La nouvelle ère de l’application de la loi en matière de concurrence au Canada

Discours

Notes pour une allocution de Matthew Boswell, commissaire de la concurrence

Conférence d’automne sur la concurrence de l’Association du Barreau canadien

Le 26 septembre 2024

(Le discours prononcé fait foi)

Bonjour.

Je suis heureux d’être à nouveau parmi vous cette année pour la conférence d’automne sur le droit de la concurrence.

Je voudrais commencer par rappeler que nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin des Anichinabés.

Nous nous rassemblons alors que les couleurs spectaculaires de l’automne s’installent ici. L’une des pièces maîtresses de cette transformation saisonnière – ici comme dans la majeure partie du Canada – est sans contredit l’érable.

La croissance de l’érable nous offre une bonne analogie pour les changements : y compris les changements spectaculaires dans le droit de la concurrence au Canada dont je vais vous parler aujourd’hui.

Au début, les érables poussent vers le haut… très rapidement. Puis ils s’étendent vers l’extérieur pour créer leur grande canopée.

L’évolution du droit de la concurrence au Canada a suivi une voie similaire.

C’est pourquoi je suis ici aujourd’hui pour parler de la récente série de modifications apportées à la Loi sur la concurrence. De ce que ces changements signifient pour le milieu juridique et bon nombre de vos clients. Et de ce que cela signifie pour l’ensemble de la population canadienne. Je parlerai également de ce qui ne change pas avec ces récentes réformes. Commençons donc.

La nouvelle ère

Avant les récentes modifications de la Loi sur la concurrence, en 2021, le gouvernement a réalisé des investissements importants dans le budget du Bureau afin de renforcer notre capacité à faire respecter la loi et à promouvoir une plus grande concurrence.

Ces augmentations budgétaires nous ont permis de nous équiper pour répondre aux besoins de l’économie moderne du Canada. Nous avons notamment créé notre Direction générale de l’application numérique de la loi et du renseignement, qui tire profit des données et de la technologie pour soutenir notre travail d’application de la loi et de promotion de la concurrence.

Cependant, malgré ces nouvelles ressources, nous n’avions pas les outils législatifs nécessaires pour prendre les mesures d’application de la loi auxquelles le grand public, et les parlementaires, s’attendent.

Comme vous le savez, depuis 2022, le droit canadien de la concurrence a connu trois vagues de modifications. Laissez-moi vous en résumer les faits saillants :

  • Les modifications ont débuté en 2022 avec la criminalisation des accords de fixation des salaires et de non-débauchage, et l’augmentation des amendes et des sanctions maximales.
  • Puis, en 2023, la défense obsolète des gains en efficience a été éliminée, les règles relatives à l’abus de position dominante ont été renforcées et le Bureau s’est vu accorder des pouvoirs formels en matière d’étude de marché.
  • Enfin, au début de cette année, des modifications ont outillé le Bureau pour un contrôle plus efficace des fusions, notamment grâce à l’introduction de présomptions structurelles, et ont renforcé les dispositions en matière de pratiques commerciales trompeuses, particulièrement en ce qui concerne les fausses indications de rabais, les indications de prix partiel et les déclarations environnementales non fondées.

C’est beaucoup de changements en deux ans.

Sans surprise, la communauté juridique du Canada en a pris note et travaille activement à évaluer l’incidence de ces changements de grande ampleur. Il en ressort un consensus grandissant : nous sommes entrés dans une « nouvelle ère » du droit de la concurrence, de la conformité et de l’application de la loi.

Dans vos bulletins, nombre d’entre vous ont utilisé des mots pour décrire ces modifications : « marquantes », « transformatrices », « changement radical » [en anglais seulement] et même « réforme en profondeur ».

Le Globe and Mail, dans un éditorial de juillet 2024, l’a qualifiée de « nouvelle ère du droit de la concurrence pour les consommateurs ».

Le large consensus sur la nécessité d’une réforme n’est pas nouveau. Le sentiment que le Canada doit en faire davantage pour favoriser la concurrence est présent dans tous les esprits depuis un certain temps.

Il y a trois ans, je me suis joint à vous – plus de deux ans après le début de mon mandat et toujours en mode virtuel en raison de la pandémie de COVID-19 –, pour demander une révision complète de la Loi sur la concurrence. À l’époque, c’était pratiquement un fol espoir.

Et pourtant, nous avons parcouru tant de chemin depuis!

Cette démarche a été motivée par une vague de fond de Canadiens et Canadiennes appelant à ce que les choses changent en réponse à une économie où la concurrence ne fonctionnait tout simplement pas. Les gens ont été clairs : ils veulent plus de concurrence.

Le désir d’une réforme significative s’est renforcé à la Chambre des communes et au Sénat, où le soutien unanime de tous les partis a donné l’élan nécessaire pour que ces modifications se concrétisent.

Les détails de ces changements récents ne font peut-être pas l’objet d’un accord universel, ce qui est rarement le cas pour les lois. Mais il y a unanimité sur le fait que ces efforts de modernisation de nos lois sont une réponse légitime et incontournable à la nécessité d’en « faire plus ».

Cette nouvelle ère de l’application de la loi en matière de concurrence doit être considérée comme un changement générationnel, plutôt que comme un changement radical.

Tout comme personne ne reproche à l’érable de grandir puis de s’épanouir en s’adaptant à son environnement, nos lois doivent répondre aux besoins et aux défis de notre économie telle qu’elle est aujourd’hui. Avec ces changements, le gouvernement et le Parlement cherchent à doter le Bureau des outils adéquats pour atteindre les résultats que nous souhaitons tous : une économie canadienne dynamique et compétitive.

Pour revenir à l’analogie de l’érable, je vois cette nouvelle ère un peu comme les branches solidement déployées de cet arbre robuste. La brillante canopée a poussé à partir d’une idée : une concurrence accrue stimulera la croissance et sera bénéfique pour l’intérêt public. C’est un objectif que nous voulons tous atteindre.

Ces changements sont également cohérents avec le type de vaste programme pangouvernemental de concurrence [en anglais seulement] que je réclame pour aider à résoudre les problèmes de productivité du Canada.

Nous pouvons y parvenir en faisant ce qu’il faut : ouvrir les marchés, définir leurs règles, les faire respecter et donner à chacun une chance équitable de croissance, d’opportunité et d’investissement.

Ce à quoi s’attendre pour l’avenir

Beaucoup d’entre vous voudront savoir comment cette Loi sur la concurrence modernisée affectera vos clients. Les changements sont importants et de grande portée, et je comprends qu’il est important pour vous d’entendre ce que le Bureau a à dire sur cette nouvelle réalité et sur la façon dont nous appliquerons la loi à l’avenir.

De mon point de vue, il y a quatre grands changements qui définiront la manière dont le Bureau travaille, pense et réagit.

Tout d’abord, il faut s’attendre à davantage de mesures d’application de la loi.

Je pense que cela viendra à la fois du Bureau et du régime d’accès privé élargi.

Ces changements législatifs ont doté le Bureau des outils dont il a besoin pour prendre des mesures significatives d’application de la loi. Cela signifie que les comportements anticoncurrentiels ne passeront plus entre les mailles du filet, comme c’était le cas auparavant, en raison des lacunes de la législation. Cela signifie également que le Tribunal de la concurrence et les autres tribunaux seront davantage sollicités.

Et, pour la plus grande joie de nombreuses personnes présentes dans la salle, j’en suis sûr, cela se traduira par une jurisprudence plus abondante.

Deuxièmement, il faut s’attendre à une mise en application plus rapide et beaucoup moins technocratique.

La Loi sur la concurrence comporte désormais des critères juridiques simplifiés, une inversion du fardeau de preuve et des présomptions réfutables pour les fusions. Et comme je l’ai mentionné il y a un instant, la défense fondée sur les gains en efficience a été abrogée.

Ces changements permettront au Bureau de trier les dossiers et de mener des enquêtes plus rapidement. Ils devraient également permettre d’obtenir des résultats fondés sur des motifs compréhensibles par le commun des mortels.

Pour illustrer la manière dont ces changements vont simplifier notre travail, nous n’avons désormais plus le fardeau de centaines de paragraphes de formules mathématiques complexes pour déterminer si une fusion serait contraire à la Loi sur la concurrence.

Il était grand temps de ramener un peu de bon sens dans notre législation sur la concurrence.

La troisième chose à laquelle vous pouvez vous attendre est un renforcement des mesures correctives.

Nous le constatons dans la nouvelle norme corrective pour les fusions, l’éventail plus large de mesures correctives disponibles en vertu de l’article 90.1 et notre nouveau mécanisme civil pour assurer le respect des consentements. Nous le constatons également dans les changements apportés aux amendes et sanctions maximales dans l’ensemble de la Loi. Nous sommes désormais mieux à même de réclamer des sanctions réelles et significatives en cas d’infraction. Cela signifie que l’époque des sanctions financières absurdement faibles est révolue.

Désormais, les demandeurs privés pourront obtenir réparation en s’adressant au Tribunal de la concurrence.

Tous ces changements se traduisent par une approche d’application de la loi qui est stricte et diligente : ceux qui enfreignent la loi devront faire face à des conséquences significatives pour leurs actes.

La quatrième et dernière chose que l’on peut attendre de cette nouvelle ère est une approche d’application de la loi plus axée sur les personnes.

Implicitement, ces changements font en sorte que la Loi reflète davantage les besoins actuels du public canadien en matière de droit de la concurrence, par exemple :

  • Qu’est-ce qui sert l’intérêt public? Le fait d’ouvrir la porte aux litiges d’intérêt public permettra de répondre à cette question.
  • Reconnaître l’importance de la concurrence pour les travailleurs par le biais des nouvelles infractions de fixation des salaires et de non-débauchage, et en incorporant expressément le terme « personnel » dans les dispositions relatives aux fusions.
  • Veiller à ce que les consommateurs canadiens soient mieux protégés contre les pratiques commerciales trompeuses, notamment en empêchant la diffusion d’indications de prix partiel et de fausses indications qui trompent les consommateurs et nuisent aux concurrents.
  • Des protections renforcées pour les dénonciateurs, les plaignants et les autres personnes qui se manifestent et fournissent une assistance dans le cadre de la Loi, en vertu de la nouvelle disposition anti-représailles.

Dans l’ensemble, les modifications apportées à la Loi sur la concurrence se traduisent par un cadre juridique plus solide pour l’application de la loi au Canada, et un système qui répond mieux aux besoins du public. Un système qui tolère beaucoup moins les comportements anticoncurrentiels qui trompent les consommateurs canadiens, font monter artificiellement les prix et maintiennent les salaires à un bas niveau, et limitent la productivité et l’innovation.

Tout comme j’ai parlé de la manière dont cette nouvelle ère affectera la façon dont le Bureau travaille, parlons maintenant de la manière dont cette nouvelle ère affectera les choix des entreprises.

Il y a quatre domaines que je souhaite mettre en lumière aujourd’hui, car je pense qu’ils vous intéresseront particulièrement.

Fusions

Commençons par le contrôle efficace des fusions. Il est vital d’avoir des règles solides, car c’est la première ligne de défense du Bureau dans ses efforts pour protéger la compétitivité de notre économie.

Pour la grande majorité des fusions, les choses ne changeront pas dans cette nouvelle ère. Mais dans certains cas, il y a des changements importants qui méritent l’attention.

Tout d’abord, un plus grand nombre de fusions sont désormais soumises à des exigences de préavis de fusion. Et, indépendamment du préavis, dans tous les cas où nous demandons une injonction, une fusion ne pourra pas être conclue tant que l’injonction n’aura pas été entendue et fait l’objet d’une décision. Ces changements réaffirment clairement l’objectif préventif de l’examen des fusions.

Deuxièmement, les transactions qui n’ont pas fait l’objet d’un préavis seront soumises à un délai de prescription plus long pendant lequel nous pourrons, le cas échéant, introduire un recours après la clôture de la transaction. Concrètement, cela signifie qu’il y a désormais moins de risques que des transactions anticoncurrentielles nous échappent.

Troisièmement, on peut s’attendre à une plus grande dose de bon scepticisme à l’égard des projets de fusion dans les secteurs concentrés. C’est le résultat de l’abrogation de la défense des gains en efficience et de la création de présomptions structurelles réfutables. Cela met fin à ce qui était – à mon avis – une approche trop permissive des fusions ou, comme l’a décrit l’un de mes prédécesseurs, « la législation sur les fusions la plus faible de tous nos pays pairs ».

Quatrièmement, parmi les autres changements notables concernant les fusions, la norme en matière de mesures correctives est désormais beaucoup plus stricte. Cela nous orientera vers des mesures correctives qui, tant dans leur intention que dans leur effet, préservent et protègent pleinement la concurrence contre les fusions anticoncurrentielles. Il s’agit là d’une amélioration considérable par rapport à la situation qui prévalait il y a tout juste un an.

Il convient de le répéter : la grande majorité des fusions examinées en vertu de la Loi sur la concurrence ne sont pas complexes et sont autorisées rapidement. Cela ne changera pas.

Mais pour les affaires complexes, en particulier celles qui soulèvent d’importantes questions de concurrence, attendez-vous à ce que nous venions frapper à la porte. Dans ces cas-là, certaines parties devront simplement être bien préparées pour expliquer leur projet de fusion. Mais pour les transactions malavisées qui sont particulièrement anticoncurrentielles, dans cette nouvelle ère, ces idées ne devraient jamais quitter la salle du conseil d’administration.

Je reconnais qu’il est essentiel de disposer de bonnes orientations dans ce domaine. C’est pourquoi nous lancerons bientôt un examen complet des lignes directrices pour l’application de la loi en ce qui a trait aux fusions. Nous profiterons également de cette occasion pour nous assurer que nous disposons de lignes directrices modernes qui reflètent l’économie numérique et la jurisprudence la plus récente.

Dans le cadre de ce processus, nous publierons dans les semaines à venir un document de discussion qui comprendra des questions à soumettre à votre réflexion. Nous espérons que vous participerez à ce processus afin de nous aider à rendre ces lignes directrices aussi utiles et rigoureuses que possible.

Une ébauche des lignes directrices révisées suivra. Nous apprécions votre contribution et celle de vos clients. Vos contributions à nos orientations contribuent à une plus grande clarté pour tout le monde.

Pratiques monopolistiques

Passons au deuxième point de la liste des changements notables : les pratiques monopolistiques.

Il n’est pas mauvais d’être grand. Les entreprises qui se développent en innovant et en se livrant à une concurrence par les mérites ne doivent pas être sanctionnées – il s’agit là d’un fondement essentiel du processus concurrentiel.

Les récentes modifications ne changent pas notre point de vue sur ce point. Ce qui change, c’est notre capacité à définir clairement les contrevenants et la possibilité très réelle d’appliquer des sanctions significatives en cas d’infraction. Ces changements nous alignent enfin sur nos pairs.

Dans cette nouvelle ère, nous disposons désormais d’un test simplifié pour déterminer s’il y a eu abus de position dominante nécessitant une ordonnance d’interdiction. Cela nous aidera à mettre un terme à tout comportement d’entreprises dominantes qui a nui à la concurrence sur le marché ou qui était destiné à le faire.

Nous pouvons également compter sur une amélioration considérable de la disposition relative aux accords civils. Elle nous permettra de nous attaquer à un éventail plus large d’accords anticoncurrentiels. Elle s’accompagne de mesures correctives plus efficaces pour remédier aux préjudices et promouvoir la conformité.

Dans ce domaine, nous avons publié de nouvelles orientations en matière de contrôles de propriété en vue d’une consultation publique. Nous considérons que notre position est forte mais responsable. Toutefois, nous restons ouverts à d’autres points de vue. Nous vous invitons à nous faire part de vos commentaires avant de finaliser ces orientations.

Enfin, sur ce point, nous préparons des orientations supplémentaires sur les pratiques restrictives du commerce et nous ferons également des consultations sur ce projet d’orientations.

Pratiques commerciales trompeuses

Ensuite, voyons comment cette nouvelle ère affectera notre travail d’application de la loi dans le domaine des pratiques commerciales trompeuses.

C’est un domaine dans lequel le Bureau avait besoin d’un cadre d’application de la loi qui soit à la hauteur de notre époque. Nous avions besoin d’outils pour faire le meilleur travail possible dans la lutte contre ces pratiques de longue date qui nuisent aux consommateurs et à la concurrence.

Premièrement, l’indication de prix partiel. Comme vous le savez, nous avons connu maints succès en poursuivant ceux qui se livrent à cette pratique anticoncurrentielle.

Tout récemment, en début de semaine, le Tribunal de la concurrence a rendu sa décision dans l’affaire d’indication de prix partiel visant Cineplex. Il s’agit d’une victoire éclatante pour les Canadiens et Canadiennes, et d’un exemple concret de notre nouvelle ère d’application de la loi en matière de concurrence.

Je sais que Cineplex a annoncé son intention de faire appel. Toutefois, je tiens à souligner qu’il s’agit de la première décision rendue par le Tribunal dans le cadre des récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence, qui prévoient notamment la possibilité d’imposer des sanctions administratives pécuniaires plus élevées.

Cette décision envoie un message fort : les entreprises ne doivent pas pratiquer l’indication de prix partiel et doivent afficher d’emblée leurs prix complets chaque fois que des frais supplémentaires sont obligatoires pour les consommateurs. Les entreprises qui ne se conforment pas à la loi s’exposent à des sanctions financières importantes.

Bien entendu, nous avons également obtenu récemment deux ententes par voie de consentement dans ce domaine, contre TicketNetwork et SiriusXM Canada. Nous avons également plusieurs autres enquêtes en cours. La leçon à tirer est claire : attendez-vous à une réaction et à des conséquences si vous vous livrez à des pratiques fausses ou trompeuses en annonçant des prix impossibles à atteindre en raison de frais qui ne sont pas mentionnés dans l’offre.

Nous allons maintenant aborder un domaine qui a fait couler beaucoup d’encre : les dispositions relatives aux déclarations environnementales et à l’écoblanchiment. Je peux vous assurer qu’au Bureau, nous avons entendu haut et fort qu’il existe un désir profond d’obtenir des orientations sur ces nouvelles dispositions de la Loi. Nous avons déjà agi et nous continuerons à agir rapidement à ce sujet.

Bien que ces changements soient considérables, il est important de ne pas oublier que nos lois interdisaient déjà l’écoblanchiment et les indications de rendement non fondées.

La Loi sur la concurrence contient depuis longtemps des dispositions interdisant les indications fausses ou trompeuses pour promouvoir un produit ou un intérêt commercial. Prenons l’exemple de l’action que nous avons intentée contre Keurig Canada en 2022. Notre enquête a conclu que les affirmations de l’entreprise concernant la recyclabilité de ses dosettes de café à usage unique étaient fausses ou trompeuses. Keurig a accepté de payer une sanction de 3 millions de dollars.

De même, les indications de rendement qui ne sont pas fondées sur une épreuve suffisante ou appropriée sont interdites au Canada depuis les années 1930. Par extension, le Bureau informe depuis longtemps les entreprises que ces dispositions s’appliquent aux déclarations environnementales. Non seulement nous avons publié des orientations et des avertissements pendant de nombreuses années, mais nous avons également pris des mesures d’application de la loi dans des cas très médiatisés.

Au vu de nos actions antérieures, vous pouvez constater que ces nouvelles dispositions constituent une évolution – et non une révolution – dans la lutte contre les pratiques commerciales trompeuses. Cela signifie que les annonceurs sont censés fonder leurs déclarations environnementales sur des bases solides, afin qu’elles ne soient pas considérées comme fausses ou trompeuses pour les consommateurs.

Comme vous le savez, nous menons des consultations sur ces nouvelles dispositions et nous examinerons attentivement les réactions reçues. Pour l’heure, j’invite les parties intéressées à lire l’édition spéciale du volume 7 du recueil des pratiques commerciales trompeuses. Il contient des conseils utiles sur la manière de se conformer aux dispositions préexistantes de la Loi en ce qui concerne les déclarations environnementales.

Accès privé

Enfin, je vous ferai part de quelques réflexions sur les changements apportés au régime de l’accès privé dans cette nouvelle ère.

Les modifications ont créé un système de mise en application privée beaucoup plus robuste. Il s’étend désormais à la plupart de nos dispositions civiles. Il est accessible à un plus grand nombre de demandeurs. Il s’accompagne d’un assouplissement du critère utilisé pour déterminer si une affaire peut être instruite et permet au tribunal d’ordonner le versement de sommes d’argent.

Nous saluons et soutenons ces changements, car ils iront de pair avec le travail du Bureau, conduiront à davantage de jurisprudence et permettront l’accès à des recours privés.

L’effet de ces changements est déjà perceptible. L’accès privé est utilisé comme outil dans des affaires d’abus de position dominante, notamment Apotex et JAMP Pharma. Et ce n’est qu’un début. Des modifications plus importantes de la Loi entreront en vigueur en juin 2025.

Nous suivrons de près les affaires et les examinerons à la loupe pour trouver des occasions d’intervenir et d’apporter le point de vue du Bureau, en particulier si d’importantes questions de droit sont en jeu. Et je suis sûr que beaucoup d’entre vous dans cette salle feront de même.

Nous prévoyons mettre à jour notre bulletin d’information sur les procédures d’accès privé à la lumière de ces changements importants. Nous y exposerons notamment les facteurs dont nous tiendrons compte pour décider d’une éventuelle intervention.

Je tiens également à préciser que nous reconnaissons l’importance de disposer d’un Tribunal de la concurrence doté de ressources adéquates. Alors que nous entrons dans une nouvelle ère où nous avons l’intention de présenter davantage d’affaires devant le Tribunal, et que nous anticipons un nombre croissant d’affaires d’accès privé, cela ne fera que devenir plus important pour garantir un jugement rapide et efficace.

Ce qui vient ensuite

J’ai passé une grande partie de mon temps aujourd’hui à vous expliquer les effets que les changements apportés à la Loi sur la concurrence auront, à mon avis, sur l’application de la loi. Et, par conséquent, les effets qu’ils auront sur votre travail.

Oui, la modernisation de la Loi sur la concurrence bénéficie d’un large soutien public et ces changements alignent le Canada sur les meilleures pratiques internationales. Et oui, certains changements sont encore un peu bruts; il faudra les poncer pour obtenir une finition plus lisse, que ce soit à l’aide d’orientations ou de la jurisprudence. C’est normal. Car il s’agit d’une loi-cadre, après tout, et non d’un code.

Cependant, malgré ces changements importants, il est également important de prendre note de ce qui ne change pas. Il s’agit toujours d’une loi-cadre axée sur le maintien et la promotion de la concurrence au Canada, et non d’une réglementation sectorielle ou d’un régime de contrôle des prix.

La Loi sur la concurrence reste soumise à de solides protections en matière de cours normal de la loi, à des exigences en matière de preuve et à des normes d’autorisation, afin de garantir l’équité pour toutes les parties et d’éliminer les affaires manifestement non méritoires. Le Bureau continuera, bien entendu, à appliquer la loi de manière transparente, prévisible et rigoureuse. En d’autres termes, si la canopée de l’érable s’est élargie, ses racines sont restées les mêmes.

Lorsqu’il s’agit de garantir une concurrence loyale et équitable au Canada, nous nous efforçons d’y parvenir depuis presque aussi longtemps que le Canada existe. On n’en parle pas assez. Les nouvelles lois sont une réponse à un problème ancien.

En 1889, le Canada a été le premier pays au monde à se doter d’une législation antitrust moderne. Notre législation, tout comme celle des États-Unis, était une réponse aux graves problèmes rencontrés par les gens dans ces jeunes marchés émergents. Cette tradition vieille de plus de 135 ans s’est poursuivie au XXe siècle. Dans les années 1920, le premier ministre Mackenzie King a lui-même présenté en première lecture la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, qui est à l’origine de la Loi sur la concurrence d’aujourd’hui.

Ensuite, dans les années 1980, la Loi sur la concurrence a été modifiée par le biais du projet de loi C-91 – des changements législatifs qui, selon une déclaration du ministre de l’époque responsable de ce portefeuille, étaient nécessaires pour adapter la Loi aux exigences d’un marché moderne.

Cela nous amène aux changements d’aujourd’hui, dernière étape d’un long parcours.

Comme je l’ai expliqué au début de mon intervention, un changement générationnel dans le droit de la concurrence est là. Enfin.

C’est ce qui nous ramène à l’analogie de l’érable :

Il s’agit de nouvelles branches qui viennent compléter la canopée de l’arbre de la concurrence au Canada. Elles couvrent une plus grande superficie avec les règles et le cadre d’application nécessaires pour suivre le rythme de l’économie d’aujourd’hui. Mais cette canopée est cohérente avec les principes antérieurs. Ces changements s’appuient sur une longue tradition d’engagement du Bureau en faveur d’une application de la loi transparente et fondée sur des preuves.

Conclusion

En guise de conclusion, je tiens à rappeler que nous entrons dans une nouvelle ère d’application de la loi en matière de concurrence au Canada. Aujourd’hui, nous disposons d’une législation nettement plus solide, qui rectifie enfin de nombreuses lacunes de longue date de la Loi sur la concurrence.

Comme je l’ai indiqué, nous élaborons des orientations afin de clarifier les effets de ces changements pour le Bureau et pour vos clients. Nous souhaitons que vous nous aidiez à les affiner.

Toutefois, le message de la population canadienne et des parlementaires a été clair : ils souhaitent une application de la loi plus forte et plus active. Ces récentes modifications nous ont donné les outils nécessaires pour y parvenir.

Je voudrais vous laisser sur une conclusion claire : dans cette nouvelle ère, vous devez vous attendre à une autorité plus agressive et plus active, qui utilisera tous les outils à sa disposition dans l’intérêt du Canada, de sa population et de son économie.

Ces changements étaient attendus depuis longtemps, et il m’appartient désormais, en tant que commissaire de la concurrence, de veiller à ce qu’ils soient mis en œuvre d’une manière qui réponde aux attentes élevées du public canadien et des parlementaires.

Alors, attachez votre ceinture.

Merci.

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