Leçons retenues de l’exercice MAPLE RESOLVE 21 sur la reconnaissance de combat

par Capitaine Miles Smith

INTRODUCTION Note de bas de page 1

À leur retour de l’exercice MAPLE RESOLVE (Ex MR) 21, les membres de ce qui est maintenant appelé « Escadron D » du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians) [LDSH (RC)] ont accroché une photo de groupe commémoratif à côté de l’entrée de leurs lignes. Dans la légende, on pouvait lire : « Le dernier escadron de reconnaissance », car le Corps blindé royal canadien (CBRC) a officiellement renommé « cavalerie » ses escadrons de reconnaissance ou de chars. Le CBRC a distribué une lettre à tous les commandants du CBRC en août 2021 pour expliquer le concept de cavalerie. La lettre mentionne que le concept de cavalerie [traduction] « représente un passage conceptuel d’une capacité limitée et étroite de tir direct à deux volets et de reconnaissance furtive en soutien au combat à une seule force cohésive et embarquée de manœuvre de combat rapproché ».Note de bas de page 2 

Cette lettre souligne aussi que le seul rôle des forces de cavalerie est de vaincre l’ennemi dans un combat rapproché. Elle insiste sur le fait que tous les escadrons doivent avoir une structure homogène organisée selon le « principe de quatre » pour fournir plus de puissance de combat pour ce rôle : quatre véhicules blindés de combat par troupe et quatre troupes par escadron.Note de bas de page 3  Aucun élément habilitant n’est compris dans cette organisation. La lettre permet néanmoins une distinction de dénomination entre les escadrons de cavalerie légère équipés de véhicules blindés tactiques de patrouille (VBTP) et de véhicules blindés légers (VBL) 6.0 et les escadrons de cavalerie lourde équipés du Leopard 2. Toutefois, la lettre exige l’annulation de la doctrine distincte sur les chars et la reconnaissance soit remplacée par un document commun, ce qui rend l’emploi de ces escadrons indépendant de la plateforme. De plus, le CBRC aspire à améliorer la puissance de combat du VBTP et du VBL 6.0 en les équipant de missiles antichars (MAC) pour qu’ils puissent remplir ce rôle axé sur le combat.Note de bas de page 4

Malgré ce changement, le groupe d’officiers et de soldats a utilisé des tactiques lors de l’Ex MR 21 que le CBRC jugera utile d’examiner. Cette étude de cas mettra en évidence l’expérience de l’escadron de reconnaissance du LDSH (RC) au cours de l’Ex MR 21 afin de présenter des leçons importantes à considérer pendant la mise en œuvre du passage à la cavalerie au sein du CBRC. La portée du présent article se limite aux conséquences du changement de nom des escadrons de reconnaissance en escadrons de cavalerie, ce qui met l’accent sur les opérations offensives et défensives axées sur les manœuvres plutôt que sur les opérations habilitantes de soutien au combat.Note de bas de page 5  Pour des raisons de simplicité, le terme cavalerie dans cet article fait référence aux escadrons légers et moyens équipés du VBTP et du VBL 6.0, et exclut les escadrons de chars. Les arguments contenus dans le document ne s’étendent pas nécessairement aux escadrons de chars; cela nécessiterait un examen et une portée beaucoup plus larges.

Cet article soutient que le CBRC doit reconsidérer l’orientation vers l’homogénéité des escadrons et l’exécution de tâches par des troupes embarquées au détriment de l’expertise des troupes débarquées. Cela permettra de s’assurer que les sous-unités sont formées et dotées des compétences et des capacités nécessaires pour réussir dans leur nouveau rôle de cavalerie sur le champ de bataille. Cet argument repose sur l’expérience d’un véritable escadron engagé contre une force d’opposition (OPFOR) motivée et réfléchie dans des conditions aussi réalistes que possible dans un environnement d’instruction. D’abord, l’examen du problème auquel l’escadron a fait face lors de l’Ex MR 21 fournira le contexte. Ensuite, l’analyse de l’expérience de l’Ex MR 21 démontrera l’importance vitale d’une capacité débarquée, de systèmes antiblindés létaux, de capteurs aéroportés intégrés et d’un appui-feu indirect dédié. Enfin, la discussion se terminera par des suggestions d’amélioration des tactiques, de l’organisation et de la doctrine. L’auteur du présent article vise à appuyer ses arguments au moyen d’éléments de preuve primaire provenant de superpositions de cartes GPS du simulateur d’effets d’armes (SEE), d’extraits des ordres et de l’expérience des membres de l’escadron qui ont participé à l’Ex MR 21.

CONTEXTE – UNE PRÉSENTATION DU PROBLÈME

Il est utile de comprendre trois aspects du problème auquel fait face l’escadron. Premièrement, le contexte de l’exercice et le concept des opérations permettent de comprendre ce que l’escadron était censé accomplir, contre quel ennemi et avec quelles ressources. Deuxièmement, le concept de densité du champ de bataille est essentiel pour comprendre comment l’escadron a accompli sa tâche. Troisièmement, le risque pour les forces de reconnaissance légères en fonction du rythme du combat met en évidence les défis liés à l’attribution à un élément relativement légèrement équipé un verbe de mission dramatique contre une force ennemie mécanisée lourde.

La situation

L’Ex MR 21 a vu deux affrontements successifs des groupements tactiques (GT) du 1er Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (1 PPCLI) et du 2 PPCLI dans le secteur d’entraînement Wainwright. Le GT ami pour chaque affrontement était largement en position de défense sous le commandement du QG du 1er Groupe-brigade mécanisé du Canada (1 GMBC). La brigade a assuré un contrôle supérieur et a conservé le commandement intégral de l’escadron de reconnaissance de la brigade, dont le front était de la même largeur que celui du GT. L’emploi de l’escadron correspondait à la fois à la définition de reconnaissance étroite et moyenne, puisqu’il était employé par une formation, mais qu’il fonctionnait strictement dans la zone d’intérêt du GT devant le peloton de reconnaissance intégral du GT.Note de bas de page 6 

La composition de l’escadron reflétait celle d’un « escadron de cavalerie légère », équipé principalement de VBTP avec quelques Coyotes et VBL 6.0. Toutefois, l’escadron a été organisé en trois troupes à six véhicules, chacune composée de trois patrouilles à deux véhicules. Il s’agissait d’une variante de l’organisation de l’escadron de reconnaissance de 2008 décrit dans Reconnaissance des forces de manœuvre terrestres. Cette répartition a donné à l’escadron la capacité de disperser de plus petites patrouilles sur toute la largeur du front plutôt que de rester concentré en troupes de quatre chars, comme le prévoit le concept de cavalerie.

Bien que l’OPFOR n’ait pas reçu de vrais Leopard 2, une compagnie d’OPFOR équipée de VBL 6.0 avait ses systèmes SEE programmés comme des T-90. L’explication la plus simple de la tâche et du problème auxquels l’escadron faisait face pendant l’Ex MR 21 est peut-être celle du commandant (cmdt). Le major Dan Gray explique :

[Traduction]

Notre tâche, qui devrait s’alourdir si nous faisons la transition vers la cavalerie, était d’identifier et de détruire la reconnaissance ennemie, d’identifier le corps principal (ce qui signifie que nous avons dû faire quelque chose avec la tête d’avant-garde et l’élément principal) et de détruire le complexe de reconnaissance et de frappe de l’ennemi. Tout cela devait être fait en limitant le plus possible les pertes des forces amies, car nous étions une ressource limitée et nous devions être en place pendant plus de 3 jours. Il ne s’agit pas de tâches qu’un VBTP ou une troupe de VBTP peut accomplir, particulièrement sur le terrain où nous opérions, où la seule couverture était les collines et de vallons sans arbres et avec une végétation limitée (les badlands). L’identification des éléments ennemis a été facile à faire avec les composants optiques du VBTP et les systèmes aériens miniatures sans équipage (MUAS) en couches successives, mais nous ne pouvions pas simplement attendre et laisser l’ennemi nous contourner, parce qu’ils nous auraient tués.Note de bas de page 7

L’escadron a reçu l’ordre d’accomplir une tâche pour laquelleil n’était tout simplement pas équipé ni n’avait les renforts requis, particulièrement lorsqu’il aurait pu faire face à des éléments d’une compagnie de T-90. Le commandant du 1 GMBC a ordonné à l’escadron de protéger la préparation de la zone défensive principale et, au besoin, de s’engager dans un combat rapproché embarqué. L’escadron a été chargé de profiter de toute occasion pour prendre l’initiative. Une considération essentielle de la mission était d’éviter un engagement décisif et de préserver la puissance de combat pour les tâches de suivi.

Pour résumer la situation, il faut tenir compte des éléments suivants : premièrement, le concept d’emploi du commandant de brigade pour l’escadron n’était pas différent de ce qui est proposé par le concept de cavalerie. L’Ex MR 21 offre donc un exemple d’environnement tactique où un escadron blindé de reconnaissance a été chargé de mener des tâches de sécurité tactique offensives semblables à ce que le concept de cavalerie prévoit pour les escadrons de cavalerie. Deuxièmement, la différence entre la conception de la force d’un escadron de concept de cavalerie et l’escadron utilisé pour l’Ex MR 21 est que le concept de cavalerie organiserait l’escadron en quatre troupes de quatre véhicules, ce qui éliminerait l’option d’effectuer des tâches à pied, et armerait les véhicules avec une capacité d’un MAC embarqué. L’expérience de l’Ex MR 21 sera l’occasion d’examiner les mérites de ces changements proposés.

Densité du champ de bataille

Le Brigadier General Curtis Taylor des É.-U., qui s’appuie sur sa propre expérience étendue de reconnaissance blindée, définit la densité du champ de bataille comme une mesure de la quantité d’énergie qu’une force de reconnaissance doit appliquer pour distinguer une menace de son environnement proche. Cette mesure est une combinaison d’obscurcissement du terrain et de capacités d’observation ennemies.Note de bas de page 9  Au cours de l’Ex MR 21, les opérations de l’escadron ont eu lieu dans un environnement où le facteur limitant clé pour les forces embarquées était la faible densité du champ de bataille. Pour les opérations se déroulant sur les terrains clairsemés de Wainwright contre une OPFOR équipée de viseurs thermiques, d’équipement de vision nocturne et de systèmes aériens sans équipage (UAS), un écran statique monté sur véhicule aurait été facilement repéré et aurait eu peu de chance d’engager concrètement l’ennemi pour réaliser l’intention du commandant du 1 GMBC. Au cours des tâches de contre-reconnaissance et de contrôle assignées à l’escadron, il était essentiel de ne pas se faire repérer jusqu’à ce qu’il se trouve dans le champ de tir antiblindé. La figure 1 illustre la relation linéaire de Taylor entre l’efficacité de la surveillance et la densité du champ de bataille.

La relation entre la densité du champ de bataille et la détectabilité. Bien que l’axe y porte le titre de plateformes de surveillance aérienne, le même concept s’applique à l’observation au sol. Photo : Curtis Taylor .
La relation entre la densité du champ de bataille et la détectabilité. Bien que l’axe y porte le titre de plateformes de surveillance aérienne, le même concept s’applique à l’observation au sol. Photo : Curtis Taylor.8

La figure 1 présente un exemple du lien entre la densité du champ de bataille et la détectabilité. La densité du champ de bataille fait référence à la quantité d'effort nécessaire pour distinguer la menace de son environnement. Le graphique illustre une corrélation linéaire inverse entre l'efficacité de la plate-forme de surveillance aérienne et la densité du champ de bataille, l'ennemi pouvant facilement être reconnu à distance, comme les divisions de la Garde républicaine au Koweït comme exemple d'efficacité de surveillance élevée et de faible effort. et l'ennemi se fondant dans l'environnement, comme Fedeyeen Saddam à An Nasiriyah comme exemple de faible efficacité et d'efforts élevés.

Un VBTP ou un VBL 6.0 est simplement trop visible sur le terrain des badlands de Wainwright pour éviter la détection. Naturellement, le personnel débarqué est beaucoup plus difficile à détecter, et l’utilité de cette différence ne peut être sous-estimée pour les forces de cavalerie. Stephen Biddle, professeur à l’Université de Columbia qui a servi dans des équipes d’évaluation stratégique en Iraq et en Afghanistan, a noté ce qui suit dans son analyse de l’opération ANACONDA en Afghanistan :

[Traduction]

[…] En mars 2002, un effort intensif de reconnaissance avant le combat a concentré tous les systèmes de surveillance et d’acquisition de cibles disponibles sur un champ de bataille de dix kilomètres sur dix. Cependant, moins de 50 pour cent de tous les postes d’al-Qaida ont finalement été identifiés […] En fait, la plupart des tirs reçus par les forces américaines lors d’ANACONDA provenaient de positions de combat initialement inconnues et imprévues d’al-Qaida.Note de bas de page 10 

Dans ce cas, la détection était difficile malgré la disponibilité de drones, de systèmes d’imagerie thermique et satellite. Biddle renvoie aux positions de combat débarquées de l’ennemi, pas aux véhicules. En ce qui concerne les véhicules, Biddle fait remarquer que les véhicules de combat des talibans et les armes collectives sur les flancs de colline à l’ouest de la rivière de Balkh pouvaient être repérés à partir des postes d’observation (PO) sur la ligne de crête de Koh-i-Almortak à une distance de 4 à 5 km.Note de bas de page 12   Cela est essentiel et démontre que les ressources de surveillance avancées pourraient facilement détecter les positions des véhicules ennemis, mais pas les positions débarquées de l’ennemi. 

Risque pour les forces de reconnaissance en tant que fonction du rythme

Taylor définit une autre mesure, le rythme, comme le taux d’action militaire ou la prise de décisions au combat. Un rythme plus rapide exige une action plus rapide de la part de la reconnaissance.Note de bas de page 13  Il y a un seuil pour la densité du champ de bataille et le rythme où la reconnaissance lente et furtive est possible. Les forces de reconnaissance ont besoin de temps et d’espace pour être efficaces contre les forces de manœuvre ennemies. Si la furtivité n’est pas une option en raison de la combinaison d’une faible densité de champ de bataille et d’un rythme élevé qui respectivement retire du temps et de l’espace, les forces de cavalerie doivent être prêtes à se battre pour réaliser leur mission.Note de bas de page 14  Cela pose un risque pour les forces de reconnaissance plus légères, comme le montre la figure 2 ci-dessus. 

 

Un tableau décrivant le risque pour la reconnaissance légère en fonction du rythme. Photo : Curtis Taylor .
Un tableau décrivant le risque pour la reconnaissance légère en fonction du rythme. Photo : Curtis Taylor14

La figure 2 est un graphique montrant une corrélation linéaire positive entre le tempo, le taux de prise de décision au combat et le risque pour les plates-formes de reconnaissance légères. Il a été démontré que le niveau de risque acceptable contraint un commandant à recourir à la reconnaissance furtive si le rythme dépasse un seuil, appelé ici « seuil de furtivité ».

Bien que Taylor ait exprimé ce concept dans le contexte de la collecte d’information dans les opérations offensives de reconnaissance, il en va de même pour la défense. Les forces légères, particulièrement celles qui sont débarquées, ne peuvent pas opérer sans grand risque d’être écrasées par un ennemi lourdement blindé avançant à un rythme élevé. La puissance de combat de l’ennemi a été jugée de loin supérieure à celle de l’escadron de reconnaissance. Même s’il possède d’excellents composants optiques, le VBTP n’a tout simplement pas la protection, la puissance de feu ou la mobilité nécessaires pour mener un combat mobile contre les chars. L’armement de 25 mm et la protection du VBL 6.0 et du Coyote ne sont pas beaucoup mieux. L’escadron était donc certainement un atout de reconnaissance léger par rapport à la puissance de combat du GT ennemi.

Le deuxième commandant de l’escadron, le Captain Thomas Gray des Royal Lancers [Queen’s Own] (R.-U.), a trouvé le nœud du problème auquel l’escadron faisait face. Dans son évaluation de la situation, l’escadron n’a disposé ni du temps ni de l’espace suffisants pour l’Ex MR 21 en raison du rythme de l’avancée de l’ennemi :

Si deux de leurs besoins clés (temps et espace) ne sont pas satisfaits, comment combattent-ils (les membres de l’escadron) pour offrir une visée aux forces terrestres? La réponse : une agressivité accrue au sein de la cavalerie. Le combat de contre-reco ne s’arrête pas à l’aveuglement de l’ennemi. Tout en étant extrêmement bénéfique pour les forces amies, la contre-reco ralentira aussi considérablement la force ennemie. Les escadrons de cavalerie auront ainsi le temps de se mettre au travail. Accessoirement, elle obligera la force ennemie à utiliser les UAS pour surveiller en amont, en donnant de l’information sur les itinéraires et la direction probables de l’ennemi.Note de bas de page 15

Les forces ennemies savaient que l’équipement de l’escadron de reconnaissance était léger, mais cette connaissance s’est retournée contre elles. Comme l’explique le capitaine Gray, [traduction] « après avoir effectué notre estimation, nous en sommes premièrement arrivés à la conclusion que leur reco (reconnaissance) serait légèrement appuyée, ce qui sauverait la majeure partie de leur puissance de combat pour leur force principale. Deuxièmement, nous avons supposé que leur reco ne pouvait pas effectuer une recherche détaillée et qu’elle rechercherait plutôt des itinéraires sécuritaires rapidement, sous blindage ». Ainsi, même si l’escadron s’attendait à ce que l’ennemi avance à un rythme élevé, les éléments initiaux de l’ennemi n’ont été que de petits groupes et la capacité de l’ennemi à distinguer une menace de son environnement était amoindrie.

Pour résumer le problème, l’escadron devait d’abord détecter l’ennemi sans être repéré, sur un champ de bataille à faible densité, en présence d’UAS ennemis. Ensuite, l’escadron devait supprimer les éléments principaux ennemis tout en préservant la puissance de combat amie pour les engagements subséquents. Enfin, l’escadron devait ralentir le rythme de l’ennemi pour qu’il corresponde à sa mobilité sur le champ de bataille ou utiliser des méthodes pour faire face au rythme de l’avancée de l’ennemi tout en maintenant le contact pendant le désengagement. Tout cela devait être accompli avec un grave déficit de capacité en tant qu’escadron doté principalement de VBTP faisant face potentiellement à un bataillon (-) équipé de chars de combat principaux. Toutefois, l’escadron a cerné le bon moment pour atteindre la parité locale par rapport aux éléments de reconnaissance ennemis, et l’efficacité de la surveillance ennemie pour les forces dissimulées a été faible.

DISCUSSION – QUE FAIRE? L’EXPÉRIENCE DE L’EXERCICE MAPLE RESOLVE 21

Compte tenu de cette analyse, le major Gray explique le plan d’action choisi par l’escadron :

[Traduction]

Notre solution était de créer des équipes de chasse aux chars (ECC) débarquées composées de quatre personnes munies de Carl Gustavs. Nous avions un accès limité aux ATV et à l’hélicoptère tactique pour le mouvement et l’infiltration, et ils avaient un plan de retour au poste d’observation le plus proche. Leur tâche était de détruire les éléments de reco et de tête d’avant-garde pendant qu’ils avançaient vers la ligne d’écran principale. L’ennemi avait fait son analyse et était à la recherche de Coyote et de VBTP (qui étaient faciles à trouver sur ce terrain), mais ne cherchait ni ne pouvait trouver de petites ECC bien placées. Ces équipes ont été extrêmement efficaces pour frapper l’ennemi avant d’être vues et ont causé de l’attrition, du chaos et un manque de connaissance de la situation (CS)/reco pour l’ennemi. Ces équipes ont été extrêmement efficaces : elles ont détruit plus de 30 véhicules au cours de l’exercice. Puisque nous avions des ressources limitées et que les équipes débarquées sont lentes de nature, il a fallu une analyse détaillée du terrain pour trouver les deux ou trois axes de manœuvre probables, c’est-à-dire où nous pourrions mettre en place les équipes.Note de bas de page 17 

L’emploi novateur d’équipes interarmes entre les soldats au sol et les véhicules modifie complètement l’estimation. Les petites ECC débarquées ont capitalisé sur leur furtivité pour piéger l’ennemi et ralentir temporairement son rythme. Comme l’a mentionné le capitaine Gray dans ses commentaires, le choc de rencontrer ces équipes et leurs effets destructeurs a permis d’obtenir une PERTURBATION (ou, dans certains cas, une SOLUTION localisée) suffisante pour ralentir l’avancée de l’ennemi d’une manière qui aurait été impossible pour les véhicules de l’escadron facilement repérables. L’agressivité et l’embuscade ont permis à l’escadron de dicter temporairement le rythme. À cela s’est ajoutée leur capacité à remonter dans les véhicules et à suivre le rythme général de l’avancée de l’ennemi. De cette façon, les ECC ont atteint un effet disproportionné en combinant une capacité débarquée lente et furtive à une capacité à bord rapide, mais détectable, à proximité, qui ne pouvait pas combattre efficacement de façon autonome. Les figures 3 à 5 donnent un aperçu d’un exemple de ces ECC en action pendant l’Ex MR 21.

Les capacités MAC montées sur véhicule que le CBRC cherche à améliorer ne seraient pas importantes pour aider à la lutte contre les chars ici non plus.Note de bas de page 18  Bien que le terrain soit ouvert et que les véhicules ennemis soient aussi relativement faciles à détecter en raison de la faible densité du champ de bataille, ils n’étaient pas faciles à engager, car le terrain accidenté offrait des possibilités de destruction fugaces. Les pages suivantes insistent sur ce point, à la figure 8. Il ne faut pas oublier que pour la plupart des systèmes MAC montés sur véhicule, la plateforme de tir doit être statique ou quasi statique, le temps d’acquisition est plus long que la pose d’un canon, les tirs sont lents, les munitions supplémentaires sont limitées et la signature de tir est proéminente. Il en va de même pour les MAC dans le rôle des soldats au sol. Cependant, à la portée, les équipes débarquées sont beaucoup moins visibles et plus difficiles à retourner contre un tir efficace.

Dans les figures 3 et 4 qui précèdent, noter les plages d’engagement indiquées. Les forces d’opposition sont presque jointes avant le début d’un engagement, certainement sous 1 000 m. Un engagement à longue portée, même avec des MAC montés sur véhicule, aurait du mal à entraîner une PERTURBATION, sans parler d’une SOLUTION ou d’un RETARD. Les lacunes du système d’arme TOW en dessous de 1 000 m sont bien documentées au sein de l’Armée de terre (voir la note de fin de texte).Note de bas de page 19  Dans ces rapports d’opérations et d’expériences scientifiques, la conclusion générale est que l’Armée de terre n’a pas une capacité efficace entre 400 m et 1 000 m pour détruire de façon fiable l’armement ennemi. Les chars de combat principaux sont naturellement exclus de cet énoncé. Les capacités des systèmes de tir et de missile TOW de 84 mm Carl Gustav laissent beaucoup à désirer en termes de létalité, de détectabilité et de rendement global.

Figure 3, 4
Figure 3 et 4

La figure 3 est une carte montrant la disposition au sol d'un escadron en bleu lors d'un exercice militaire de protection contre les efforts de sondage initiaux de l'ennemi en rouge, avec des équipes de chasseurs de chars (THT) débarquées devant les véhicules le long d'un seul axe d'avancée attendu.

Comme le montre la figure 4, les THT ont engagé des forces ennemies qui tentaient de pénétrer dans la ligne d'écran en deux points, avec un effet dévastateur. Les véhicules ennemis avec des frappes noires indiquent leur destruction. Le THT débarqué au nord s'est engagé à réparer le peloton ennemi, conduisant l'ennemi à se déployer pour combattre, tandis que le THT au sud a détruit l'ennemi. Notez également les faibles pertes amicales.

 

Les chefs de troupe ont eu une grande liberté sur la façon d’utiliser leurs ECC, ce qui leur a permis d’adapter leur emploi aux circonstances sur le terrain. Dans certains cas, les chefs de troupe ont choisi de les placer près de leurs PO pour fournir des capacités supplémentaires de tir direct antiblindés, alors que d’autres ont poussé leurs ECC plus loin vers l’avant comme élément distinct. Pour le capitaine Scott Veale, un chef de troupe de l’escadron, la valeur réelle était la puissance de tir supplémentaire pour augmenter la capacité des patrouilles. Les opérateurs de surveillance qui auraient pu autrement rester inactifs pendant le combat ont été combinés à partir de chaque équipage pour former une ECC.Note de bas de page 20  Dans tous les cas, les ECC elles-mêmes ont eu une grande liberté de placer leurs postes. Notamment, les officiers du CBRC ne sont pas formés à l’emploi d’armes antiblindés débarquées. Le compte rendu de décision pour l’ébauche de la norme de qualification du nouveau cours sur les chefs de troupe contient deux questions importantes : allons-nous maintenir des armes antiblindés portatives dans le Corps? Et dans un contexte de reconnaissance, les armes antiblindés (débarquées) ont du sens; pour la restructuration du corps (au concept de cavalerie), cela a-t-il un sens?Note de bas de page 21  Étant donné l’expérience de l’Ex MR 21, la réponse aux deux questions devrait être un « oui » retentissant.

Une capacité robuste débarquée équipée d’armes antiblindés n’est qu’une partie de l’équation. L’utilisation de capteurs intégrés au niveau de la troupe, plus particulièrement les MUAS, a été essentielle pour s’assurer que les équipes étaient placées le long de l’axe d’avancée ennemi. Bien que l’analyse du terrain permette une répartition grossière des ECC, le MUAS s’est assuré qu’ils étaient ajustés avec précision. Selon la capitaine Alex Schofield, une chef de troupe de l’escadron pendant l’Ex MR 21, « nous avions remarqué que les GT se massaient dans les zones d’attente, puis avançaient rapidement le long de routes faciles à suivre. Nous avons été en mesure de combiner les flux du MUAS pour trouver les cibles et les définir – en fonction de cette information, l’équipe (de chasse aux chars) se déplacerait vers un nouvel emplacement s’il était suffisamment proche/possible. Le MUAS s’est avéré essentiel à cette exécution ».Note de bas de page 22  Elle a ajouté que le MUAS était si important pour le succès de cette tactique que les troupes ont coordonnée pour assurer une couverture presque constante du front de la ligne lorsque d’autres devaient atterrir aux fins de recharge.Note de bas de page 23 

Pour un escadron de cavalerie opérant de façon autonome, l’appui-feu indirect, ou l’absence de cet appui-feu, est une autre considération importante. La doctrine est sans équivoque : le tir indirect est essentiel à la contre-reconnaissance et, en fait, à la quasi-totalité des opérations entreprises par les forces de reconnaissance. C’est particulièrement le cas lorsque l’escadron n’est pas équipé d’autres armes de manœuvre.Note de bas de page 24  L’examen de l’analyse après action (AAR) effectuée par le personnel du Centre canadien d’entraînement aux manœuvres (CCEM) et illustrée dans les figures 5A et 5B montre les difficultés auxquelles les éléments de cavalerie font face sans une capacité de tir indirect bien intégrée. À l’aide de l’heure du premier contact à la figure 4, on peut calculer que 21 minutes s’écoulent entre les forces ennemies se trouvant à moins de 100 m de l’ECC et les premiers coups qui tombent à la figure 5A. Sans surprise, ce n’est pas efficace, comme il est indiqué dans l’AAR, en raison du temps nécessaire pour que les canons reçoivent l’information et tirent, et en raison du rythme rapide de l’avancée de l’ennemi. La deuxième mission de tir, 10 minutes plus tard, illustrée à la figure 5B, a été couronnée de succès puisque, à ce moment-là, les éléments ennemis avaient été fixés. La solution actuelle pour un escadron de reconnaissance de brigade opérant vers l’avant est d’attacher un officier observateur avancé (OOA) et de désigner une source dédiée de tirs indirects de brigade. Toutefois, un escadron de cavalerie utilisé comme élément de manœuvre régulière dans un groupe de brigade peut ne pas avoir le luxe d’un soutien dédié provenant de ressources indirectes limitées en tout temps.

Figures 5A et 5B, affichées côte à côte
Figures 5A et 5B, affichées côte à côte

Les figures 5A et 5B montrent les résultats des missions de tir du même exercice aux figures 3 et 4. Dans 5A, une mission de tir initiale est inefficace en raison du mouvement des véhicules ennemis après avoir été envoyés aux canons, et les forces bleues entament un retrait. sous contact. En 5B, une mission de tir est plus efficace car les véhicules ennemis se sont arrêtés pour engager le THT et ont déployé des débarquements pour dégager la position du THT.

Veuillez noter la capacité de tir indirect intégral, l’OOA et même un analyste du renseignement militaire attaché dans l’ordre de bataille (ORBAT) illustré à la figure 6. L’une des principales observations de l’escadron de reconnaissance attaché à l’Op ATHENA Roto 1-08 était qu’au moins un analyste du renseignement formé devrait être intégré au quartier général de l’escadron pour fournir du soutien.Note de bas de page 25  Bien que cela ne soit peut-être pas aussi essentiel que l’ajout de tirs indirects organiques, c’est un autre exemple de l’importance des éléments habilitants que notre allié prééminent croit qu’un escadron de cavalerie a besoin pour qu’il puisse remplir son rôle avec succès. Par extension, ces éléments habilitants organiques pourraient être ce qui différencie réellement un escadron de cavalerie du CBRC d’une compagnie d’infanterie mécanisée équipée de façon similaire à l’aide du VBL 6.0.

Organisation d’une troupe de cavalerie américaine (équivalent à un escadron canadien). Photo : U.S. Army
Figure 6 : Organisation d’une troupe de cavalerie américaine (équivalent à un escadron canadien). Photo : U.S. Army26

La figure 6 montre l'organisation d'une troupe de cavalerie américaine (équivalente à un escadron canadien). Les symboles tactiques de l'OTAN sont utilisés pour représenter un peloton de cavalerie, une section antichar lourde mécanisée ainsi qu'une section de soutien contenant :

  • un médecin et un spécialiste du renseignement militaire du quartier général et de la troupe du quartier général
  • un observateur d'artillerie de campagne du bataillon d'artillerie de campagne

Les tireurs d’élite sont un autre élément clé qui pourrait être disponible pour les escadrons de cavalerie. Même si les tireurs d’élite amis détachés du GT opéraient le long de la même ligne d’écran, la brigade les affectait sous contrôle tactique (TACON) à l’escadron.Note de bas de page 27  Cette relation de commandement signifiait que l’escadron pouvait seulement coordonner son mouvement et non assigner des missions ou des tâches. Bien qu’il ait été affecté à des rôles presque identiques dans le plan de collecte du renseignement de la brigade, l’escadron n’a pu contrôler les tireurs d’élite d’aucune façon, sauf pour la coordination des mouvements et de l’emplacement, afin de leur permettre d’accomplir leurs tâches.Note de bas de page 28  L’intégration de ces troupes au sein de l’escadron serait semblable à la pratique de la cavalerie américaine au sein des équipes de combat de la brigade d’infanterie, où chaque troupe (équivalente à un escadron canadien) contient une section de tireurs d’élite de trois détachements – identique aux tireurs d’élite affectés à l’escadron pendant l’Ex MR 21.Note de bas de page 29  Dans la doctrine de la cavalerie américaine, le rôle du tireur d’élite est de fournir un tir de précision et aussi [traduction] « d’observer, de recueillir et de fournir de l’information critique et détaillée. Par exemple, les tireurs d’élite fournissent une surveillance pendant une partie débarquée de la reconnaissance de zone ou ajoutent de la profondeur à un écran sur un terrain complexe ».Note de bas de page 30  Il ne fait aucun doute que l’escadron aurait fait un excellent usage de la capacité supplémentaire alors qu’il était déployé pendant un écran sur le terrain complexe des badlands de Wainwright.

Le capitaine Scott Veale mentionne que les tireurs d’élite qui opèrent dans la même zone ont fourni une capacité utilitaire en fournissant une définition précise de l’ennemi et en maintenant le contact par l’entremise d’éléments dépassés, bien que le capitaine van Heerden ait déploré le fait que les tireurs d’élite étaient seulement affectés au TACON.Note de bas de page 31  Même si les rapports des tireurs d’élite ont contribué à la connaissance de la situation de l’escadron, l’incapacité de l’escadron à orienter la façon d’accomplir leur mission, combinée à l’exigence d’appuyer leur insertion, signifiait qu’ils étaient un fardeau plus qu’un atout. S’ils avaient été affectés sous contrôle opérationnel (OPCON), ce qui signifie que l’escadron aurait pu leur attribuer des tâches limitées, ou qu’ils avaient été organiques à l’escadron, leur emploi aurait pu être mieux intégré dans le schème de manœuvre de l’escadron.Note de bas de page 32 

Recommandations – vers l’avenir

Le CBRC fait maintenant face à la question de savoir si les escadrons de cavalerie seront suffisamment dotés de ressources pour remplir leurs nouveaux rôles ou s’ils se retrouveront dans une situation similaire à celle de l’escadron de l’Ex MR 21. Cette sous-unité était équipée et dotée de ressources pour le dépistage et la surveillance, mais elle a demandé d’effectuer les tâches d’un élément de manœuvre de combat. Sans changements au concept de cavalerie, reconnaissant à la fois le besoin de débarquer et le fait que toutes les tâches ne sont pas indépendantes de la plateforme, les futurs escadrons auront des expériences très similaires. Comme l’illustrent les arguments ci-dessus, le nombre de véhicules dans une troupe ou une patrouille n’aurait presque pas eu d’effet sur le résultat de la bataille en raison de la pénurie générale de capacités. L’escadron a subi de lourdes pertes tout au long de l’exercice, mais, sans l’utilisation créative d’ECC débarquées en synergie avec les MUAS et le tir indirect, [traduction] « cela aurait été deux à trois fois pire, et nous n’aurions pas fait de meurtre », dans l’évaluation du cmdt.Note de bas de page 33  

Équiper les escadrons de cavalerie avec des armes de tir direct lourdes comme un AMX-10RC ou un Centauro, comme cela a été proposé au sein du CBRC, permettrait de combler le déficit de tir direct monté, mais pas le manque de capacité débarquée et l’incapacité de dissimuler de gros véhicules sur un champ de bataille à faible densité. Dans tout environnement où les véhicules seraient facilement observés à partir de systèmes d’observation terrestre et de systèmes aériens sans équipage, avoir des véhicules plus lourdement armés n’est pas nécessairement la solution et n’est pas réaliste, étant donné que le VBTP et le VBL 6.0 viennent d’être achetés. Bien que des véhicules plus lourds destinés au combat puissent mieux faire face à des opérations soutenues à haut rythme, leur utilisation dans une ligne d’écran est douteuse, étant donné le manque général de forces lourdes dans l’Armée canadienne. L’allocation des ressources est à somme nulle; un commandant serait imprudent d’engager ses forces décisives dans ce qui devrait être une tâche d’économie d’effort, ce qui mène au « paradoxe de la reconnaissance tel que défini par John J. McGrath dans son étude « Scouts Out! », et illustré à la figure 7 ci-dessous.

Le paradoxe de la reconnaissance. Photo : John McGrath
Figure 8 : Le paradoxe de la reconnaissance. Photo : John McGrath34

La Figure 7 illustre le concept du paradoxe de la reconnaissance. Dans ce paradoxe, lorsque les forces sont considérées comme trop légères et non viables, elles ne sont pas utilisées car les commandants choisissent des unités alternatives pour la reconnaissance. Pour contrer cela, des équipements plus lourds sont ajoutés. En revanche, si les unités de reconnaissance sont jugées trop lourdes, les commandants hésitent à les restreindre uniquement aux rôles de reconnaissance ou de sécurité en raison de leur puissance de combat significative, ce qui entraîne des plaintes d'utilisation inappropriée. Pour remédier à cela, les équipements plus lourds sont retirés, rendant la force plus légère.

L’expérience de l’auteur, en tant que chef de troupe de chars Leopard 2 au cours du même exercice, a démontré que les véhicules plus lourds ne sont pas la solution. Il était affecté à une compagnie d’infanterie ZuluNote de bas de page 35  de VBL 6.0, et le manque de soldats au sol disponibles lorsqu’il a été envoyé dans une ligne de garde dans les terrains de Wainwright a été vivement ressenti. Bien que le Leopard 2 et le VBL 6.0 fournissent une puissance de tir direct importante, le défi principal était d’observer et de s’engager à approcher les forces ennemies sans être détecté et engagé au préalable. Un seul soldat débarqué avec des jumelles sur une crête aurait radicalement modifié la conduite de cette mission, sans parler de l’intégration d’ECC intégrées avec des armes antiblindés. À plusieurs reprises, les débarquements ennemis ont pu s’infiltrer dans la ligne, et les véhicules ennemis ne pouvaient pas être engagés avant le dernier moment par la recherche minutieuse d’un itinéraire en défilade. La figure 8 l’illustre en détail du point de vue de l’escadron de reconnaissance. À noter, les véhicules ennemis en défilade au centre de l’image, à moins de 1,2 km de la ligne de l’écran. Malgré la faible densité du champ de bataille et le manque de végétation, le terrain vallonné a rendu les engagements très difficiles à poursuivre. Un examen approfondi de l’intégration organique de l’infanterie au sein d’un escadron de chars dépasse la portée du présent article, mais cet exemple montre que les véhicules plus lourds ne peuvent à eux seuls compenser le manque de capacité débarquée. Le CBRC doit réintroduire une capacité débarquée pour les escadrons de cavalerie.

Une façon de résoudre la question de la disponibilité et de la réactivité des tirs indirects abordée dans la section précédente est d’intégrer une source de tirs indirects dans l’escadron de cavalerie. Cela existe dans les escadrons de cavalerie américains avec mortiers organiques de 120 mm (voir la figure 6). Bien qu’il y ait une myriade de facteurs qui influent sur la réactivité du tir indirect, une ressource dédiée assurerait également un soutien continu à la demande pour l’escadron, peu importe où il est utilisé. La figure 9 montre une ECC débarquée qui force le déploiement de la tête d’avant-garde ennemie à partir de la ligne de marche, interrompant temporairement l’avancée du bataillon ennemi (-).Note de bas de page 36  La colonne est ensuite frappée en profondeur. Fournir un actif indirect organique permettrait de s’assurer que ce scénario est répétable, peu importe la distance des batteries conventionnelles derrière la zone défensive principale. De plus, l’utilisation de ressources organiques pour l’escadron empêcherait de démasquer les précieuses ressources d’artillerie tubulaire de la brigade. Le CBRC doit enquêter sur l’intégration des ressources indirectes organiques dans les escadrons de cavalerie.

Figure 8 et 9
Figure 8 et 9

Figure 8 : Superposition de ligne de visée générée par ordinateur de ce qu'une section de la ligne d'écran issue de l'exercice des cartes précédentes pouvait observer et sur laquelle tirer. Crédit : CMTC.

Figure 9 : Après le déploiement du bataillon d'avant-garde ennemi contre l'équipe de chasseurs de chars, l'élément de reconnaissance s'échappe vers le nord et une mission de tir efficace appelée depuis l'OP de troupe frappe la colonne en profondeur. Crédit : CMTC, avec modifications pour mise en évidence par l'auteur.

Si elles sont équipées des armes appropriées, les ECC débarquées ont aussi le potentiel d’être beaucoup plus puissantes que leurs capacités actuelles ne le suggèrent. L’exercice FUSILIER RECIPROQUE a été étudié par Recherche et développement pour la défense Canada afin de déterminer la capacité antiblindé de l’infanterie en l’absence de soutien aérien et de chars de combat principaux. Sans surprise, l’étude a permis de constater les mêmes lacunes relevées dans les systèmes de missiles Carl Gustav et TOW, mais elle a également mis à l’essai l’attribution de mines C14 « hors route » télécommandées propulsées par fusée et à détonation commandée, et des mines antichars magnétiques traditionnelles.Note de bas de page 37  Comme prévu, ils ont tous deux renforcé considérablement les capacités antiblindés de l’infanterie à pied, mais ne sont actuellement disponibles que pour les ingénieurs de l’Armée canadienne.Note de bas de page 38  Le CBRC doit fournir aux soldats de cavalerie débarqués la possibilité d’utiliser les mines sur et hors route pour accroître l’efficacité et la ténacité de l’escadron.

Les armes antiblindés à la disposition des escadrons de cavalerie doivent également être mises à jour. Déployé avec le Carl Gustav pour l’Op IMPACT, le Régiment d’opérations spéciales du Canada a trouvé l’arme inappropriée au combat au-delà de 300 m.Note de bas de page 39  L’énoncé subséquent des exigences pour obtenir un remplacement indiquait clairement que le système d’arme TOW était tout aussi inapproprié en raison de son immobilité lorsqu’il n’était pas monté sur un véhicule. Au lieu de cela, les systèmes Javelin et Spike ont été suggérés pour leur portabilité, leur létalité et, peut-être plus important encore, leur capacité d’autonomie après tir.Note de bas de page 40  Cette capacité permettrait aux soldats de la cavalerie d’être exposés pendant un minimum de temps avant de retourner à l’abri et aurait sans doute modifié le calcul de l’expérience de l’escadron lors de l’Ex MR 21. Bien que cet article ait exploré certaines considérations pour les armes antiblindés, l’essentiel de l’argument est largement indépendant de l’arme si l’escadron possède une capacité antiblindé organique qui peut être dirigée au moins par des soldats débarqués et lorsqu’elle est montée dans des véhicules comme une précision. Le CBRC doit prioriser l’acquisition de ces armes pour les utiliser dans des rôles démontés et, si possible, montés.

Bien que les systèmes de tir direct MAC accompagnent la cavalerie depuis la création du BMP-1 et du M2 Bradley, une solution réellement tournée vers l’avenir explorerait l’ajout de missiles à observation indirecte (NLOS) et de munitions de manœuvre, ce qui réduirait davantage la signature des éléments avant démontés tout en maintenant, sinon en augmentant, leur létalité. Une analyse détaillée de ces capacités dépasse certainement la portée de cet article. 

CONCLUSION

Thomas Friedman a dit qu’une vision sans ressources est une hallucination; de même, un escadron de reconnaissance réorganisé sans capacités organiques solides n’est pas un escadron de cavalerie d’une quelconque façon, mais un nom tout simplement. Nous avons examiné le problème auquel l’escadron de reconnaissance du LDSH (RC) faisait face, sa façon de s’adapter pour exécuter la tâche, et enfin, la manière d’intégrer et de tirer profit des leçons de l’Ex MR 21, et il devrait maintenant être clair que des changements structurels doivent être apportés aux capacités de la cavalerie de l’Armée canadienne pour que celle-ci fonctionne comme le CBRC le prévoit. Les capacités des escadrons de chars et des escadrons de cavalerie ne sont pas les mêmes, ni leurs rôles optimaux sur le champ de bataille : la doctrine de cavalerie ne doit pas être indépendante de la plateforme. Bien qu’il y ait certainement des tâches tactiques qui sont complémentaires, tenter d’imposer une structure universelle redondante rendrait la cavalerie incapable de produire des effets décisifs sur le champ de bataille avec l’économie de force cruciale. 

Cet article était principalement axé sur l’utilisation ad hoc de l’escadron de reconnaissance du LDSH (RC) d’équipes antiblindés débarquées au cours de l’Ex MR 21, démontrant clairement l’utilité des forces débarquées pour un escadron de cavalerie. Bien que l’Ex MR 21 ait mis en évidence les lacunes d’une doctrine de non-dépendance à une plateforme qui emploie le VBTP dans un rôle de cavalerie, l’expérience a également démontré que des véhicules plus performants ne sont pas la bonne solution. Les opérations à rythme élevé nécessitent l’utilisation de véhicules; toutefois, leur vulnérabilité à la détection dans des environnements à faible densité de champ de bataille expose une place où des soldats débarqués sont nécessaires pour qu’un escadron soit efficace. De plus, le CBRC doit éviter le « paradoxe de la reconnaissance » en créant uniquement des forces de cavalerie très équipées qui seraient mieux utilisées comme éléments de manœuvre de combat standard. Les avantages des tirs indirects organiques et de l’intégration du MUAS au niveau le plus bas ont également été abordés, et le CBRC doit faire pression pour ces capacités au sein des escadrons de cavalerie. Le CBRC doit certainement poursuivre l’acquisition de systèmes antiblindés, même s’il peut être utilisé à la fois dans des rôles démontés et montés. Bien que des systèmes de tir direct plus avancés soient une aubaine, le CBRC ne doit pas négliger d’explorer l’acquisition de mines, de missiles NLOS et de munitions déversées pour obtenir le même effet. 

À PROPOS DE L’AUTEUR

Le capitaine Miles Smith a servi comme chef de troupe de chars dans l’Escadron A, Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians), pendant l’Ex MR 21. Il est actuellement affecté au Programme des officiers d’état-major technique de l’Armée de terre pour étudier le développement des capacités au Collège militaire royal du Canada.

Cet article a été publié pour la première fois dans l’édition d’avril 2024 du Journal de l’Armée du Canada (20-2).

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