devrait être imposée à un agent de police reconnu coupable d'avoir commis cette infraction pendant qu'il n'était pas de service (en supposant qu'il n'y a pas eu de circonstances aggravantes comme un accident grave ou une poursuite à haute vitesse, par exemple)?

À la Gendarmerie, du moins en vertu de l'ancienne Loi sur la GRC, il semble que la peine aurait normalement été une réprimande assortie d'une amende dont le montant pouvait varier. Les amendes ont été abolies et ne figurent plus dans la nouvelle Loi sur la GRC, mais la confiscation de la solde existe toujours en tant que peine pécuniaire. La description des affaires suivantes, survenues en 1987 et en 1988, est extraite du RCMP Case Digest de la GRC:

Il ressort de ces trois affaires que, dans le cas d'une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies, la règle est d'imposer une réprimande et une amende peu importante (de 25 à 50 $). D'autres affaires (notamment les dossiers nos 299, 330 et 380) étaient plus graves et ont entraîné l'imposition d'une amende plus considérable (de 300 à 400 $), assortie d'une réprimande42. Cependant, tous les services de police ne réagissent pas nécessairement de la même façon à la conduite avec facultés affaiblies; la pénalité imposée variait même considérablement parmi les autres corps policiers consultés. L'un imposait normalement la confiscation de deux ou trois jours de congé (ou de solde), alors qu'un autre venait d'avertir ses membres que la règle serait la confiscation de 6 à 8 jours de congé (ou de solde). Dans certaines circonstances, on juge qu'il y a lieu de renvoyer le policier fautif. Dans l'affaire Gamble43, la Commission de police de l'Ontario a confirmé la décision d'ordonner la démission obligatoire ou, à défaut, le congédiement sommaire d'un policier qui avait, pendant qu'il n'était pas de service, conduit dangereusement, avec les facultés affaiblies, et mis en danger la vie d'autres personnes. L'agent en question était un alcoolique; son service de police lui avait offert de l'aide et donné des chances de s'amender, mais l'intéressé n'avait pas montré de véritable volonté de le faire. Dans l'affaire Watson44, la Commission de police de l'Ontario a confirmé la rétrogradation (de la première à la quatrième classe) pour six mois d'un agent impliqué dans un incident grave de conduite avec facultés affaiblies, survenu en dehors de ses heures de service. La Commission a déclaré ce qui suit à la page 815:

À l'autre extrême, dans l'affaire Re Communauté urbaine de Montréal et Fraternité des policiers de Montréal45, l'arbitre Gravel a jugé qu'on ne pouvait présumer que la condamnation d'un policier pour conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 causait un réel préjudice au service de police (par exemple, en portant atteinte au prestige et à l'efficacité de la police ou en contribuant à la perte de l'estime et de la confiance du public). Dans ce cas, prenant en considération l'ancienneté de l'agent, l'absence d'antécédents disciplinaires et le fait qu'il s'était agi d'un incident isolé survenu après les heures de travail, l'arbitre a jugé qu'aucune sanction disciplinaire n'était justifiée.

Ces différentes approches adoptées à l'égard de policiers ayant conduit un véhicule avec les facultés affaiblies, pendant qu'ils n'étaient pas de service, ne devraient pas nous surprendre, puisque les codes disciplinaires ne donnent aucune précision sur la sanction qui convient dans le cas d'une condamnation pour conduite en état d'ébriété; ils n'indiquent même pas si une sanction quelconque s'impose. À cette absence de points de repère législatifs vient s'ajouter le fait que les lois et règlements sur la police sont tout à fait muets au sujet des circonstances qui devraient être considérées comme aggravantes ou atténuantes. Par conséquent, chaque responsable des affaires disciplinaires est laissé à lui-même et doit décider seul si certains facteurs doivent entrer en ligne de compte dans la détermination d'une peine juste et appropriée.

Il n'est pas étonnant que les responsables de l'application des mesures disciplinaires dans la police ne s'entendent pas sur l'importance de divers facteurs aggravants ou atténuants. Les tableaux 2.1 à 2.4 illustrent bien leurs divergences de vues sur la pertinence de certaines circonstances aggravantes ou atténuantes. Par exemple, si on se reporte au point g) du tableau 2.1, on constate que 31 pour cent des responsables des affaires disciplinaires dans les corps policiers estiment que la coopération pendant l'enquête sur la faute est toujours ou généralement importante, alors que 25 pour cent croient qu'elle constitue rarement, voire presque jamais, un facteur atténuant.

Les tableaux 2.1 à 2.4 représentent les réponses reçues aux questions suivantes:

Le tableau 2.1 présente l'opinion de 67 chefs de police et officiers supérieurs chargés des affaires disciplinaires de 15 corps policiers répartis dans 7 provinces.

Le tableau 2.2 traduit l'avis de 27 agents et membres de la GRC qui prennent part à la réalisation d'enquêtes disciplinaires et à l'administration de la discipline.

Le tableau 2.3 résume l'opinion de 16 présidents ou représentants de police regroupant des membres de 10 corps policiers répartis dans 6 provinces.

Le tableau 2.4 présente l'opinion de 15 représentants ou anciens représentants divisionnaires des relations fonctionnelles à la GRC.

L'éventail actuel des sanctions prévues dans des dispositions législatives présente plusieurs lacunes. Toutes les sanctions disciplinaires prévues par l'ancienne Loi sur la GRC et par diverses lois provinciales sur la police et leurs règlements46 sont à caractère punitif; il n'existe aucune sanction corrective. Il fallait modifier cet état de choses, et l'adoption de la nouvelle Loi sur la GRC constituait un premier pas dans la bonne direction. Ainsi, les paragraphes 41(1) et 45.12(4) de cette loi prévoient les mesures disciplinaires correctives suivantes:

a) conseiller le contrevenant;
b) recommander de lui faire suivre une formation spéciale;
c) recommander de le faire bénéficier des conseils d'un spécialiste;
d) recommander sa mutation;
e) le soumettre à une stricte surveillance pendant son travail;

Cependant, même si ces sanctions correctives sont dorénavant disponibles, celles-ci ne semblent pas recourir aux mesures décrites dans les alinéas b) à e) très souvent. Aucune directive législative ne stipule qu'il faut donner la priorité à ces mesures correctives. Bien que, à l'heure actuelle, on conseille le contrevenant dans 50 à 70 pour cent des cas où des mesures disciplinaires simples sont imposées à la GRC, cette intervention est souvent faite pour la forme et ressemble à une réprimande, sauf qu'elle est verbale plutôt qu'écrite. Or, la mesure consistant à "conseiller le contrevenant" devrait être interprétée de façon beaucoup plus large.

Fait plus grave, les peines prévues par la nouvelle Loi sur la GRC semblent faire abstraction de l'importance du dédommagement et de la réparation. Les sanctions disciplinaires devraient prévoir la réparation des torts causés à la Gendarmerie, à ses membres ou à d'autres citoyens. Il peut s'agir d'excuses, de dédommagements ou de la prestation de services communautaires appropriés. Les sanctions à caractère réparateur sont particulièrement importantes pour regagner la confiance du public quand l'inconduite de certains policiers a causé du tort à certains citoyens.

Une autre lacune générale de l'éventail actuel des sanctions disciplinaires prévues par les lois et les règlements sur la police tient à son caractère restreint et limité. En vertu du paragraphe 45.12(3) de la nouvelle Loi sur la GRC, la peine la plus sévère est le congédiement (ou l'ordre de démissionner). Viennent ensuite, par ordre de gravité, la rétrogradation (qui n'est pas possible dans le cas d'un agent ou d'un inspecteur) et la confiscation de la solde pour une période maximale de 10 jours de travail. Sur le plan de la sévérité, l'écart entre le congédiement (parfois appelé la "peine capitale" du droit du travail) et la confiscation de la solde pour 10 jours peut se comparer, en droit criminel, à l'écart entre la peine de mort et l'emprisonnement pour 10 jours. Autrement dit, la Loi sur la GRC ne prévoit pas de peine plus dure que la confiscation de la solde pour 10 jours mais moins dure que le congédiement pur et simple (ou l'ordre de démissionner). Cette lacune risque d'avoir la conséquence fâcheuse d'obliger les responsables des affaires disciplinaires à recourir à la sanction ultime du congédiement quand l'affaire est trop grave pour n'entraîner que la confiscation de la solde pour 10 jours ou à imposer la confiscation de la solde pour 10 jours plutôt que le congédiement, tout en reconnaissant qu'il s'agit d'une sanction beaucoup trop clémente.

Dans beaucoup d'autres milieux de travail, l'employé coupable d'un écart de conduite très grave peut être suspendu sans traitement pour des semaines, des mois, voire un an. Ce serait là, par exemple, un moyen terme raisonnable entre la confiscation de la solde pour 10 jours et le congédiement. Dans certains cas, l'agent suspendu pourrait aussi être tenu de suivre un programme de formation corrective ou des cours de recyclage, de consulter un psychothérapeute ou un autre spécialiste ou encore de s'adonner à une activité à caractère réparateur pendant sa suspension, avant de réintégrer son poste. Dans l'ensemble, les autres lois sur la police prévoient très peu de sanctions entre la confiscation de la solde (ou des congés) et le congédiement47, bien que plusieurs prévoient la confiscation de la solde ou des congés pendant des périodes plus longues que la Loi sur la GRC48.

Dans le cadre du sondage sur les sanctions disciplinaires dans la police, la question suivante a été posée:

Il est évident que les officiers de police qui sont chargés d'appliquer les mesures disciplinaires, dans la pratique (catégories 1 et 2 du tableau ci-dessus), ressentent plus l'insuffisance du répertoire de sanctions actuel que les représentants des membres. En effet, 24 pour cent des responsables de la discipline dans des corps policiers municipaux (16 sur 67) et 33 pour cent de leurs homologues à la GRC (9 sur 27) estiment que l'éventail actuel des options est trop étroit.

Voici, énoncées brièvement, les autres options proposées par les chefs de police et les officiers supérieurs chargés des affaires disciplinaires:

- plus de latitude dans le choix des sanctions: par exemple, imposer des heures de service supplémentaires;
- présentation d'excuses aux victimes;
- confiscation de congés ou d'autres crédits;
- perte de congés accumulés;
- relèvement du montant maximal des amendes (plafond actuel: 200 $);
- suspension pour une période plus longue (maximum actuel: 5 jours);
- traitement obligatoire des problèmes de consommation de drogues et d'alcool;
- obligation de voir un thérapeute ou un conseiller;
- toute autre exigence pertinente, incluse dans la sentence;
- le renvoi conditionnel serait très utile dans le cas des agents qui ont besoin de counselling (voir l'obligation de suivre un traitement);
- il faudrait un genre de sentence: par exemple prévoir une période de probation ou le renvoi conditionnel, pour assurer un suivi;
- la réhabilitation doit toujours être envisagée et possible;
- l'option de surseoir à l'exécution de la peine pour au plus un an, afin d'assurer la bonne conduite (mesure qui servirait essentiellement pour régler des problèmes de comportement, notamment les problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie);
- ordonnance d'effectuer du travail communautaire, s'il y a lieu;
- exception faite du congédiement, la peine maximale est la suspension pour cinq jours; la période maximale de suspension devrait être portée à 30 jours.

Les recommandations suivantes ont été formulées par des agents et des membres de la GRC chargés de l'application de la discipline:

- suspension avec solde;
- suspension sans solde;
- suspension temporaire qui serait une mesure intermédiaire entre la confiscation de la solde et la rétrogradation ou le congédiement;
- options intermédiaires permettant une meilleure gradation entre les peines minimale et maximale;
- conseiller l'employé devrait faire partie de saines méthodes de gestion du personnel et n'avoir aucune connotation disciplinaire;
- la filière qu'il faut suivre pour faire imposer une mesure disciplinaire grave est trop lourde;
- l'éventail actuel est suffisant; c'est tout simplement que le processus est trop long, et les peines les plus radicales (notamment le congédiement) sont presque impossibles à appliquer;
- il devrait y avoir plus de mesures disciplinaires simples; par exemple, la suspension de la solde pour cinq jours ou moins, décrétée par l'officier compétent, contribuerait assurément beaucoup à réduire le nombre d'audiences officielles;
- l'éventail des options est assez large, mais les mesures ne sont pas bien appliquées; il devrait y avoir plus de mesures correctives autorisées par la Loi plutôt que l'avertissement automatique et la confiscation de la solde;
- les mesures disciplinaires simples ont un caractère trop officiel.

En règle générale, l'imposition de sanctions disciplinaires est très centralisée dans les services de police. Normalement, seuls le chef de police ou quelques officiers supérieurs peuvent appliquer des sanctions disciplinaires. Le fait que, dans chaque service de police, la prise de décision soit entre les mains de quelques personnes seulement réduit les risques de disparité injustifiée des sanctions imposées, du moins à l'échelle du service. À la GRC, les mesures disciplinaires simples sont étudiées et approuvées au niveau régional. Quant aux mesures disciplinaires graves, elles relèvent de la compétence de comités d'arbitrage qui se composent normalement d'un agent de la Direction des normes professionnelles (à Ottawa) ayant une formation en droit et de deux autres agents d'une division voisine. Il y a donc un risque évident de disparité entre les mesures disciplinaires simples imposées dans les différentes régions, puisque la prise de décision définitive se fait au niveau régional. Le même risque de disparité existe entre les différents tribunaux d'arbitrage, en ce qui concerne les mesures disciplinaires graves, bien qu'on se soit efforcé de régler le problème en veillant à ce que chaque tribunal soit doté d'un arbitre à plein temps relevant de l'administration centrale et à ce que les décisions arbitrales antérieures soient distribuées à toutes les divisions. Comme on le verra à la lecture de ce qui suit, le risque de disparité d'un service de police à l'autre est beaucoup plus grand.

Même si l'administration de la discipline est très centralisée à l'intérieur d'un corps policier, le risque de disparité s'accroît lorsque les dispositions législatives qui touchent la discipline: 1) n'énoncent pas les buts et objectifs des sanctions disciplinaires, 2) ne donnent pas de directives ni de points de repère sur les sanctions à appliquer pour différents genres d'incidents et 3) n'énumèrent pas les facteurs qui peuvent constituer des circonstances aggravantes ou atténuantes. Lors du sondage sur les sanctions disciplinaires dans la police, on a demandé à des chefs de police et à des officiers supérieurs chargés des affaires disciplinaires s'il y avait, à leur avis, une disparité injustifiée (c'est-à-dire si des fautes semblables commises dans des circonstances analogues étaient traitées de façon différente, d'une part, à l'intérieur de leur service et, d'autre part, entre leur service et d'autres corps policiers. Le tableau 3.2 résume l'opinion des responsables de l'application de la discipline à la GRC et dans des corps policiers municipaux et provinciaux.

Même si peu de répondants estiment qu'il y a beaucoup de disparité à l'intérieur de leur service, il est intéressant de constater que 45 pour cent (42 répondants sur 93) pensent qu'il y en a un peu, alors que 48 pour cent sont d'avis qu'il n'y en a presque pas. Si on ne considère que les répondants de la GRC, 7,4 pour cent d'entre eux trouvent qu'il y a beaucoup de disparité injustifiée à l'intérieur de leur corps policier, alors que 48 pour cent estiment qu'il y en a un peu et 40 pour cent, qu'il n'y en a presque pas.

Quand il s'agit de l'ampleur de la disparité constatée entre différents corps policiers, les estimations sont beaucoup plus élevées: 13 pour cent des répondants jugent qu'il y a beaucoup de disparité, 36 pour cent qu'il y en a un peu, et à peine 16 pour cent estiment qu'il n'y en a presque pas. Quant aux autres répondants (34 pour cent), ils n'ont pas voulu se prononcer, n'ayant pas de renseignements sur lesquels fonder leur réponse.

Quand la même question a été posée aux représentants d'associations de policiers et aux représentants divisionnaires de la GRC, les estimations au sujet d'une éventuelle disparité ont été considérablement plus élevées, comme on pouvait s'y attendre. Le tableau 3.3 résume l'opinion combinée des représentants divisionnaires des relations fonctionnelles à la GRC et des représentants des associations de policiers municipaux et provinciaux.

Comme il ressort du tableau 3.3, près du quart des représentants de policiers (22,5 pour cent) estiment qu'il y a beaucoup de disparité sur le plan des sanctions à l'intérieur de leur corps policier, tandis que seulement 6,5 pour cent d'entre eux jugent qu'il n'y en a presque pas. Les estimations des représentants divisionnaires des relations fonctionnelles de la GRC sont légèrement plus élevées que celles des représentants d'associations de policiers municipaux.

L'un des facteurs à l'origine de cette disparité (aussi bien des sentences que des sanctions disciplinaires) est l'absence de directives. Une autre source de disparité tient à l'absence d'information sur les sanctions imposées par d'autres intervenants du système disciplinaire dans des affaires analogues. Naturellement, il ne suffit pas, pour éliminer toute disparité, de mieux renseigner les responsables de l'application de mesures disciplinaires sur ce que font leurs homologues. En droit pénal, dans le domaine de la détermination des peines, l'expérience nous montre que certains juges plutôt individualistes peuvent faire abstraction de ces renseignements, et le font parfois. Cependant, même si cette information ne garantit pas l'uniformité, elle représente néanmoins un premier pas important et nécessaire pour réduire la disparité.

Les opinions résumées ci-dessus, et notamment les réponses des chefs de police et des autres intervenants qui se sont dits incapables de se prononcer, faute de renseignements, sur une éventuelle disparité entre leur service de police et d'autres, font ressortir la nécessité de compiler les décisions relatives aux sanctions disciplinaires imposées partout au Canada et de diffuser ce recueil aux responsables de l'application de la discipline dans tous les corps policiers du pays. Les rapports de la Commission de police de l'Ontario sont un modèle dont on pourrait s'inspirer pour concevoir un tel recueil qui est indispensable, à l'échelle nationale, pour favoriser plus d'uniformité dans les sanctions décrétées par les autorités policières. Ces renseignements pourraient aussi être compilés et diffusés au moyen d'une base de données nationales comme celle du CIPC. L'Association canadienne des chefs de police pourrait peut-être se charger d'amorcer cette initiative, en faisant appel à l'aide financière et au concours des différentes commissions de police provinciales.

Dans le cadre du sondage sur les sanctions disciplinaires dans la police, les personnes interrogées ont aussi répondu à la question suivante:

Le tableau 3.4 résume les réponses à cette question.

Il est étonnant que 31 pour cent des responsables de l'application de la discipline dans des corps policiers municipaux ou provinciaux estiment ne pas avoir accès ou suffisamment accès aux décisions antérieures sur les sanctions imposées pour pouvoir assurer l'uniformité des sanctions. Fait moins surprenant, 47 pour cent des représentants divisionnaires de la GRC et 60 pour cent des représentants des associations de policiers municipaux trouvent qu'ils n'ont pas assez accès à ces décisions. Ces données viennent confirmer encore davantage la nécessité d'un recueil national de décisions sur les sanctions imposées à des policiers.

Il existe d'autres différences entre les dispositions législatives qui régissent l'administration de la discipline dans les différents corps policiers du pays. Ces différences déterminent si et quand des sanctions disciplinaires sont imposées. Il s'agit notamment de la norme de preuve, des délais de prescription et des règles relatives à la double incrimination, à la res judicata et à la question de préclusion.

a) Norme de preuve

La norme de preuve varie d'une loi sur la police à l'autre. En vertu de l'ancienne Loi sur la GRC, les preuves devaient être établies hors de tout doute raisonnable (ce qui était normal, vu la nature pénale de certaines sanctions disciplinaires), alors que dans la nouvelle Loi sur la GRC (par. 45.12(1)), on a adopté la norme de preuve du droit civil, soit la "prépondérance des probabilités". D'après le BC Regulation (art. 23), le Saskatchewan Regulation (art. 1.15) et la Loi du Manitoba (par. 27(2)), des sanctions disciplinaires ne peuvent être imposées que si l'inconduite de l'agent est prouvée hors de tout doute raisonnable, alors que l'article 61 de la Loi sur les services policiers de l'Ontario fixe une troisième norme: l'inconduite doit être prouvée "sur la foi de preuves claires et convaincantes". Cette norme de preuve est plus stricte que la prépondérance des probabilités, mais moins que l'établissement de la preuve hors de tout doute raisonnable.

b) Délais de prescription

En vertu de l'article 34 du B.C. Regulation, aucune procédure disciplinaire ne peut être entamée plus de 6 mois après l'incident allégué ou plus de 3 mois après la découverte de l'incident allégué, la dernière de ces deux dates étant retenue. Le paragraphe 43(8) de la nouvelle Loi sur la GRC stipule qu'aucune audience disciplinaire ne peut être convoquée plus d'une année après que la contravention alléguée et l'identité du membre impliqué aient été portées à la connaissance de l'officier compétent. Même ce délai d'un an est parfois trop court, quand la Commission des plaintes du public contre la GRC décide de convoquer une audience49.

c) Double incrimination

Dans l'arrêt Wigglesworth, la Cour suprême du Canada a statué qu'une personne peut être passible à la fois d'une peine criminelle et de sanctions disciplinaires. Le juge Wilson a cité les observations du juge Cameron de la Cour d'appel de la Saskatchewan, auxquelles il souscrivait:

Il est clair que l'article 39 de la nouvelle Loi sur la GRC autorise l'institution de procédures disciplinaires à l'endroit d'un membre, que celui-ci ait été condamné ou acquitté par les tribunaux pour le même acte:

Bien que l'imposition de sanctions pénales et disciplinaires pour la même conduite ne contrevienne pas au principe interdisant la double incrimination, certaines lois sur la police, pour des motifs de politique, semblent la prohiber. À titre d'exemple, le paragraphe 58(3) des Municipal Police Disciplinary Regulations de l'Alberta prévoit ce qui suit:

Ces dispositions doivent désormais être interprétées à la lumière des paragraphes 17(3) et 47(2) de la Police Act de l'Alberta52.

d) Res judicata et la question de préclusion

On constate aussi un certain flottement entre les différentes régions du pays quant à la question de savoir si les responsables de l'application de mesures disciplinaires dans la police sont liés par les conclusions de fait auxquelles sont parvenues les autorités judiciaires, lors de poursuites criminelles découlant des mêmes actes. Cela semble justifié quand la norme de preuve est la même, dans le cadre des poursuites criminelles et de la procédure disciplinaire. Quand la question a été soulevée dans l'affaire Fedoriuk53 sous l'ancienne Loi sur la GRC, un des juges a statué que le tribunal disciplinaire était lié par la conclusion de fait à laquelle la cour criminelle, était parvenue (relativement à l'intention de voler); le deuxième juge a conclu qu'il ne l'était pas, tandis que le troisième a déclaré qu'il n'était pas nécessaire de trancher la question en l'espèce. Quoi qu'il en soit, la situation a changé depuis l'adoption de la nouvelle Loi sur la GRC, puisque la nouvelle norme de preuve (prépondérance des probabilités) diffère désormais de la norme qui s'applique en droit criminel, où les allégations doivent être prouvées hors de tout doute raisonnable.

En Colombie-Britannique, où la norme de preuve est la même pour les affaires criminelles et disciplinaires, les paragraphes 10(3) et (4) du BC Regulation prévoient ce qui suit:

En revanche, l'alinéa 39(1)b) de la nouvelle Loi sur la GRC permet d'entamer des procédure disciplinaires, même si le membre visé a été acquitté, au criminel, d'une accusation portant sur les mêmes actes.

e) Suspension pendant l'audience disciplinaire

Selon le corps policier dont l'agent fait partie, une sanction disciplinaire peut comporter des pertes financières plus ou moins importantes, en raison des politiques différentes qui ont cours relativement à la suspension avec ou sans solde du policier avant son audience disciplinaire. Cette question a été étudiée à fond dans le document de recherche 1 publié par le Comité externe d'examen de la GRC54.

Chapitre V

Au chapitre 4, on a examiné les buts et les objectifs des sanctions disciplinaires sous l'angle du cadre législatif qui les entoure. Dans le présent chapitre, on verra comment ces principes généraux s'appliquent ou devraient s'appliquer dans des affaires précises. En général, les responsables des affaires disciplinaires dans la police s'inspirent des décisions arbitrales passées dans le domaine des relations du travail en y apportant les modifications nécessaires, compte tenu des aspects particuliers de la discipline dans la police. Cette jurisprudence arbitrale est trop vaste pour qu'on l'étudie en profondeur dans le présent chapitre. Qu'il suffise de mentionner que Brown et Beatty consacrent plus de 200 pages à la discipline, dans leur ouvrage Canadian Labour Arbitration55. Nous nous bornerons donc, dans ce chapitre, à exposer les grands principes de l'imposition de sanctions disciplinaires, de même que les facteurs aggravants et atténuants à considérer.

Dans le jugement Wigglesworth c. La Reine, le policier qui interjetait appel a soutenu que les droits énoncés à l'article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés56 s'appliquaient aux personnes accusées d'avoir commis une infraction à la discipline. L'article 11 de la Charte garantit certains droits aux inculpés. La Cour suprême du Canada a jugé que le terme "infraction" inscrit à l'article 11 désignait des infractions criminelles ou pénales et non des infractions disciplinaires, à l'exception de celles qui, par leur nature même, sont criminelles ou pénales ou entraînent des conséquences pénales57. La Cour suprême du Canada a déclaré que les droits énoncés à l'article 11 de la Charte s'appliquaient effectivement aux personnes accusées de manquements graves au devoir, aux termes de l'ancienne Loi sur la GRC, puisque cette Loi avait de véritables conséquences pénales (c'est-à-dire un emprisonnement maximal d'un an à tout membre reconnu coupable d'un manquement grave au devoir). On peut cependant affirmer sans risque de se tromper que les droits énoncés à l'article 11 de la Charte ne s'appliquent pas à la nouvelle Loi sur la GRC, puisque les sanctions prévues aux termes de cette Loi n'ont pas de conséquences pénales.

Lorsqu'il en est arrivé à la conclusion que les droits énoncés à l'article 11 de la Charte ne s'appliquaient pas en général aux procédures disciplinaires, le juge Wilson, qui partait, sur ce point, au nom de la cour tout entière, a dit que les infractions criminelles ou pénales étaient d'ordre public et qu'il fallait les distinguer "d'avec les affaires privées, internes ou disciplinaires qui sont de nature réglementaire, protectrice ou corrective et qui sont principalement destinées à maintenir la discipline, l'intégrité professionnelle ainsi que certaines normes professionnelles, ou à réglementer la conduite dans une sphère d'activité privée ou limitée"58.

Dans les arrêts Trimm c. Police régionale de Durham59, Burnham c. Ackroyod60 et Trumbley et Pugh c. Police de la Communauté urbaine de Toronto61 , la Cour suprême du Canada a jugé que les procédures disciplinaires entreprises en vertu de l'ancienne Loi sur la police62 de l'Ontario n'étaient pas de nature criminelle et ne comportaient pas de conséquences pénales63. La Cour suprême a jugé que ces questions sont essentiellement de nature privée entre l'agent et ses supérieurs"64. Dans ces arrêts, la Cour suprême a également cité les observations suivantes que le juge Morden a faites lorsqu'il a rendu la décision de la Cour d'appel de l'Ontario:

Même si la Cour suprême du Canada a déclaré que les mesures disciplinaires imposées dans la police ne sont ni criminelles ni pénales, les procédures disciplinaires officielles qui s'apparentent beaucoup aux procédures criminelles peuvent donner l'impression qu'elles sont toujours quasi criminelles. De même, les amendes et autres peines pécuniaires donnent l'impression que les mesures disciplinaires imposées dans la police sont des interventions à caractère essentiellement punitif plutôt que correctif. Par le passé, ces mesures disciplinaires ont toujours été punitives. Certains indices montrent cependant que les responsables des affaires disciplinaires dans la police et dans le monde du travail en général penchent de plus en plus vers une discipline positive ou corrective. Le changement est plus lent dans la police que dans certains autres secteurs d'emploi. D'après les données du tableau 1.1 (p. 18), environ 50 pour cent des responsables de l'application de la discipline dans des corps de police municipaux estiment que le châtiment ("punir") est toujours ou généralement un objectif disciplinaire important. La nouvelle Loi sur la GRC, qui aborde la discipline sous un angle neuf, a peut-être eu un effet bénéfique sur les responsables de la discipline à la GRC, puisqu'ils ne sont plus que 30 pour cent à considérer le châtiment comme toujours ou généralement important (tableau 1.2, p. 19) Cela dit, ce pourcentage est tout de même élevé, il faut inciter les responsables de la discipline au sein de la police à se rallier davantage à la tendance observée en gestion des ressources humaines vers un système disciplinaire positif et correctif et non punitif.

Selon un principe général du droit administratif, les tribunaux disciplinaires de la police ont l"'obligation d'agir équitablement", tant pour le fond que pour la forme66. Ainsi, l'Alberta, dans Re Bachinsky and Sawyer67, la Colombie-Britannique dans Joplin v. Chief Constable of the City of Vancouver68 et la Cour d'appel fédérale dans Re Husted and Ridley and The Queen69 relatif à la GRC se sont fondées sur cette obligation pour déclarer ultra vires des règlements qui privaient des policiers du droit aux services d'un avocat lors d'audiences disciplinaires. Le juge en chef McEachern a déclaré ce qui suit dans le jugement Joplin:

En rejetant un appel interjeté contre ce jugement, la Cour d'appel a expressément fait siennes les observations précitées du juge McEachern. Il ajoute également:

Même si ces propos du juge McEachern s'inscrivent dans le contexte bien particulier du droit aux services d'un avocat lors d'audiences disciplinaires, ils soulignent à juste titre l'importance de la justice et de l'équité dans tous les aspects des sanctions disciplinaires. La Cour divisionnaire de l'Ontario a fait valoir un autre principe d'équité dans les sanctions disciplinaires, dans College of Physicians and Surgeons of Ontario c. Petri72; elle a jugé qu'un tribunal disciplinaire ne devait pas substituer sa propre sanction à celle qui était proposée conjointement par les parties sans d'abord leur donner la possibilité de présenter une plaidoirie relativement à la sanction plus sévère envisagée. De même, si un tribunal disciplinaire de la police imposait à un agent une sanction plus sévère que celle qui était réclamée par l'agent introduisant l'instance, l'agent visé par la mesure disciplinaire ne serait pas traité équitablement s'il n'était pas averti de cette éventualité et se voyait refuser la possibilité d'y répondre73.

Même si l'affaire Wigglesworth a été jugée en vertu de l'ancienne Loi sur la GRC, elle met en évidence certaines lacunes de l'approche trop souvent adoptée par les autorités policières dans les affaires disciplinaires officielles. Le juge Wilson décrit ainsi les faits en cause:

Wigglesworth a été reconnu coupable d'un manquement grave au devoir et s'est vu imposer une amende de 300 $. Par la suite, il a été accusé et reconnu coupable de délit criminel de voies de fait et a écopé d'une autre amende de 250 $. Le tribunal de service de la GRC a jugé que Wigglesworth ne méritait pas la peine la plus sévère parce qu'il avait d'excellents états de service et que sa conduite lors de l'incident en question n'était pas révélatrice de son rendement habituel75.

En gardant à l'esprit les facteurs atténuants mentionnés, on pourrait comparer la peine imposée dans cette affaire aux sanctions imposées pour d'autres formes d'inconduite policière présentant des circonstances atténuantes semblables, afin de déterminer ce que pensent les responsables de la discipline dans la police de la gravité relative de l'utilisation de la force par rapport à d'autres formes d'inconduite policière. Nous reviendrons plus loin à cette notion de gravité relative des infractions. La peine imposée dans cette affaire, tout comme dans la plupart des affaires d'ailleurs, montre que l'on n'accorde pas suffisamment d'importance aux principes de la discipline positive, corrective et réparatrice.

Nous avons décrit les principes de la discipline positive dans le chapitre 2. L'amende est essentiellement une sanction punitive et non une sanction positive qui obligerait le policier à réaffirmer personnellement, de vive voix et par écrit, qu'il comprend l'importance de s'acquitter de ses fonctions policières sans recourir inutilement à la force ou à la violence, et à renouveler son serment et son engagement à se conformer à cette règle.

Deuxièmement, l'amende imposée dans cette affaire n'est pas corrective, que ce soit du point de vue du policier lui-même ou du point de vue des pratiques organisationnelles ou administratives. Ainsi, une peine corrective exigerait que l'on examine de plus près les facteurs qui ont amené le gendarme Wigglesworth à perdre son sang-froid en l'espèce. Si ces facteurs étaient liés à un aspect de sa personnalité, il faudrait, dans une optique corrective, veiller à ce qu'il reçoive l'aide, l'encadrement et la supervision nécessaires pour régler le problème. Par contre, si l'inconduite découlait en partie de certaines pratiques organisationnelles ou administratives (par exemple, le double quart de travail ou l'insuffisance de la formation, etc.), il faudrait le reconnaître et faire des recommandations pour corriger la situation.

Enfin, l'imposition d'une amende en l'espèce témoigne que l'on met totalement de côté l'aspect réparateur important que devrait comporter toute sanction dans ce genre d'affaires. Il est primordial d'obliger le policier à présenter ses excuses au citoyen et, s'il y a lieu, à lui assurer un dédommagement ou une réparation symbolique pour le tort subi. Le citoyen devrait également être informé de l'ensemble des circonstances qui ont amené le policier à faire des gestes non conformes à son comportement habituel dans ce cas particulier. Enfin, il faudrait informer le citoyen de la mesure disciplinaire prise par le corps policier. Ce dernier point va évidemment à l'encontre de la pratique établie depuis longtemps à la GRC, de ne pas révéler la nature des mesures disciplinaires aux citoyens lésés.

Le secret dont on entoure les sanctions policières imposées est de nature à miner plutôt qu'à raviver la confiance du public, que la GRC et d'autres corps policiers cherchent à conserver. Selon certaines études, la population se montre beaucoup moins sévère quant à la peine à imposer, en droit criminel, lorsqu'elle est au courant de tous les faits d'une affaire. On observeras sûrement le même phénomène dans les affaires disciplinaires touchant la police. L'auteur de la plainte et la population en général seraient beaucoup plus convaincus du bien-fondé des sanctions appliquées s'ils étaient pleinement informés de ces sanctions et de tous les facteurs pertinents pris en considération par les autorités policières. La police a intérêt à aborder les sanctions internes dans une optique à la fois ouverte et réparatrice, surtout lorsque l'inconduite policière fait l'objet d'une plainte de la part d'un citoyen.

La discipline positive, corrective et progressive - que l'on observe de plus en plus dans la jurisprudence arbitrale touchant les relations employeur-employés transparaît aussi, mais beaucoup trop rarement, dans certaines affaires disciplinaires de la police76. Il est temps que les autorités policières responsables de la discipline délaissent les mesures disciplinaires punitives au profit de mesures positives et correctives.

Comme on l'a souligné au chapitre 4, le système de discipline de la police vise essentiellement à aider un service de police à réaliser son mandat, qui est de donner des services efficaces et efficients à la collectivité, en veillant à ce que toute sanction disciplinaire soit juste et équitable dans les circonstances. Le meilleur moyen d'atteindre cet objectif est de recourir à un système de discipline positive et progressive, visant à corriger le comportement déviant ainsi que les pratiques organisationnelles ou administratives qui peuvent contribuer à une inconduite. Reconnaître que la réhabilitation et le redressement sont les objectifs primordiaux des mesures disciplinaires, c'est aussi se rallier à la théorie actuelle de gestion selon laquelle les employés sont l'atout le plus précieux de toute organisation. Les sanctions punitives ne sont dans l'intérêt ni de l'employeur, ni de l'employé. Congédier un employé signifie généralement perdre un collaborateur précieux et expérimenté et assumer des frais pour recruter et former son remplaçant. Il faut donc privilégier l'optique corrective. Même si la dissuasion est un objectif important, il ne faut pas lui donner préséance sur d'autres facteurs tels la réhabilitation et la rééducation du policier fautif77.

La question qui se pose lorsqu'on envisage un congédiement disciplinaire est essentiellement la suivante: l'employé ou le policier a-t-il montré, par sa conduite, qu'il n'est plus réhabilitable et qu'il n'est plus en mesure de s'acquitter de ses fonctions? Le juge d'appel Morden a dit ce qui suit dans l'arrêt Re Trumbley and Fleming:

Brown and Beatty ont décrit ces principes disciplinaires clés dans les termes suivants:

Devant toute situation d'inconduite, qu'elle soit survenue pendant ou après les heures de travail, il faut avant tout se demander si le policier a montré, par sa conduite, qu'il n'était plus apte à remplir ses fonctions. On se penchera plus loin sur la conduite en dehors des heures de travail, mais il importe de noter, pour l'instant, que l'un des cinq critères énoncés dans l'arrêt Millhaven80 pour déterminer si une conduite survenue en dehors des heures de travail mérite une sanction disciplinaire est celui de savoir si cette conduite "rend [l'employé] inapte à remplir ses fonctions".

Il est clair que les responsables de l'application de la discipline dans la police tiennent compte, avec raison, du fait que les policiers sont, en tant que titulaires d'une charge publique, dans une situation particulière qui les oblige à gagner et à conserver la confiance du public pour bien s'acquitter de leurs fonctions. Les policiers sont donc tenus de respecter des règles de conduite très strictes tant dans leurs activités professionnelles que dans leur vie privée. Dans Re Trumbley and Fleming, le juge Morden de la Cour d'appel de l'Ontario a fait observer que [TRADUCTION] "Le policier s'est engagé de son plein gré dans une profession qui comporte des devoirs particuliers essentiels à son bon exercice, des devoirs dont les citoyens ordinaires sont dispensés"81.

Dans l'affaire Fedoriuk, le commissaire de la GRC a exprimé la même opinion en ces termes:

La question de savoir si la conduite du policier a porté atteinte à la réputation du service de police constitue également l'un des cinq critères de l'arrêt Millhaven, qui servent à déterminer s'il y a lieu de sanctionner une inconduite survenue en dehors des heures de travail. Cependant, comme on l'a vu plus tôt, dans Re Communauté urbaine de Montréal et Fraterniné des policiers de Montréal84, on ne présume pas d'office qu'une condamnation au criminel pour une conduite survenue en dehors des heures de travail (comme la conduite avec facultés affaiblies, en l'espèce) compromet le prestige et Inefficacité du service de police et mine la confiance et l'estime du public à son endroit. Dans le même ordre d'idées, la Cour d'appel fédérale a soutenu, dans l'arrêt Fedoriuk85, qu'il est erroné en droit de prétendre qu'une condamnation pour une infraction (comme le vol à l'étalage) commise en dehors des heures de travail justifié automatiquement un congédiement. La Cour a affirmé que le commissaire devait examiner, dans chaque cas, les circonstances propres à l'infraction afin de déterminer si ladite infraction compromettait gravement l'aptitude de l'agent à s'acquitter de ses fonctions. Dans l'affaire Wm. Scott and Co. Ltd. et Can. Food and Allied Workers86 l'arbitre Weiler a fait remarquer que les arbitres ne présupposent plus que ce aines conduites examinées en termes abstraits -- même des infractions très graves commises par des employés -- constituent automatiquement un motif légal de congédiement.

Pour déterminer si une inconduite est susceptible de ternir la réputation du service de police, il faut se demander si une personne raisonnable, dûment informée de tous les faits pertinents, estimerait que la conduite en question jette le discrédit sur le service de police. La décision arbitrale rendue dans l'affaire Re Emergency Health Services Commission et CUPE, Local 87387 vient soutenir ce critère. Le grief avait été interjeté, en l'espèce, par un ambulancier congédié pour avoir agressé sexuellement (contact sexuel inapproprié) une gardienne d'enfants âgée de 13 ans. Parmi les circonstances atténuantes invoquées figurait le fait que le plaignant était extrêmement ivre au moment de l'agression, qu'il éprouvait de graves difficultés financières et conjugales, qu'il acceptait la responsabilité de son geste, qu'il ressentait une détresse et un remords profonds, qu'il n'avait pas de casier judiciaire, qu'il avait de bons antécédents de travail et que, selon des rapports psychiatriques et psychologiques, il ne risquait pas de récidiver. La Commission des services de santé a soutenu que, à titre d'organisme responsable des services ambulanciers, elle devait conserver, tant par elle-même que par l'entremise de son personnel, la confiance totale des citoyens de la province88. La Commission a mentionné en outre qu'elle ne pouvait pas se permettre de garder à son service une personne considérée comme capable d'agresser sexuellement un patient des services ambulanciers. Elle a ajouté que, si elle le faisait, elle compromettrait la confiance, la crédibilité et la responsabilité qui lui étaient nécessaires pour s'acquitter des fonctions et devoirs que lui confère la loi. La Commission déclarait, par conséquent, que le congédiement du plaignant était justifié parce que le retour au travail de ce dernier ne manquerait pas de nuire à la réputation de son employeur, même s'il n'y avait pas lieu de craindre de récidive89.

Tout en affirmant comprendre que la Commission se préoccupe de sa réputation, l'arbitre Black a fait remarquer que les arbitres devaient vérifier avec grand soin si un employeur ne se montrait pas soucieux à l'excès de sa réputation auprès du public90. Il a expliqué que, pour que le congédiement soit justifié, la faute commise par l'employé après ses heures de travail devait être si répréhensible, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, qu'elle était absolument incompatible avec la continuation du rapport employeur-employé91. Dans les circonstances, il a conclu que le congédiement était une peine trop sévère et lui a substitué une suspension de huit mois sans solde. Expliquant le cheminement qui l'a mené à cette conclusion, il a déclaré:

Les deux grands principes énoncés dans cette affaire sont les suivants: 1. La perception de l'employeur quant à la perte de confiance du public doit reposer sur ce qu'en penserait un citoyen raisonnable et pleinement informé; 2. L'employeur doit avoir certaines preuves pour étayer cette évaluation. L'arbitre Verity a déclaré ce qui suit dans Re Madame Vanier Children's Services et Ontario Public Service Employees' Union:

Soulignant que l'image publique est un concept nébuleux, l'arbitre Verity a cité les propos de l'arbitre Shime dans l'affaire Re IAFF, Local 626 et le Borough of Scarborough:

Il faut examiner avec soin "le tort causé à la réputation du service de police" dans le contexte de chaque affaire. Les responsables de la discipline policière ne devraient pas recourir automatiquement à ce critère pour justifier l'imposition d'une sanction sévère, sans avoir des preuves que l'on a terni la réputation du service de police, et de façon suffisamment grave pour qu'une sanction sévère s'impose. Il est facile d'exagérer le tort causé à la réputation d'un service de police par l'inconduite de l'un de ses membres. Il est rare que l'inconduite d'un seul policier fasse perdre la réputation globale d'un bon service ou lui nuise de façon importante. La population est généralement assez intelligente pour se rendre compte que l'inconduite d'un seul policier ne doit pas rejaillir sur la réputation du service tout entier.

Il est encore plus important de souligner que, même si la réputation du service de police a été légèrement entachée, on peut souvent résoudre le problème à l'aide d'un système de discipline à la fois ouvert et axé sur le redressement. De plus, il faut se demander avec soin, lors de l'examen de chaque affaire, si l'inconduite commise par le policier a compromis son aptitude à remplir ses fonctions au point qu'il n'y a d'autre solution possible que le congédiement. Il ne faut pas tirer de conclusion de ce genre sans avoir évalué à fond les possibilités de réhabilitation de l'agent. Diverses circonstances aggravantes et atténuantes, dont on discutera plus loin, interviennent dans l'évaluation de cette importante question. Certains responsables des affaires disciplinaires semblent empressés de croire que certains types d'inconduite policière nuisent automatiquement à la réputation d'un service de police et à l'estime dont il jouit dans la collectivité, et sont portés à penser que la seule solution possible est le congédiement, quelles que soient les possibilités de réhabilitation du policier. Le cas particulier du vol à l'étalage commis par un policier en dehors de ses heures de travail est peut-être le plus propice à l'examen de cette question. Cependant, j'aimerais d'abord commenter les critères qui régissent l'imposition de sanctions pour des actes commis en dehors des heures de travail, ainsi que les principales circonstances aggravantes ou atténuantes qui doivent être prises en considération dans le choix d'une sanction juste et appropriée.

Deux décisions arbitrales fréquemment citées énoncent les critères traditionnellement appliqués pour déterminer si une conduite survenue en dehors des heures de travail doit faire l'objet de sanctions disciplinaires. L'arbitre Reville a mentionné ce qui suit dans Re U.A.W., Local 195 et Huron Steel Products Co. Ltd.:

L'arbitre Anderson a tenu les propos suivants dans l'affaire Millhaven:

Les critères des deux décisions susmentionnées ont été cités et repris dans de nombreuses autres décisions arbitrales. Dans l'affaire Re Air Canada et I.A.M., Lodge 148, l'arbitre Andrews a dit qu'une entreprise n'était pas tenue de montrer que la conduite de l'employé correspondait aux cinq critères de l'arrêt Millhaven Fibres; une seule des conséquences énumérées pouvait justifier l'adoption de mesures disciplinaires97. L'arbitre Black a indiqué, dans Re Government of the Province of British Columbia et B.C.G.E.U., ce qui suit: [TRADUCTION] "Je souscris à l'opinion exprimée dans l'affaire Re Air Canada, précitée, selon laquelle un employeur n'est pas tenu de montrer que la conduite de l'employé correspondait aux cinq critères énumérés. La présence de l'un de ces critères peut justifier l'adoption de mesures disciplinaires, si la conduite a eu des répercussions suffisantes98. De même, dans Re Flewwelling et un comité d'arbitrage99, la Cour fédérale du Canada a indiqué que les cinq critères de l'arrêt Millhaven ne devaient pas nécessairement s'appliquer.

Le premier critère de l'arrêt Millhaven, qui a déjà été abordé, est celui du tort causé à la réputation d'une entreprise (ou d'un corps policier). Il importe également de noter que, en ce qui concerne les condamnations au criminel pour des infractions commises en dehors des heures de travail, l'absence de publicité dans les journaux ne signifie pas nécessairement qu'une entreprise ou un corps policier n'a subi aucun tort. Le comité d'arbitrage a tenu les propos suivants dans l'affaire ICG Utilities, dans laquelle le plaignant, un lecteur de compteur, avait été reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement, en dehors de ses heures de travail, une jeune fille de 13 ans:

Le deuxième critère de l'arrêt Millhaven -- celui de savoir si la conduite de l'employé en dehors des heures de travail le rend inapte à remplir ses fonctions convenablement -- a déjà été également expliqué dans une certaine mesure. En ce qui concerne les affaires disciplinaires de la police, il est très important d'évaluer la nature de l'inconduite et les circonstances qui l'ont entourée pour déterminer s'il s'agit d'une inconduite momentanée et non représentatif du comportement habituel du policier ou plutôt d'une lacune inhérente à sa personnalité; dans ce dernier cas, le policier ne peut conserver ses fonctions, car elles exigent jugement, intégrité, impartialité et équité. Ainsi, une inconduite qui s'est poursuivie pendant un certain temps peut, contrairement à un incident unique, révéler un défaut incompatible avec l'exercice de fonctions et de responsabilités policières.

Le troisième critère de l'arrêt Millhaven se passe de commentaires en l'espèce. Il s'applique généralement aux cas où l'inconduite dénote une turpitude morale (par exemple, la déviance sexuelle) ou une violence incontrôlée ou imprévisible.

Le quatrième critère de l'arrêt Millhaven est simplement une illustration du premier, soit le tort causé à la réputation de l'entreprise ou du corps policier. Il précise uniquement que le tort découle d'une infraction grave au Code criminel. Même si certains arbitres présupposaient par le passé que toute infraction grave au Code criminel commise en dehors des heures de travail nuisait automatiquement à la réputation de l'employeur, il ressort clairement des décisions récentes que l'employeur doit désormais prouver que la réputation de l'entreprise a souffert de la condamnation de l'employé101. La définition d'une infraction grave au Code criminel se prête également à des interprétations différentes. Dans bien des cas, les arbitres jugent de la gravité de l'infraction d'après la peine imposée par le tribunal et non d'après l'infraction elle-même. De même, la déjudiciarisation de l'affaire ou l'octroi d'une absolution inconditionnelle ou sous condition (laquelle signifie, en droit, que l'accusé n'a pas été reconnu coupable d'une infraction criminelle102), devraient être des éléments très utiles pour déterminer s'il y a eu infraction grave au Code criminel.

Le cinquième critère de l'arrêt Millhaven s'appliquerait si une entreprise ou un corps policier établissait qu'un employé était devenu si peu digne de confiance, à cause de l'inconduite, qu'il devrait être soumis en permanence à une stricte surveillance qui ne pourrait être exercée sans imposer un lourd fardeau à l'employeur. Cependant, comme la stricte surveillance est l'une des mesures disciplinaires correctives prévues par la Loi sur la GRC, la nécessité d'une surveillance, à tout le moins pour une certaine période, ne devrait généralement pas être considérée comme un fardeau excessif dans les affaires disciplinaires de la GRC.

La liste des circonstances aggravantes et atténuantes les plus souvent citées dans la jurisprudence arbitrale en matière disciplinaire est tirée de Re United Steel Workers of America, Local 3257 et le Steel Equipment Co. Ltd.103. L'Alberta Law Enforcement Appeal Board a également retenu ces facteurs dans l'affaire Saunders, où le président les a énumérés. Voici ces facteurs, reformulés dans des termes adaptés aux services de police:

Ces facteurs sont détaillés dans l'ouvrage de Brown et Beatty105. La liste qui figure ci-haut est assez complète, mais elle n'est pas exhaustive. D'autres facteurs entrent en ligne de compte, notamment la franchise et la collaboration à l'enquête sur la plainte, le remords, le stress mental ou émotif, l'alcoolisme ou d'autres toxicomanies et le risque que le policier ou certains de ses collègues commettent de nouveau cette faute. Il y a également des circonstances atténuantes ou aggravantes qui sont particulières à l'inconduite commise ou à la situation personnelle de l'agent ayant fait l'objet de mesures disciplinaires.

La liste donnée ci-haut, tout comme bon nombre de décisions disciplinaires d'ailleurs, ne permet pas d'établir un lien entre les circonstances aggravantes et atténuantes énumérées et les buts des sanctions disciplinaires. Par exemple, les facteurs 6 et 7 ci-dessus visent à déterminer une sanction juste et équitable, tandis que les autres facteurs servent à établir si l'employé peut s'amender ou si, en raison de la faute commise, la relation d'emploi est détruite à jamais.

Avant que la Cour fédérale du Canada ne rende sa décision dans l'affaire Fedoriuk106, le point de vue de la GRC sur les vois commis en dehors des heures de travail était clair. Tout vol entraînait automatiquement le congédiement, peu importe les circonstances atténuantes. Dans l'affaire Fedoriuk, le policier qui interjetait appel avait été reconnu coupable d'avoir commis un vol à l'étalage alors qu'il n'était pas de service et il avait été absout inconditionnellement en cour criminelle. En ce qui concerne l'accusation disciplinaire, la commission de révision de la GRC a recommandé que Fedoriuk soit congédié, rappelant que le commissaire avait toujours été d'avis qu'il n'y avait pas de place dans la Gendarmerie pour une personne reconnue coupable de vol. Le commissaire a accepté la recommandation de congédiement en ces termes: [TRADUCTION] "J'estime que le vol commis par un membre ayant fait le serment de faire observer la loi ne peut que nuire considérablement à l'aptitude de ce membre à bien remplir ses fonctions".

Selon la Cour fédérale, le commissaire croyait, si l'on se fie à son point de vue et à ses observations, que " dans tous les cas, et indépendamment des circonstances particulières de chaque espèce, un manquement d'un membre à la loi, de façon automatique et à lui seul, réaliserait les conditions"107 relatives au congédiement. La Cour a soutenu qu'il avait fait erreur et a ajouté: "le commissaire a l'obligation d'examiner les circonstances particulières de la commission de chacune des infractions visées; et il doit, après un tel examen, être convaincu que la gravité de cette infraction fait qu'elle affecte considérablement la bonne exécution des fonctions du membre"108.

Il est clair que le commissaire de la GRC applique désormais le principe énoncé par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Fedoriuk. Ainsi, dans une décision disciplinaire rendue en juin 1989, le commissaire a déclaré ce qui suit, à la page 8:

Cependant, les résultats sont à peu près les mêmes. Le vol à l'étalage en dehors des heures de travail entraîne le congédiement, même lorsque les circonstances atténuantes sont nombreuses. Le seul facteur qui, jusqu'à maintenant, ait été reconnu comme suffisamment atténuant pour infirmer une recommandation de congédiement est le fait que le vol ait été causé par un niveau de stress largement supérieur à la normale110.

Un examen plus attentif de la décision D4 du Comité externe d'examen, mentionnée plus haut, permet de saisir l'approche actuelle de la GRC à l'égard du vol à l'étalage commis en dehors des heures de travail. Dans cette affaire, le membre était accusé d'avoir pris une ceinture pour serviette sanitaire d'une valeur de 1,79 $ qu'il n'avait pas payée au moment de passer à la caisse. Il avait payé les autres articles qu'il s'était procurés et dont la valeur s'élevait à 16,72 $. Il a expliqué qu'il était à la fois inquiet du risque de fausse couche que courait sa femme et gêné de payer la ceinture pour serviette sanitaire, parce que les deux préposés à la caisse étaient des femmes. L'accusation criminelle de vol a été retirée. L'appelant a plaidé coupable à l'audience disciplinaire. L'officier chargé du procès a imposé une amende de 500 $ et recommandé le congédiement. Fait digne de mention, le commandant divisionnaire de l'appelant n'était pas favorable au congédiement et a indiqué que cela serait une grande perte pour la Gendarmerie. Il considérait l'appelant comme un élément valable et prometteur.

Le commissaire a confirmé la recommandation de congédiement de l'officier chargé du procès. Il a tenu les propos suivants :

Comme on l'a souligné précédemment, la seule circonstance atténuante qui a été jugée assez importante pour infirmer une recommandation de congédiement était le fait que le vol avait été causé par un niveau de stress largement supérieur à la normale. Or, ce facteur n'était pas présent dans cette affaire, et le commissaire a jugé que les autres circonstances atténuantes n'étaient pas suffisantes pour justifier l'annulation de la recommandation de congédiement.

Il importe de noter qu'il y avait beaucoup de facteurs atténuants dans cette affaire. La faute n'avait été ni planifiée ni préméditée, et elle ne s'était pas étendue sur une longue période. Le policier qui interjetait appel a expliqué son geste avec célérité et cohérence. Il a apporté toute sa collaboration à l'enquête. Il n'a pas essayé de forger une explication de toutes pièces. Il avait un dossier disciplinaire sans tache, et ses évaluations de rendement étaient bonnes. Son commandant divisionnaire était d'avis qu'il était un élément prometteur pour la Gendarmerie et qu'il ne devait pas être congédié. Le jour qui a suivi son arrestation, il s'est excusé à ses collègues de tous les ennuis que sa conduite pourrait leur causer. De toute évidence, il éprouvait du remords. Le rapport psychiatrique a indiqué que sa conduite était le fruit d'un égarement passager imputable à l'anxiété et à la gêne, et queue ne risquait pas de se répéter. Même si l'explication donnée au sujet de la gêne n'était pas un facteur atténuant très convaincant, elle a tout de même montré que le policier ne s'était pas approprié les biens essentiellement en vue d'un gain personnel. Le fait que l'article volé valait 1,79 $, tandis que les autres articles, dûment payés, valaient 16,72 $ corroborait cette observation.

La GRC semble considérer le vol commis en dehors des heures de travail comme un cas spécial qui, sauf dans des situations tout à fait exceptionnelles, entraîne le congédiement. Sous bien des angles, cette approche semble aller à l'encontre des principes généraux de l'imposition des sanctions exposés dans le présent document. Tout d'abord, elle repose sur l'idée que celui "qui vole un oeuf vole un boeuf". Même si la confiance est un des fondements des relations entre la police et la population, cette approche suppose qu'un seul vol rend un policier non réhabilitable et indigne de confiance à jamais. Elle ne tient pas compte du fait qu'un vol, tout comme bien d'autres types d'inconduite, peut être un acte isolé et impulsif sans rapport avec les antécédents professionnels ou la personnalité de l'employé. L'opinion qu'a exprimée la Commission de police de l'Ontario dans l'affaire Sack112 est intéressante à cet égard. Un policier, qui n'était pas de service, a changé l'étiquette d'un article afin de le payer moins cher. La Commission a soutenu que l'agent ne devait pas être congédié à cause d'une seule faiblesse, stupide mais bien humaine, alors qu'il comptait 21 ans de service irréprochable et que sa conduite ne correspondait pas à son comportement habituel (de nombreux membres de la collectivité sont venus attester qu'il était digne de confiance et avait de bonnes moeurs)113.

Deuxièmement, l'attitude de la GRC face aux vois commis en dehors des heures de travail repose sur l'hypothèse qu'un congédiement s'impose pour conserver la confiance du public et sa foi dans l'honnêteté et l'intégrité du corps policier. Cette hypothèse ne représente pas réellement l'opinion de citoyens raisonnables, pleinement informés de l'ensemble des circonstances atténuantes, et notamment du fait que le vol constitue un incident isolé, sans rapport avec le comportement habituel du membre et qu'il ne révèle pas une tendance générale à la malhonnêteté. Dans des affaires de ce genre, l'imposition d'une peine corrective plutôt que le congédiement ne discréditerait pas le corps policier aux yeux de citoyens raisonnables et pleinement renseignés.

Troisièmement, la GRC semble avoir à l'égard du vol commis en dehors des heures de travail une approche différente et plus sévère qu'envers d'autres formes d'inconduite qui supposent aussi une certaine malhonnêteté ou de la fausse représentation. Dans ces autres affaires, un acte isolé de malhonnêteté ou de fausse représentation n'est pas considéré comme une preuve irrévocable que le policier fautif n'est plus digne de confiance.

Quatrièmement, l'approche de la GRC à l'égard des vois commis en dehors des heures de travail ne suit pas la tendance observée dans la jurisprudence arbitrale récente: imposer une sanction autre que le congédiement pour un vol commis à l'égard de l'employeur pendant les heures de travail (et en dehors de celles-ci, le cas échéant). Ainsi, Brown et Beatty affirment, au sujet de ces vols: [TRADUCTION] "Dans la grande majorité des décisions récentes, les arbitres ont conclu, après avoir examiné en détail les circonstances du grief, que les intérêts opposés de l'employeur et du plaignant pouvaient être conciliés par des mesures et des sanctions moins sévères que le congédiement"114.

Enfin, l'approche de la GRC à l'égard des vols commis en dehors des heures de travail n'est peut-être pas conforme à celle qu'elle a envers d'autres genres d'inconduite. Comme on l'a dit plus haut115, l'agent Wigglesworth a été réprimandé et a écopé d'une amende de 300 $ pour avoir étouffé et frappé un accusé au cours d'un interrogatoire. Le tribunal de service de la GRC a justifié cette sanction en disant que la conduite de l'agent n'était pas conforme à son comportement habituel et qu'il avait d'excellents états de service. Si un incident isolé d'utilisation d'une force excessive peut être considéré comme non conforme au comportement usuel de l'agent et ne méritant donc pas un congédiement, pourquoi n'en serait-il pas de même pour un incident isolé de vol à l'étalage? En fait, il y a fort à parier que bon nombre de citoyens s'inquiètent davantage de ce que la police puisse recourir à une force excessive ou enfreindre des droits constitutionnels que de savoir si un bon policier n'a pas, un jour, commis un vol à l'étalage.

Chapitre VI

Dans ce document de recherche, l'information a été trouvée dans les lois et les pratiques actuelles en ce qui concerne les sanctions disciplinaires imposées aux policiers. Il ressort de cette information qu'un certain nombre d'aspects des sanctions méritent un examen plus approfondi de la part des administrateurs de corps policiers. Voici un bref aperçu des problèmes qui risquent de se poser dans ce domaine et des solutions qui pourraient y être apportées.

  1. Il faut s'interroger davantage sur les moyens d'éviter que des mesures disciplinaires soient nécessaires et accorder plus de temps et de ressources à cette question. Il faut étudier à fond les modèles de gestion policière qui diminuent les risques d'inconduite au sein de la police.
  2. L'administration de la discipline a toujours été punitive. Cette optique a le défaut d'être à la fois négative et relativement inefficace. Une discipline positive, corrective et axée sur le redressement est donc préférable. Même si la nouvelle Loi sur la GRC donne aux intervenants du système disciplinaire la possibilité de recourir à des sanctions correctives, elle ne pose pas comme principe général qu'il faut privilégier celles-ci, par rapport aux sanctions punitives.
  3. Il n'y a pas de disposition législative énonçant les divers buts des sanctions policières. Les sanctions peuvent avoir diverses fins, notamment la punition, la dissuasion individuelle, la dissuasion générale, la rééducation ou la réhabilitation du comportement, le maintien de l'ordre interne ou la préservation de la confiance du public à l'égard des normes élevées imposées aux policiers et de l'intégrité générale que l'on attend d'eux. L'importance relative accordée à ces divers buts peut faire en sorte que des sanctions tout à fait différentes soient imposées dans des affaires policières par ailleurs semblables. Les données tirées du sondage sur les mesures disciplinaires imposées dans la police confirment que ceux qui sont chargés d'imposer ces mesures ont effectivement des opinions fort différentes sur les buts de leurs interventions. Il est généralement reconnu, à l'heure actuelle, que le Parlement devrait guider les juges en énonçant dans une loi les buts de l'imposition des peines. Ce qui vaut pour la détermination des peines ne vaut-il pas également pour l'imposition des sanctions disciplinaires dans la police?
  4. En règle générale, les lois et règlements sur la police sont très peu bavards sur les sanctions disciplinaires qui conviennent à divers types d'inconduite policière et ne précisent pas non plus les circonstances qui peuvent être considérées comme aggravantes ou atténuantes. Les données du sondage sur les mesures disciplinaires dans la police révèlent que ceux qui sont chargés de les imposer diffèrent largement d'opinion sur l'importance relative de certains facteurs aggravants ou atténuants. L'application des sanctions peut donc varier énormément, en particulier d'un corps policier à l'autre. Il n'y a qu'à comparer, par exemple, le traitement réservé, dans différents corps policiers, à un agent reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies en dehors des heures de travail. Il faudrait songer à dresser la liste des facteurs aggravants ou atténuants, dans une disposition législative.
  5. Les sanctions disciplinaires prévues dans bon nombre de lois et de règlements sur la police sont purement punitives. La nouvelle Loi sur la GRC a introduit récemment des sanctions disciplinaires correctives dont l'éventail doit cependant être étendu. Cette opinion a trouvé confirmation dans le sondage sur les mesures disciplinaires imposées dans la police.
  6. Si les sanctions policières varient, c'est notamment à cause du manque d'information sur les sanctions imposées par d'autres autorités disciplinaires dans des affaires semblables. Même si l'information n'est pas un gage d'uniformité, c'est une étape importante dans la réduction des disparités. Il faut rassembler, à l'échelle nationale, les décisions et les faire connaître aux responsables des affaires disciplinaires de tous les corps policiers du pays au moyen d'un recueil de décisions disciplinaires ou d'une base de données.
  7. Jusqu'à récemment, le système disciplinaire de la police était considéré, tant par ceux qui l'appliquaient que par ceux qui en faisaient l'objet, comme essentiellement punitif. La Cour suprême du Canada a indiqué dans des jugements récents que les sanctions disciplinaires policières ne devaient pas être considérées comme étant de nature pénale, mais plutôt comme étant de nature régulatrice, protectrice ou corrective. En général, on a accordé trop peu d'attention à la discipline positive, corrective et réparatrice. Ainsi, une amende ou une autre peine pécuniaire est essentiellement une sanction punitive plutôt qu'une sanction positive, corrective ou réparatrice. La notion de la discipline progressive est bien ancrée dans la jurisprudence arbitrale sur les mesures disciplinaires imposées aux employés, et les concepts de la discipline positive et corrective gagnent du terrain. Ces principes devraient être de plus en plus pris en considération dans les affaires disciplinaires de la police.
  8. Les lois et les règlements sur la police n'indiquent ou ne prescrivent pas expressément que les mesures disciplinaires doivent avoir pour objet premier de corriger un comportement déviant. Il n'est pas évident, à la lecture d'affaires disciplinaires impliquant des policiers, que les sanctions visent essentiellement la réhabilitation du comportement. Il faut accorder plus d'importance à cet aspect, particulièrement dans le cas du vol commis en dehors des heures de travail. Dans le cas d'inconduite grave, il faut surtout se demander si le policier a montré de façon irrévocable qu'il n'était plus apte à remplir ses fonctions.
  9. Il est important que la police garde la confiance du public en montrant qu'elle exige des normes élevées de comportement. Lorsque l'inconduite policière porte sur une interaction avec le public, il faut que celui-ci soit informé de la décision rendue. En fait, les sanctions disciplinaires imposées dans la plupart des cas devraient avoir pour objet la réconciliation entre le policier et les citoyens lésés ou la réparation des torts commis.
  10. Comme il n'y a pas d'énoncé législatif des buts des sanctions disciplinaires, il serait bon que chacun des services de police élabore le sien. Ces énoncés pourraient établir les principes suivants:

    1. Les sanctions policières imposées dans la police ont pour objet principal d'aider le corps policier à réaliser son mandat, qui est d'offrir des services efficaces et efficients à la population; il faut aussi se rappeler que toute sanction disciplinaire doit être juste et équitable, compte tenu des circonstances.
    2. Si des facteurs organisationnels ou administratif ont joué un rôle important dans l'inconduite, il faudrait d'abord veiller à les corriger plutôt que de blâmer et de sanctionner le policier.
    3. Si des mesures disciplinaires s'imposent, il faut privilégier une approche visant à corriger et à éduquer le policier plutôt qu'à le blâmer et à le punir.
    4. Si des mesures disciplinaires s'imposent, il faut opter pour la sanction la moins lourde dans les circonstances; il faut réserver les mesures disciplinaires graves aux cas où les mesures simples ne sont manifestement pas suffisantes.
    5. Les sanctions disciplinaires doivent toujours être proportionnelles à la gravité de la conduite reprochée.
    6. Il faut tenir compte à la fois des circonstances aggravantes et atténuantes dans la détermination d'une sanction juste.
    7. La dissuasion des autres policiers et la conservation du respect du public ne doivent être considérées comme des objectifs valables que si la sanction est juste et proportionnée par ailleurs.
    8. Les sanctions disciplinaires doivent être uniformes (des affaires semblables, survenues dans des circonstances semblables, doivent mener à l'imposition de sanctions semblables).

L'introduction par les services de police de tels énoncés dépendra de l'état d'esprit au sein de la collectivité policière envers le développement d'une approche logique de l'imposition des sanctions. L'introduction d'énoncés individuels pourrait être le premier pas vis-à-vis l'élaboration d'énoncé législatif des objectifs de sanctions disciplinaires.

  1. Commission d'enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada, Rapport (Ottawa, Information Canada, 1976), le juge Marin, président. [Ci-après appelé le Rapport de la Commission Marin].
  2. S.R.C. (1970), ch. R-54; à présent, L.R.C. (1985), ch. R-10 [ci-après appelée l'ancienne Loi sur la GRC].
  3. Rapport de la Commission Marin, supra, note 1, pp. 147-150.
  4. L.R.C. (1985), ch. R-10, modifiée L.R.C. (1985), ch. 8 (2e supplément), art. 41 à 43 [ci-après appelée la nouvelle Loi sur la GRC].
  5. Voir le Rapport de la Commission Marin, supra, note 1, p. 139.
  6. Ibid., p. 155.
  7. B.C. Reg. 330/75, modifié [ci-après appelé BC Regulation].
  8. L.R.M. (1987), ch. L75, [ci-après appelée la Loi du Manitoba].
  9. J. Redeker, Discipline: Policies and Procedures (Washington, Bureau of National Affairs, 1983). Une description de ces études peut être obtenue sur demande auprès de la directrice de recherche du Comité externe d'examen de la GRC.
  10. Ibid., ch. 2.
  11. Ibid., ch. 3.
  12. Ibid., p. 39.
  13. Voir D. Bayley, Forces of Order: Police Behavior in Japan and United States (Berkeley, University of California Press, 1976). Voir aussi W. Ames, Police and Community in Japan (Berkeley, University of California Press, 1981); J. Haley, "Confession, Repentance and Absolution", dans Mediation in Criminal Justice: Victims, Offenders and Community, textes colligés par Wright et Galaway (Londres, Sage Publications, 1989), p. 195.
  14. Bayley, ibid., ch. 4 et 5; Ames, ibid., ch. 2, 3, 8 et 9.
  15. A. Verma et T. Kochan, "Two Paths to Innovations in Industrial Relations: The Case of Canada and the United States" (1990), 41 Labour Law Journal 60; R.L Heenan, "New Technologies and Employment Law: The United States and Canadian Positions" (1988), 9 Comparative Labour Law Journal, pp. 357-368; P. Kumar et M.L. Coates, "Industrial Relations in 1989: Trends and Emerging Issues" dans The Current Industrial Relations Scene in Canada 1989, textes colligés par P. Kumar et autres (Kingston, Industriel Relations Centre, 1989); J. Richards, G. Mauser et R. Holmes, "What Do Workers Want? Attitudes Towards Collective Bargaining and Participation in Management" (1988), 43 Relations industrielles 133; C. Ichniowski, J.T. Delaney et D. Lewin, "The New Resource Management in U.S. Workplaces: Is lt Really New and Is It Only Nonunion?" (1989), 44 Relations industrielles 97.
  16. R. Apostle et P. Stenning, Public Policing in Nova Scotia (A Research Study Prepared for the Royal Commission on the Donald Marshall, Jr. Prosecution, 1988) pp. 105-112; A. Normandeau et B. Leighton, Une vision de l'avenir de la police au Canada: Police-défi 2000 (Ottawa, Ministère du Solliciteur général, 1990), pp. 92-96; New Directions in Police Training, textes colligés par P. Southgate (Londres, Home Office Research and Planning Unit, 1988).
  17. Supra, note 1, pp. 20-35 et 111-131.
  18. Supra, note 2, art. 34 et 35.
  19. Supra, note 7, art. 31.
  20. Municipal Police Discipline Regulations, Sask. Reg. 92/81, [ci-après appelé Saskatchewan Regulations].
  21. Voir, par exemple, la Loi sur les enquêtes relatives à l'application de la loi, supra, note 8, par. 24(4).
  22. R.R.O. (1980), Règ. 791 [ci-après appelé le Règlement 791] pris en vertu de la Loi sur la police, L.R.O. (1980), ch. 381 [ci-après appelée l'ancienne Loi sur la police de l'Ontario].
  23. Municipal Police Disciplinary Regulation, Alberta Reg. 179/74, [ci-après appelé Alberta Municipal Regulation] modifié Municipal Police Disciplinary Amendment Regulation, Alberta Reg. 79/78, [ci-après appelé Alberta Amendment Regulation]; voir à présent le Police Service Regulation, Alberta Reg. 356/90, ci-après appelé Alberta Police Regulation].
  24. Trimm c. Police régionale de Durham [1987] 2 R.C.S. 582, 45 D.L.R. (4th) 276, p. 281. Voir aussi Burnham c. Ackroyd [1987] 2 R.C.S. 572, 45 D.L.R. (4th) 309; Trumbley et Pugh c. Police de la communauté urbaine de Toronto [1987] 2 R.C.S. 541, 45 D.L.R. (4th) 318. Les peines d'emprisonnement prévues par l'ancienne Loi sur la GRC constituaient bel et bien des conséquences pénales: R. c. Wigglesworth [1987] 2 R.C.S. 541, 45 D.L.R. (4th) 235, mais ces dispositions ont depuis été abrogées. Tous les renvois subséquents sont au D.L.R.
  25. Wigglesworth, ibid., p. 252.
  26. Voir, par exemple, Commission de réforme du droit du Canada, Principes directeurs: Sentences et mesures non sentencielles dans le processus pénal (Ottawa, Information Canada, 1976); Rapport de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, Réformer la sentence: une approche canadienne (Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services, 1987); Ministère de la Justice, La détermination de la peine: Vers une réforme et Un cadre pour la détermination de la peine, les affaires correctionnelles et la mise en liberté sous condition (Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services, 1990); K. Jobson et G. Ferguson, "Toward a Revised Sentencing Structure for Canada" (1987), 66 La Revue du Barreau canadien 1.
  27. M.E. Banderet, "Le droit disciplinaire: étude comparative" (1986), vol. 125 Revue internationale du travail, p. 261.
  28. Supra, note 25.
  29. Voir, par exemple, le Rapport de la Commission Marin, supra, note 1, p. 127:

    Les fondements théoriques du système disciplinaire tel qu'il existe à l'heure actuelle sont exposés dans les remarques suivantes qui sont extraites du Manuel d'administration de la Gendarmerie: (Traduction)

    "Aucun groupe de personnes ne peut travailler ensemble sans être soumis à quelque surveillance ou discipline organisée. Par nature, notre profession d'agents de la paix exige que nous nous fixions une norme de conduite beaucoup plus élevée que celle à laquelle on s'attend d'un simple citoyen, et que nous soyons disposés à nous plier à un code de discipline personnelle beaucoup plus sévère. Nous savons bien que les actes que nous posons quotidiennement, tant dans notre travail que dans notre vie privée, sont jugés par le public en fonction de notre rôle d'agents de la paix, et non en fonction de celui de citoyens ordinaires".

    Voir aussi l'art. 39 du Code de déontologie de la GRC, Règlement de la GRC (1988), DORS/88-361, [ci-après appelé Règlement de la GRC], qui prévoit ce qui suit:

    39.(1) Le membre ne peut agir ni se comporter d'une façon scandaleuse ou désordonnée qui jetterait le discrédit sur la Gendarmerie.

    (2) Le membre agit ou se comporte de façon scandaleuse lorsque, notamment:

    a) ses actes ou son comportement l'empêchent de remplir ses fonctions avec impartialité;
    b) ses actes ou son comportement le rendent coupable d'un acte criminel ou punissable sur déclaration sommaire de culpabilité en vertu d'une loi fédérale ou provinciale ou d'une ordonnance territoriale.

  30. Rapport de la Commission Marin, supra, note 1, p. 140.
  31. Ibid., p. 139.
  32. Supra, note 2, art. 25 et 26.
  33. Le congédiement (art. 38) et la réparation sous forme d'un montant d'au plus 1 000 $ (art. 37) étaient des peines dont était passible l'auteur de manquements graves ou simples au devoir. Les autres sanctions prévues pour ces deux catégories de manquement étaient, respectivement (art. 36):
    Manquement grave au devoir
    1. emprisonnement maximal d'un an;
    2. amende maximale de cinq cents dollars;
    3. perte de solde pendant au plus trente jours;
    4. rétrogradation;
    5. perte de l'ancienneté;
    6. réprimande.
    Manquement simple au devoir
    1. trente jours, ou moins, de consigne au quartier;
    2. amende maximale de trois cents dollars en cas de recommandation de congédiement, aux termes de l'art. 38;
    3. amende maximale de cinquante dollars;
    4. perte de l'ancienneté;
    5. réprimande.
  34. Règlement de la GRC (1988), supra note 28, art. 38-58.
  35. Supra note 4, art. 41 et 43.
  36. Ibid., par. 43(1).
  37. Les mesures disciplinaires simples prévues par l'article 41 sont:
    1. conseiller le contrevenant;
    2. recommander de lui faire suivre une formation spéciale;
    3. recommander de le faire bénéficier des conseils d'un spécialiste;
    4. recommander sa mutation;
    5. le soumettre à une stricte surveillance pendant son travail;
    6. le priver de son congé hebdomadaire pour une période ne dépassant pas un jour de travail, sous réserve des conditions que peut prescrire le commissaire par règle;
    7. lui donner un avertissement.

    Les peines prévues dans le cas d'une faute grave sont les suivantes (par. 45.12(3) et (4)):

    1. recommander que le membre soit congédié de la Gendarmerie, s'il est officier, ou, s'il ne l'est pas, le congédier de la Gendarmerie;
    2. ordonner au membre de démissionner de la Gendarmerie, et si ce dernier ne s'exécute pas dans les quatorze jours suivants, prendre à son égard la mesure visée à l'alinée a);
    3. recommander la rétrogradation du membre, s'il est officier, ou, s'il ne l'est pas, le rétrograder;
    4. imposer la confiscation de la solde pour une période maximale de dix jours de travail;
    5. en outre ou à la place des mesures énumérées ci-dessus, imposer une ou plusieurs des mesures disciplinaires simples visées aux alinéas 41 (1)a) à g).
  38. Cela reste vrai malgré l'adoption de nouvelles lois en Saskatchewan ( The Police Act, R.S. S. (1978), ch. P-15), en Ontario ( Loi sur les services policiers, 1990, L.O. (1990), ch. 10, art. 61 [ci-après appelée la Loi sur les services policiers de l'Ontario]) et au Québec. ( Loi sur l'organisation policière et loi modifiant la Loi sur la police et différentes dispositions législatives, L.Q. (1988), ch. 75, modifiée L.Q. (1990) ch. 27 [ci-après appelée la nouvelle Loi sur la police du Québec]), dont l'article 131 stipule:

    Dans la détermination d'une sanction, le comité de déontologie prend en considération la gravité de l'inconduite, compte tenu de toutes les circonstances, ainsi que la teneur de son dossier de déontologie.

  39. (1987), 19 RCMP A[djudication] D[ecisions], ci-après désigné comme A.D. 177
    (S[ervice] T[rial]); confirmée (1988), 21 A.D. 122 (Comm[issione]r).
  40. (1987), 20 A.D. 27 (S.T.).
  41. (1987), 20 A.D. 126 (S.T.).
  42. (1987), 19 A.D. 135 (S.T.); (1988), 21 A.D. 71 (S.T.); (1988), 24 A.D. 35 (S.T.).
  43. (1986), 2 O.P.R. 711.
  44. (1989), 2 O.P.R. 814.
  45. 8 C.L.A.S. 35 (le 5 juin 1987).
  46. Voir, par exemple, BC Regulation, supra note 7, art. 33; Alberta Police Regulation, supra note 23, art. 17. Loi sur les services policiers de l'Ontario, supra, note 38, art. 61. Il est à noter, toutefois, que le paragraphe 17(3) de l' Alberta Regulation prévoit une formation particulière concernant l'assistance socio-pshychologique en plus des autres sanctions (incluant le renvoi).
  47. Par exemple, aux termes du BC Regulation, ibid, la durée maximale d'une suspension sans solde est de 5 jours (c'est également le cas aux termes de l'art. 1.23 du Saskatchewan Regulations, Supra, note 20 et, en vertu du Alberta Municipal Police Regulation, ibid. alinéa 17(1)(d), la durée maximale de la suspension sans solde est de 80 heures, probablement 10 jours.
  48. À litre d'exemple, en vertu de l'art. 30 de la Loi sur les enquêtes relatives à l'application de la loi du Manitoba, supra, note 8, l'agent de police qui a commis une faute est passible de la suspension sans solde pour au plus 30 jours ou de la confiscation de la solde (ou des congés) d'au plus 10 jours. En vertu de l'article 61 de la Loi sur les services policiers de l'Ontario, supra, note 38, une suspension sans solde d'au plus 30 jours peut être imposée à titre de sanction disciplinaire ou encore la confiscation d'au plus 20 jours de congé ou 5 jours de solde. Aux termes de l'art. 130 de la nouvelle Loi sur la police du Québec, supra, note 38, le policier fautif peut se voir imposer la suspension sans solde pour une période ne dépassant pas 60 jours ouvrables. Le paragraphe 5(3) du Police Regulation de la Nouvelle-Écosse, N.S. Reg. 101/88 prévoit l'imposition d'une amende dont le montant n'excède pas un mois de salaire ou la suspension sans solde pour un maximum de 30 jours. Les Royal Newfoundland Constabulary Regulations, Nfld. Reg. 75/85 ont ceci de particulier qu'ils autorisent, à l'art. 16, la suspension sans solde pour une période maximale de six mois.
  49. Commission des plaintes du public contre la GRC, Rapport annuel 1989-1990 (Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services, 1990), pp. 83-85.
  50. Wigglesworth c. La Reine (1984), 7 D.L.R. (4th) 361 (Sask. C.A.), à la page 365, cité dans Wigglesworth, supra, note 23, p. 256.
  51. Supra, note 23, par. 58(3); il n'y a pas de disposition dans l' Alberta Police Regulation, ibid.
  52. S.A., ch. P-12.01.
  53. Fedoriuk c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, [1989] 2 C. F. 400, 540 C. R. (4th) 168 (C.A.). Dans Lutes c. commissaire de la GRC, [1985] 2 C.F. 326, le juge Urie avance que l'acquittement d'une accusation de vol prononcée par une cour criminelle lie le commissaire, quant à la détermination de la perpétration du délit.
  54. Comité externe d'examen de la GRC, Les suspensions - Une analyse comparée, document de recherche 1 (Ottawa, Ministère des Approvisionnements et Services, 1989).
  55. D. Brown and Beatty, Canadian Labour Arbitration 3d ed. (Aurora, Ont.: Canada Law Book Co., 1990) [ci-après Brown and Beatty].
  56. Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, en annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.U.), [ci-après appelé la Charte].
  57. Supra, note 24, pp. 250-254.
  58. Ibid., p. 251.
  59. Supra, note 24.
  60. Supra, note 24.
  61. Supra, note 24.
  62. Supra, note 22.
  63. Trimm c. Durham Regional Police Force, supra note 24, p. 281.
  64. Ibid., p. 282, citant Re Colledge and Niagara Regional Police Com'n (1983) 142 D.L.R. (3d) 655 (H.C.J. Ont.), p. 658.
  65. Re Trumbley and Fleming, (1986) 29 D.L.R. (4th) 577 (C.A. Ont.), pp. 576-577, cité avec approbation dans l'arrêt Trimm c. Police régionale de Durham, supra, note 24, p. 311; Trumbley et Pugh c. Police de la communauté urbaine de Toronto, supra, note 24, p. 319.
  66. Voir, par exemple, l'arrêt Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de Matsqui (No 2) [1980] 1 R.C.S. 602, 50 C.C.C. (2d) 353,106 D.L.R. (3d). Dans l'arrêt Wigglesworth, supra, note 24, la Cour suprême du Canada a déclaré que les droits garantis par l'article 11 de la Charte s'appliquaient aux infractions pénales, mais non aux infractions disciplinaires (sauf si elles avaient des conséquences pénales). Mais la Cour suprême a fait remarquer qu'il ne fallait pas en conclure que les principes de justice fondamentale énoncés à l'article 7 de la Charte ne s'appliquaient pas non plus aux procédures disciplinaires. Le juge Wilson a déclaré, au nom de la majorité (p. 250):

    J'estime, pour ce motif, qu'il est préférable de restreindre l'art. 11 aux plus graves infractions que nous connaissons dans notre droit, c.-à.-d. les affaires criminelles et pénales, et de laisser les autres "infractions" relever du critère plus souple de la "justice fondamentale" énoncé à l'art. 7.

  67. (1973), 14 C.C.C. (2d) 401, 43 D.L.R. (3d) 96 (C.S. Alb.).
  68. (1982) 2 C.C.C. (3d) 396, 144 D.L.R. (3d) 285 (C.S.C.-B.); confirmé par (1985) 19 C.C.C. (3d) 331, 20 D.L.R. (4th) 314 (C.A.C.-B.).
  69. (1981), 58 C.C.C. (2d) 156 (C.F.).
  70. Supra, note 68, C.S.C.-B., p. 409.
  71. Ibid., p. 411.
  72. (1989), 37 Admin. L.R. 119 (Cour div. de l'Ontario).
  73. Voir la décision no 2500-90-005 D15 du Comité externe d'examen [ci-après appelée le CEE].
  74. Supra, note 24, p. 241-242.
  75. 4 A.D. 1 (S.T.).
  76. Voir, par exemple, les décisions nos 2500-90-004 D17 et 2500-90-002 D15 du CEE.
  77. Ce principe a été appliqué dans la décision no 2500-90-002 D15 du CEE.
  78. Supra, note 65, p. 577.
  79. Supra, note 55, au para. 7:4422, renvois supprimés.
  80. Re Millhaven Fibres Ltd, Millhaven Works, and Oit, Chemical and Atomic Energy Workers Int'l, Local 9-670 (1967), 1 (A) Union-Management Arbitration Cases 328 (Anderson) [ci-après appelé Millhaven].
  81. Supra, note 65, p. 577.
  82. Supra, note 54, p. 405.
  83. (1981), 3 L.A.C. (3d) 443 (Frumkin), p. 445.
  84. Supra, note 45.
  85. Supra, note 54, p. 409.
  86. [1977] 1 Can. L.R.B.R. 1 (Weiler).
  87. (1988), 35 L.A.C. (3d) 400 (Black).
  88. Ibid., p. 405.
  89. Ibid., p. 407.
  90. Ibid., p. 409.
  91. Ibid., pp. 409-410. Dans les affaires Re ICG Utilities and Energy and Chemical Workers Union (1986), 25 L.A. C. (3d) 206 (Bowman) [ci-après appelé l'affaire ICG Utilities] et Re Overnighter Foods and Retail Clerks' Union, Local 1518 (1987), 28 L.A. C. (3d) 393 (McCall), on a jugé qu'une agression sexuelle commise en dehors des heures de travail justifiait un congédiement.
  92. Ibid., pp. 412-413.
  93. (1988), 5 L.A.C. (4th) 225 (Verity), p. 236.
  94. (1972), 24 L.A.C. 78 (Shime), p. 85.
  95. (1964), 15 L.A.C. 288 (Reville), p. 289.
  96. Supra, note 80, p. 329.
  97. (1973), 5 L.A.C. (2d) 7 Andrews, p. 8.
  98. (1984), 15 L.A.C. (3d) 329 (Black), p. 338.
  99. (1985), 24 D.L.R. (4th ) 274 (C.A.F.).
  100. Supra, note 91, p. 221.
  101. Brown and Beatty, supra, note 79, par. 7:3424, n. 5.
  102. Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46, art. 736.
  103. (1964), 14 L.A.C. 356, pp. 356-358.
  104. Saunders and the City of Edmonton Police Force, Alberta Law Enforcement Appeal Board, 2 mai 1984, p. 4.
  105. Brown and Beatty, Supra, note 79, par. 7:4400 et suivants.
  106. Supra, note 53.
  107. Ibid., p. 409.
  108. Ibid.
  109. Décision du commissaire de la GRC, 23 juin 1989, dans la décision no 3200-89-001 D4 du CEE, où le commissaire n'a pas suivi la recommandation du président du CEE de ne pas imposer le congédiement, [ci-après CEE Division D4].
  110. Décision du commissaire de la GRC, le 6 avril 1989 dans la décision no 2400-88-001 D2 du CEE.
  111. Supra, note 109, pp. 7-8.
  112. (1987) 2 O.P.R. 784 (O.P.C.).
  113. Ibid., p. 784.3.
  114. Brown and Beatty, supra, note 79, par. 7:3310. Voir aussi le par. 7:3000, n. 12 et le par. 7:4422, n. 12
  115. Voir la section 5.4, du présent document.

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