Le 2S35 Koalitsiya-SV, la robotique et l’avenir de la modernisation de l’artillerie russe

par M. Lester W. Grau Ph. D. et M. Charles K. Bartles Ph. D.

INTRODUCTION

Les Forces armées russes mettent beaucoup plus l’accent sur l’artillerie, ou le « Dieu de la guerre », que les autres armées. Alors que l’Occident déplace les efforts consacrés à l’artillerie et à d’autres aspects conventionnels de la guerre en faveur de la contre-insurrection, la Russie poursuit la modernisation de l’artillerie, en fonction de ses ressources économiques. La guerre en Ukraine a prouvé l’adage que l’armée russe est une armée d’artillerie avec des chars : la Russie a misé lourdement sur l’artillerie et peu sur les manœuvres. L’Ukraine, qui a perdu beaucoup de pièces d’artillerie au cours des premiers mois du conflit, a été incapable de les remplacer et a dû les substituer à un grand nombre de membres du personnel. Dans ce conflit, la reconnaissance de l’artillerie est passée principalement de la reconnaissance terrestre à la reconnaissance terrestre, aérienne et spatiale et au ciblage très précis. L’artillerie doit tirer et se déplacer rapidement pour survivre. Le Canada, comme les autres membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, se préoccupe de la sécurité européenne et de la façon de la gérer. Les planificateurs de la défense du Canada composent avec ces problèmes changeants et envisagent les systèmes d’artillerie existants et futurs dans le cadre de la solution.

Comme beaucoup d’autres pays, la Russie considère maintenant le rôle de la robotique dans les forces armées. Bien que la Russie ait intégré tardivement les véhicules aériens sans équipage (UAV), elle a depuis fait des progrès importants et a été la première à employer avec succès des UAV à des fins d’artillerie. Étant donné l’intérêt marqué de la Russie pour l’artillerie et la robotique, il n’est pas surprenant qu’elle ait intégré la technologie robotique à sa toute dernière plateforme d’artillerie de premier plan, le 2S35 Koalitsiya-SV, au moyen d’un chargement automatique, d’une tourelle sans équipage et d’un module d’armes externes télécommandé. Le T-62 soviétique était le dernier char russe à avoir un équipage de quatre personnes. L’introduction d’un chargeur automatique robotisé a éliminé le travail du chargeur, et les équipes de chars subséquentes étaient composées de trois personnes. Les robots qui soutiennent la tourelle sans équipage à chargement automatique du 2S35 devraient permettre une réduction de la taille de l’équipage. La Russie envisage également des moyens efficaces d’utiliser la technologie robotique pour soutenir le 2S35 en utilisant des UAV et des véhicules terrestres sans équipage (UGV) pour fournir la reconnaissance et le soutien logistique pour les tirs du 2S35. Au début de juillet 2022, des médias publics russes ont affirmé que la Russie a introduit le 2S35 dans la guerre en Ukraine, bien que le développement ne soit pas étayé par des sources crédibles au moment de la rédaction.Note de bas de page 1 

Cet article, fondé principalement sur les informations publiées dans les revues de défense russes avant les combats actuels en Ukraine, décrit les capacités présumées du 2S35, la structure actuelle des unités d’artillerie russe, et comment la communauté de l’artillerie russe envisage les changements structurels futurs de ces unités afin d’utiliser au mieux le 2S35 et la robotique. Il est important de noter que le 2S35 Koalitsiya n’est pas encore utilisé pour le combat en Ukraine. Cela peut être dû au fait que la Russie n’a qu’une batterie de 2S35 qui fait encore l’objet de tests afin de déterminer les capacités du système et de déterminer les bogues restants et comment le 2S35 peut être intégré au mieux dans la force. De plus, l’Ukraine aurait capturé de nombreux systèmes d’armes russes entièrement intacts. La capture d’un 2S35 intact serait une aubaine pour le renseignement occidental et un embarras public majeur pour la Russie.

HISTOIRE DU PROGRAMME KOALITSIYA

Bien que les Soviétiques aient produit plusieurs obusiers automoteurs de 152 mm (y compris le 2S3 Akatsiya, le 2S5 Giatsint-S et le 2S19 Msta-S), leurs caractéristiques étaient considérées comme inférieures à celles des systèmes d’artillerie automotrice qui ont été mis en service, ou devraient être mis en service par des armées étrangères, comme le Crusader (États-Unis), le PzH 2000 (Allemagne), le AS90 (Royaume-Uni) et le K9 (Corée du Sud). Pour remédier à cette situation, la Russie a mis en place des plans au début des années 1990 pour créer un système d’artillerie autopropulsée à tir rapide de 152 mm à utiliser dans l’artillerie à l’échelon divisionnaire. Le système serait spécifiquement conçu pour attaquer le personnel et détruire les armes nucléaires tactiques, les batteries d’artillerie et de mortier, les chars et autres véhicules blindés, les armes antichars, les ressources de défense aérienne et antimissile, les points de contrôle et les fortifications de campagne, et pour entraver les réserves dans la profondeur défensive de l’ennemi.Note de bas de page 2 

Comme l’Institut central de recherche scientifique de Burevestnik (TsNII Burevestnik) [Центральный научно-исследовательский институт (Буревестник)], situé à Nijni Novgorod, est le principal concepteur des systèmes d’artillerie à tube pour les Forces armées russes, il a été chargé de concevoir le projet. En même temps, l’usine de machines de transport de l’Ural (Uraltransmash) [Уральский завод транспортного машиностроения (Уралтрансмаш)], à Yekaterinburg, était responsable de la fabrication. Les deux entités ont finalement été subordonnées à UralVagonZavod [УралВагонЗавод] à Nijni Tagil, la même société qui produit le T-14 Armata de production limitée. En 2016, UralVagonZavod a été intégrée à la Société d’État pour l’aide au développement, à la production et à l’exportation de produits industriels de technologie avancée (Rostec) [Государственная корпорация по содействию разработке, производству экспорту высокотехнологичной промышленной продукции (Ростех)].Note de bas de page 3 

Dès le début du projet, l’obusier a été envisagé comme ayant une tourelle sans équipage, puisque TsNII Burevestnik effectuait déjà des recherches sur les modules d’armes sans équipage. Toutefois, en raison de la crise économique russe des années 1990, le projet n’a pas atteint son plein rythme avant le début des années 2000. Le nom éventuel du projet, la Koalitsiya ou la Coalition peut être retracé au TsNII Burevestnik. La Main Missile and Artillery Directorate of the Ministry of Defence of the Russian Federation (MMAD MD RF) a probablement utilisé ce nom parce que le système était destiné à être utilisé par une « coalition » d’organisations du ministère de la Défense, y compris les forces terrestres et l’artillerie de défense côtière, et est même envisagé pour une utilisation sur les navires de la marine.Note de bas de page 4  Le prototype mis au point pour le projet était un obusier Msta-S fortement modifié avec un canon double unique, superposé. Apparemment, le prototype a été jugé irréalisable et a été abandonné en faveur d’une conception plus conventionnelle en 2010.Note de bas de page 5  Le MMAD a affiné ses directives en demandant au TsNII Burevestnik de développer des variantes à chenilles et à roues d’un obusier Koalitsiya à canon unique et d’un véhicule de transport-chargeur sur roues (TZM) pour les soutenir. En date du 9 mai 2015, Uraltransmash avait produit le premier lot de ce qui allait être connu sous le nom d’obusiers automoteurs 2S35 Koalitsiya-SV (2С35 Коалиция-СВ). Bien qu’il y ait eu quelques modifications importantes aux composantes internes du 2S35, l’apparence externe a peu changé depuis la mise en service initiale. En 2020, les variantes à roues et remorquées étaient en cours d’essai.Note de bas de page 6  Cette capacité doit être montée sur une variété de véhicules à chenilles et à roues, ce qui suggère que le Koalitsiya-SV suit le même modèle de conception que les autres véhicules de combat militaires russes. Il s’agit probablement d’une innovation avancée au profit du ministère de la Défense russe, mais aussi d’un argument de vente sur le marché international lucratif des exportations d’armes. En 2016, il a été annoncé que dix 2S35 seraient mis à l’essai sur le terrain dans la 1re Armée de chars du district militaire de l’Ouest.Note de bas de page 7 

CAPACITÉS DU 2S35 KOALITSIYA-SV

Armement

La caractéristique la plus impressionnante du 2S35 est peut-être la tourelle sans équipage. La Russie a déjà beaucoup d’expérience avec les autochargeurs en chars, à partir du T-64 (également produit par UralVagonZavod), mais ce sera le premier système d’artillerie russe avec un chargeur automatique et une tourelle entièrement sans équipage. Cela offre plusieurs avantages, notamment une vitesse de tir plus rapide, la capacité de stocker plus de munitions et un poids réduit. Le 2S35 pourrait tirer jusqu’à 16 projectiles par minute et stocker jusqu’à 70 projectiles à l’intérieur. Il s’agit d’une amélioration importante de la capacité par rapport à la dernière modification de l’obusier automoteur 2S19 Msta-S de taille similaire. Le 2S19M2 a une vitesse maximale de tir de 10 projectiles par minute et peut stocker jusqu’à 50 projectiles. Le rythme de tir du Koalitsiya-SV est si rapide que le major-général Alexander Dragovalovsky, commandant adjoint des troupes de missiles et d’artillerie, a déclaré qu’« un seul fusil automoteur Koalitsiya-SV équivaut à une batterie d’artillerie complète. »Note de bas de page 8  Bien que la déclaration de Dragovalovsky soit sans aucun doute exagérée, les caractéristiques améliorées sont certainement supérieures de façon quantitative à celles des obusiers russes contemporains. Dmitriy Semizorov, le directeur général d’Uraltransmash, offre une comparaison plus réaliste des capacités du 2S35 avec celles d’analogues étrangers : [traduction] « par la portée du tir, de 1,3 à 1,7 fois, la précision du tir, de 1,5 à 3 fois, la vitesse du tir, de 1,5 fois, et le temps nécessaire pour accomplir la mission de combat, de 1,5 à 3 fois. »Note de bas de page 9 

Le système de chargement du 2S35 traite les charges et les projectiles séparément, ce qui permet au système de conduite de tir de choisir la meilleure combinaison de charges et de projectiles pour la mission, et comprend un système de refroidissement liquide pour le canon afin de faciliter le rythme de tir plus élevé.Note de bas de page 10  Ce système de chargement alimente un canon 2A88 équipé d’un système d’allumage par micro-ondes qui assure une détonation uniforme de la charge propulsive afin d’augmenter la vitesse et la précision de la bouche. Ce système peut utiliser des projectiles traditionnels de 152 mm et une nouvelle famille de projectiles conçus spécifiquement pour le 2S35. En plus des projectiles conventionnels, le 2S35 peut également utiliser la technologie de purge de base et de projectiles à propulsion assistée (RAP). Il y a eu une certaine combinaison dans le signalement de la portée du 2S35 en ce qui concerne l’utilisation de ces différentes technologies, mais une portée de 29 km pour les projectiles traditionnels de 152 mm, de 40 km pour les projectiles à purge de base et de 100 km pour les projectiles RAP semble raisonnable.Note de bas de page 11  Le Koalitsiya-SV peut tirer plusieurs projectiles en succession rapide et, en faisant varier la trajectoire du canon, les faire arriver simultanément sur la cible, une capacité connue sous le nom de multiples coups à impact simultané (MRSI). Selon divers rapports de médias de masse en Russie, Janes a évalué que le 2S35 pourrait au moins mener un MRSI à huit coups à une portée de 30 km.Note de bas de page 12  Le 2S35 est capable de tirer une vaste gamme de munitions, y compris des projectiles HE-FRAG, des projectiles en grappes avec des sous-munitions antichars, des brouillages de guerre électronique (GE) et des munitions à guidage par la navigation par satellite.Note de bas de page 13 

La technologie robotique se trouve non seulement dans le 2S35, mais aussi sur celui-ci. Le 2S35 est équipé d’un module de tourelle télécommandée (DUBM) 6S21 (дистанционно управляемых модулей вооружения [ДУМВ]), également conçu par TsNII Burevestnik. Cette tourelle montée sur le toit et commandée à distance est dotée d’une mitrailleuse KORD de 12,7 mm avec des vérins de guidage, un télémètre laser, une télévision en circuit fermé pour la visée et la connaissance de la situation, et 200 munitions.Note de bas de page 14   L’équipement du 2S35 avec un DUBM est conforme aux tendances actuelles dans les Forces armées russes pour les placer sur les systèmes d’armes de grande taille (comme les obusiers et les chars) comme armes secondaires et sur les véhicules blindés de transport de personnel, les voitures blindées et les véhicules de soutien comme système d’armes principal. Les DUBM sont considérés comme bénéfiques non seulement pour la protection de l’équipage, mais aussi du point de vue du renseignement, de la surveillance et de la reconnaissance (RSR), puisqu’ils sont équipés d’une variété de capteurs qui dépassent de loin les capacités des yeux et des oreilles humains d’une tourelle bâtie. Un autre avantage est que les DUBM comme le 6S21 peuvent engager des aéronefs à basse altitude et à basse vitesse et des UAV. Bien que le modèle 62S1 n’ait pas été utilisé pendant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, d’autres DUBM, comme le Arbalet-DM monté sur le Tigr-M, sont régulièrement vus.Note de bas de page 15 

Conduite de tir

Peu d’information a été diffusée sur le système de conduite de tir du 2S35. Néanmoins, il s’agit probablement d’une variante du système automatisé de guidage et de conduite de tir (ASUNO) [автоматизированной системы управления наведением орудия (АСУНО)] ou d’un système similaire. L’ASUNO est maintenant installé sur un nouveau tube, des systèmes d’artillerie lancés à la roquette et des variantes modernisées de systèmes comme le 2S1 Gvozdika, le 2S3 Akatsiya, le S24 Tyulpan, le 2S19 Msta, le 2S5 Giatsint-S, le 2S7M Malka, le Tornado-G et le Tornado-S.Note de bas de page 16  L’ASUNO fonctionne en transmettant des données, par des moyens câblés ou sans fil, entre les postes de commandement et d’observation du bataillon et de la batterie, le poste de contrôle des tirs du bataillon et les sous-unités de reconnaissance de l’artillerie organique et attachée. Il recueille, traite, stocke et produit des données sur la position, l’état, le niveau d’approvisionnement en munitions et les conditions météorologiques des batteries et des pièces d’artillerie individuelles, et utilise ces informations pour créer des solutions de tir. L’ASUNO comprend un ordinateur de bord, un système gyroscopique d’indicateur de cap et d’attitude, des écrans de tir et de chargeur, un écran du commandant de canon, un viseur, un capteur d’élévation numérique et d’autres équipements, assurant le pointage automatique des canons et l’orientation appropriée des canons.

L’ASUNO offre une capacité de tir jour/nuit, par tous les temps, dans une formation de combat dispersée à la position de tir. L’amélioration la plus remarquable de l’ASUNO par rapport à ses prédécesseurs est peut-être la vitesse du système dans le calcul des solutions de tir. Cela améliore non seulement le soutien pour la bataille des armes combinées dans son ensemble, mais il augmente également la capacité de survie au champ de bataille pour les systèmes d’artillerie eux-mêmes. Ceci est particulièrement important en raison de la technologie moderne de localisation de contre-batterie. Si l’ennemi est équipé de cette technologie, une unité d’artillerie doit se déplacer après avoir tiré pendant seulement 1 à 2 minutes.

En ce qui concerne les aspects organisationnels de l’ASUNO, des sources russes indiquent qu’elle réduit considérablement la charge de travail des officiers supérieurs de la batterie et des commandants d’armes, car la réception des données sur les cibles et la création de solutions de tir sont effectuées automatiquement. Les officiers supérieurs de la batterie et les commandants des armes à feu peuvent voir les réglages de tir sur le moniteur d’affichage et surveiller la précision du pointage des armes à feu. De plus, la technologie de cartographie numérique a été intégrée à l’ASUNO afin d’offrir une meilleure connaissance de la situation.Note de bas de page 17 

Mobilité et protection

Le Koalitsiya-SV est basé sur un châssis de chars T-90 et partage donc plusieurs des caractéristiques de mobilité et de protection du T-90. Le 2S35 pèse environ 48 tonnes métriques et aura probablement une vitesse maximale de 60 km/h, une portée opérationnelle d’environ 550 km et la capacité de faire de la plongée à travers les traversées d’eau. Le 2S35 peut également lancer des grenades de fumée et produire de la fumée en brûlant du carburant dans son échappement, au besoin. Bien que le 2S35 soit actuellement construit sur le châssis du T-90, il est prévu de l’utiliser sur le nouveau châssis Armata.Note de bas de page 18 

L’AVENIR DE L’ARTILLERIE ET DE LA ROBOTIQUE DANS LES FORCES TERRESTRES RUSSES

Rôles attendus de la robotique dans les forces terrestres russes

L’intérêt de la Russie pour la modernisation de l’artillerie se manifeste à un moment où les progrès technologiques sont rapides, particulièrement en robotique.Note de bas de page 19  Les forces terrestres envisagent que la robotique puisse appuyer les activités suivantes :

Il est important de noter comment la Russie classe les différents types de robotique. Les terminologies des Forces armées russes varient, mais généralement les termes « complexe robotique » (RTK) et « complexe robotique mobile » (MRK) font référence à des dispositifs robotiques contrôlés à distance [bien qu’il puisse y avoir une capacité limitée d’intelligence artificielle (IA)], alors que les termes « systèmes robotiques » (RTS) font référence à des dispositifs autonomes ou semi-autonomes. Le commandement et contrôle (C2) de ces appareils est habituellement fourni par un poste de commandement mobile (MCP).Note de bas de page 21  En général, la Russie travaille toujours principalement avec une technologie de niveau télécommandé, mais les progrès de l’IA permettront la mise en service éventuelle de systèmes autonomes ou semi-autonomes. La Russie adopte une approche en deux volets pour créer ces types de robotique. La première approche est de modifier les plateformes existantes avec équipage (T-72, Armata) et de les modifier afin qu’elles puissent être contrôlées à distance.Note de bas de page 22  Une des raisons pour lesquelles le panneau de commande du nouveau véhicule de combat d’infanterie Kurganets-25 serait basé sur une manette de jeu d’ordinateur est de faciliter la possibilité de robotisation.Note de bas de page 23  La deuxième approche consiste à produire des plateformes spécialement conçues pour des opérations autonomes et semi-autonomes, comme un complexe robotique militaire (VN du RTK).Note de bas de page 24  En plus d’utiliser des UAV (comme mentionné ci-dessus), la Russie avait déjà de l’expérience en robotique sur le champ de bataille. En 2018, la Russie aurait testé sur le terrain un véhicule de combat sans équipage Uran-9 RTK en Syrie avec des résultats mitigés, ce qui a poussé certains experts russes à spéculer sur le fait que cette technologie aurait besoin de mûrir pendant au moins 10 à 15 ans avant d’être entièrement prête pour le champ de bataille, malgré les annonces officielles précédentes selon lesquelles toutes les lacunes avaient été corrigées.Note de bas de page 25 

Figure 1. Vision russe de la robotique dans le combat futur
Figure 1. Vision russe de la robotique dans le combat futur26

La figure 1 est une carte schématique illustrant visuellement un exemple de la façon dont les éléments de commandement robotiques russes pourraient être placés par une brigade de fusiliers motorisés et intégrés à d'autres systèmes d'armes lors de l'attaque. Il subdivise à cet effet l'espace de combat en six échelons/zones, de gauche à droite :

  • zones de destruction ennemie complexe
  • domaines de restauration de l'efficacité au combat
  • échelon d'ancrage
  • premier échelon (assaut)
  • deuxième échelon (réserve) et
  • réserve de sous-unités équipées de véhicules robotiques.

La figure 1 présente une future attaque russe par une brigade de fusilier motorisé comme partie centrale d’une attaque de trois brigades contre une brigade de défense. Ce qui est intéressant, c’est la nouvelle symbologie russe pour les UGV et leurs postes de commandement mobiles. Sur le côté droit de la disposition, il y a deux réserves de UGV entre le bataillon de MRLS et les deux bataillons d’obusiers à l’avant. Puisque les bataillons d’obusiers ont leurs propres robots pour le réapprovisionnement des munitions et le rechargement des obusiers, ces réserves sont positionnées pour aider au déminage, à la réduction des centres de résistance et à l’exploitation. Au milieu de la disposition, les Russes attaquent en utilisant des UGV pour la percée défensive, la suppression des tirs, la reconnaissance de l’artillerie, le déminage et l’évacuation du personnel blessé et des véhicules endommagés. À gauche de la disposition, les UGV sont utilisés pour la suppression des tirs, la reconnaissance de l’artillerie et le réapprovisionnement. La disposition montre également les UAV, qui sont contrôlés par leurs propres postes de commandement mobile.

Robotique et artillerie

La communauté de l’artillerie russe est particulièrement intéressée par la façon dont la robotique peut être intégrée aux systèmes d’artillerie.Note de bas de page 27  Une entrevue avec le directeur général de TsNII Burevestnik, Georgiy Zakamennykh, met en lumière cette pensée :

[Traduction] « Un suivi inévitable de l’augmentation des spécifications et des performances est la complexité accrue des armes d’artillerie […] Il y a aussi une tendance certaine vers la robotique, accompagnée par le développement et la livraison d’algorithmes de commande à distance[...] Ainsi, un système d’artillerie peut être contrôlé à distance; l’emplacement de l’opérateur n’est pas d’une importance fondamentale […] Nous ne serons en mesure de parler d’un robot ayant une intelligence artificielle que lorsqu’il montrera qu’il peut former de façon autonome un algorithme pour qu’il puisse s’exécuter correctement dans une situation inconnue, c’est-à-dire qu’elle n’est pas prévue dans ses scénarios préinstallés. C’est encore à prévoir, c’est attrayant, mais aussi dangereux. »Note de bas de page 28 

Les commentaires de M. Zakamennykh sont intéressants pour plusieurs raisons. La première est qu’il considère évidemment les tourelles sans équipage comme une étape essentielle vers la robotisation. Étant donné que la première étape vers cet effort a été la technologie de chargeur automatique développée en premier pour le char T-64 (bien que non numérique), on peut soutenir que la Russie a sans aucun doute choisi d’utiliser une stratégie évolutive plutôt qu’une stratégie révolutionnaire à cette fin. Le deuxième point d’intérêt est son point de vue sur le niveau d’IA nécessaire par rapport au niveau actuel disponible. En raison de cette situation, M. Zakamennykh ne croit pas que la robotique est encore capable d’opérations autonomes.     

Les robots et la robotique peuvent réduire la taille de la force et sauver des vies humaines tout en augmentant l’intensité et l’efficacité du combat, mais la structure, l’instruction, la logistique et la maintenance de la force doivent être modifiées pour intégrer efficacement cette technologie en développement dans la force et l’appuyer. La Mikhailovskiy Military Artillery Academy étudie comment ajuster la structure de la force et le tableau d’organisation et les effets des bataillons d’obusiers actuels afin d’intégrer de nouveaux systèmes d’artillerie et de systèmes robotiques.

STRUCTURE ACTUELLE DE L’ARTILLERIE RUSSE

Actuellement, la plupart des bataillons d’artillerie automoteurs russes sont basés sur trois batteries d’artillerie, chaque batterie ayant six pièces d’artillerie (18 pièces d’artillerie par bataillon). La capacité du bataillon d’artillerie automoteur à tirer (quantité, distance et ciblage) dépend considérablement du type de pièce d’artillerie automotrice avec laquelle il est équipé, des moyens de reconnaissance, de C2, et de la capacité logistique, comme le montre la figure 2. En ce qui concerne le ciblage des tirs, le bataillon d’artillerie russe autopropulsé compte sur les ressources de reconnaissance pour trouver des cibles et un système de C2 pour relayer les cibles des ressources de reconnaissance, effectuer la planification de la mission et créer des données de tir. Bien qu’il y ait plusieurs systèmes C2 différents, ils fonctionnent tous de façon similaire.

Figure 2. Bataillon d’obusiers automoteurs (structure actuelle)
Figure 2. Bataillon d’obusiers automoteurs (structure actuelle)29

La figure 2 détaille la composition existante du bataillon d'obusiers automoteurs. Ce bataillon est composé de 208 hommes et de 18 obusiers automoteurs. La structure de commandement du QG du bataillon est divisée en :

  • QG du peloton de soutien
    • Escouade d'entretien
    • Escouade de transport motorisé
    • Escouade de transport motorisé (pétrolier)
    • Escouade de cuisine
  • QG du peloton de contrôle de tir
    • Escouade de contrôle de tir (pour commandant de bataillon) (véhicule 1V15M FDC)
    • Escouade de contrôle de tir (pour le QG du bataillon) (véhicule 1V16M FDC)
    • Escouade de lutte contre les incendies
    • Artillery Spotter Squad (véhicules de reconnaissance d'artillerie PRP-4M "Detyeiry" ou PRP-4A "Argus" pour ces deux dernières escouades)
  • Batterie d'obusier automoteur (x3)
    • Peloton de contrôle de tir
      • Escouade de contrôle de tir (pour Battery Commander) (véhicule 1V14M FDC)
      • Escouade de lutte contre les incendies
    • Peloton d'obusiers automoteurs (x2)
      • Escouade d'obusiers automoteurs (x3)

Le deuxième QG du peloton d'obusiers automoteurs de chaque batterie dispose d'une escouade de contrôle de tir supplémentaire pour l'officier supérieur de la batterie (véhicule 1V13M FDC)

Une batterie donnée peut être équipée soit de :

  • 2S1 Gvozdika
  • 2S3 Akatsiya
  • 2S5 Giatsint-S
  • 2S19 Msta-S

Figure 3: Schéma du système de commandement et de contrôle de l’artillerie de Kharkov
Figure 3: Schéma du système de commandement et de contrôle de l’artillerie de Kharkov30

La Figure 3 illustre visuellement le schéma du système de commandement et de contrôle de l'artillerie de Kharkov.

 

Le bataillon d’artillerie et les commandants de batterie sont généralement situés au même endroit que le commandant de manœuvre appuyé pour transmettre les appels de tir à l’artillerie, ou ils sont sur le champ de bataille, demandant le tir sur des cibles d’opportunité. Les commandants d’artillerie ont des véhicules de poste d’observation de commandement (COP) avec les moyens de communication, de navigation et d’observation appropriés pour remplir cette fonction. Le chef d’état-major assure le contrôle des tirs pour les unités d’artillerie pour les bataillons, et l’officier supérieur des batteries (le chef de peloton principal) le fait pour les batteries. Ces officiers, et non les commandants, sont ceux qui sont réellement situés au même endroit que l’artillerie, ce qui leur fournit des cibles et des données de tir. Ils fournissent l’état-major des véhicules du poste central de tir (PCT) pour remplir cette fonction. Les véhicules du PCT sont équipés de la même façon que les véhicules du COP, mais ils sont conçus pour fonctionner comme des PCT. Cela signifie qu’ils ont généralement moins ou pas d’équipement de visée et plus d’équipement de contrôle du tir, et qu’ils peuvent être sur un châssis plus approprié pour fonctionner comme un PCT que comme un COP qui effectue la reconnaissance de l’artillerie sur le champ de bataille.Note de bas de page 31  

Outre les véhicules de la COP du bataillon d’artillerie et des commandants de batterie, le bataillon d’artillerie automoteur possède peu d’autres ressources de reconnaissance organique qui peuvent fournir des données de ciblage, seulement un véhicule de reconnaissance de l’artillerie (PRP-4M Deyteriy ou PRP-4A Argus) dans le peloton de conduite de tirs. En raison des capacités de reconnaissance organique limitées, les bataillons d’artillerie russes peuvent et utilisent souvent d’autres ressources de reconnaissance dans la brigade pour fournir des données de ciblage. L’information de ciblage provenant de sources de renseignement d’origine électromagnétique (SIGINT) peut être fournie par la compagnie SIGINT du bataillon de reconnaissance de la brigade ou par la compagnie de guerre électronique de la brigade. Les UAV de la compagnie d’UAV de la brigade sont sans doute les ressources de reconnaissance les plus importantes utilisées par les bataillons d’artillerie russes.Note de bas de page 32  Bien qu’ils soient utilisés pour la désignation de la cible, ils sont multifonctionnels par conception. Leur emploi pour l’artillerie est évalué par rapport à d’autres priorités, car ces UAV remplissent également les missions de GE, de SIGINT, de retransmission de signaux et de sensibilisation au champ de bataille. Afin d’atténuer la demande de soutien d’UAV dans les régiments et brigades d’artillerie russes, il y a des plans pour donner à ces formations des compagnies d’UAV dédiées.Note de bas de page 33 

 

Figure 4: Caractéristiques de l’artillerie automotrice
Figure 4: Caractéristiques de l’artillerie automotrice34

La figure 4 détaille les caractéristiques (telles que le calibre, la portée maximale, la cadence de tir, le poids des obus, etc.) de l'artillerie automotrice russe.

  • Calibre (mm):
    • 2S5 "Giatsint-S" : 152,4
    • 2S1 "Gvozdika": 122
    • 2S19 "Msta-S": 152,4
    • 2S3 "Akatsiya": 152,4
    • 2S9 "Nona" : 120
    • 2S35 "Koalitsya-SV" : 152,4
  • Portée maximale (km) :
    • 2S5 "Giatsint-S" : 28,4-33
    • 2S1 "Gvozdika": 15,2
    • 2S19 "Msta-S": 29
    • 2S3 "Akatsiya" : 17.3-20
    • 2S9 "Nona": 12,8
    • 2S35 "Koalitsya-SV" : 40
  • Cadence de tir (coups par minute) :
    • 2S5 "Giatsint-S" : 5-6
    • 2S1 "Gvozdika": 4-5
    • 2S19 "Msta-S": 7-8
    • 2S3 "Akatsiya" : 3-4
    • 2S9 "Nona": 8-10
    • 2S35 "Koalitsya-SV" : 16
  • Poids de la coque (kg) :
    • 2S5 "Giatsint-S" : 46
    • 2S1 "Gvozdika": 14.1-21.8
    • 2S19 "Msta-S": 42,9-43,6
    • 2S3 "Akatsiya": 43,6
    • 2S9 "Nona": 17.3
    • 2S35 "Koalitsya-SV": UNK
  • Poids du système (kg) :
    • 2S5 "Giatsint-S" : 28 200
    • 2S1 "Gvozdika": 15 700
    • 2S19 "Msta-S" : 42 000
    • 2S3 "Akatsiya" : 27 500
    • 2S9 "Nona" : 8 000
    • 2S35 "Koalitsya-SV" : 48 000
  • Équipage
    • 2S5 "Giatsint-S": 5
    • 2S1 "Gvozdika": 4
    • 2S19 "Msta-S": 5
    • 2S3 "Akatsiya": 4
    • 2S9 "Nona": 4
    • 2S35 "Koalitsya-SV" : 3
  • Châssis
    • 2S5 "Giatsint-S" : Objet 123
    • 2S1 "Gvozdika": MT-LB
    • 2S19 "Msta-S": T-80/T-72
    • 2S3 "Akatsiya" : Objet 123
    • 2S9 "Nona" : BRDM
    • 2S35 "Koalitsya-SV" : T-90/Armata
  • Charge de munitions
    • 2S5 "Giatsint-S" : 30
    • 2S1 "Gvozdika": 40
    • 2S19 "Msta-S": 50
    • 2S3 "Akatsiya" : 45
    • 2S9 "Nona": 40
    • 2S35 "Koalitsya-SV" : 70
  • Temps de préparation (min)
    • 2S5 "Giatsint-S": 3
    • 2S1 "Gvozdika": 0,3
    • 2S19 "Msta-S" : 2-2,5
    • 2S3 "Akatsiya": 0,5
    • 2S9 "Nona": -
    • 2S35 "Koalitsya-SV": UNK
  • Unité de Feu
    • 2S5 "Giatsint-S" : 60
    • 2S1 "Gvozdika": 80
    • 2S19 "Msta-S": 50
    • 2S3 "Akatsiya": 60
    • 2S9 "Nona" : 80
    • 2S35 "Koalitsya-SV": UNK

2S35 tel que rapporté actuellement par les médias russes ; portée maximale avec des projectiles standard, des portées plus grandes sont possibles si un projectile assisté par fusée (RAP) est utilisé

 

En ce qui concerne la quantité de tirs, sur la partie inférieure du spectre, les systèmes plus anciens, comme le 2S1 Gvozdika de 122 mm, peuvent tirer 4 à 5 coups par minute. Les systèmes supérieurs, comme le 2S19, peuvent tirer 7 à 8 coups par minute, et les modifications du 2S19, comme le 2S19M2, peuvent tirer jusqu’à 10 coups par minute. Compte tenu de ces taux de tir, le bataillon d’artillerie autopropulsé a peu de moyens de fournir un soutien logistique organique pour réapprovisionner ces systèmes. Les batteries d’artillerie dépendent principalement des camions du peloton de soutien du bataillon pour accomplir cette tâche, ainsi que du bataillon de soutien logistique du quartier général supérieur pour le soutien externe.

Structure d’artillerie russe proposée

L’intérêt des Forces armées russes pour la robotique ne se limite pas aux aspects technologiques, mais englobe également les aspects organisationnels de la meilleure façon dont la robotique peut être intégrée dans les unités et formations militaires russes.Note de bas de page 35  Étant donné les qualités automatisées que possède déjà le 2S35 et l’expérience étendue de l’armée russe en utilisant les UAV pour le ciblage, il n’est pas surprenant que les troupes d’artillerie soient devenues des adeptes précoces et un banc d’essai pour l’emploi de véhicules robotiques et l’intégration organisationnelle. Les théoriciens militaires russes se demandent déjà quels changements structurels futurs seront nécessaires pour utiliser pleinement le 2S35 Koalitsiya-SV et d’autres technologies robotiques qui sont ou qui seront bientôt disponibles. Le colonel A. N. Aristarkhov de la Mikhailovskaya Military Artillery Academy a offert un aperçu de la façon dont cette intégration robotique pourrait se produire dans un bataillon d’obusiers automoteurs 2S35.Note de bas de page 36  Avant d’élargir la structure organisationnelle du bataillon d’artillerie proposé par Aristarkhov, il est pertinent de discuter du rôle exact du bataillon proposé. Lors de sa conception initiale, le 2S35 devait servir d’artillerie d’échelon divisionnaire dans le régiment d’artillerie de la division. Cependant, vers 2009, pendant les réformes de la « nouvelle image », la plupart des divisions des forces terrestres ont été réformées en brigades. Cela a entraîné que les nouvelles brigades n’avaient habituellement que deux bataillons d’artillerie automoteurs, un lance-roquettes multiple (LRM) et un bataillon antichar. Bien que les forces terrestres aient reconstitué quelques divisions et en ont maintenant au moins douze, des mentions récentes de l’état du 2S35 sont qu’elles ne sont pas actuellement destinées à servir dans les régiments d’artillerie de division, mais plutôt dans les brigades d’artillerie assignées aux armées d’armes combinées, le corps de l’armée ou l’armée unique de la Russie.Note de bas de page 37 

Bien qu’il n’y ait pas de structure de brigade d’artillerie normalisée dans les Forces armées russes, ces dernières sont généralement constituées d’une combinaison de bataillons lourds du LRM (220 mm), d’artillerie lourde à tubes (S24 Tyulpan, 2S7M Malka) et de bataillons standard d’obusiers automoteurs et remorqués. Les bataillons d’obusiers automoteurs et remorqués sont structurés de la même façon que le bataillon d’obusiers dans les brigades. Bien que le 2S35 sera un système d’armes considérablement meilleur que ses prédécesseurs, il n’est pas prévu qu’il devienne la pièce d’artillerie standard des forces terrestres russes. C’est parce que la Russie gère son processus de modernisation de l’artillerie comme elle le fait avec d’autres programmes de modernisation : au lieu de choisir de remplacer ou de moderniser tout un système d’armes donné, les Russes préfèrent généralement améliorer progressivement une partie de la force.Note de bas de page 38  Notamment, tout changement résultant de la guerre en Ukraine ne sera probablement pas mis en œuvre au milieu du conflit.

 

Figure 5: Bataillon d’obusiers automoteurs (structure proposée)
Figure 5: Bataillon d’obusiers automoteurs (structure proposée)39

La figure 2 détaille la structure proposée pour le bataillon d'obusiers automoteurs. Le bataillon proposé comprend 270 hommes et 24 obusiers automoteurs (2S35). Le bataillon est divisé en

  • Peloton de reconnaissance
    • Escouade robotique (de reconnaissance) avec un véhicule robotique C2, 3 UGV de reconnaissance et 3 UAV de reconnaissance
    • Escouade de reconnaissance avec véhicule de reconnaissance d'artillerie PRP-5 sur Mars
  • Peloton de contrôle de tir
    • Escouade de contrôle de tir (commandant de bataillon) avec véhicule 1V110 FDC
    • Escouade de contrôle de tir (QG du bataillon) avec véhicule 1V111 FDC
    • Escouade de lutte contre les incendies
  • Peloton de récupération et de maintenance
    • Escouade d'entretien
    • Escouade de maintenance (robotique)
    • Équipe de récupération
  • Peloton de soutien
    • Escouade de transport motorisé
    • Escouade de transport motorisé (pétrolier)
    • Escouade de cuisine
  • Batteries d'obusiers automoteurs (x3)
    • Peloton de contrôle de tir
      • Fire Control Squad (Battery Commander), avec un véhicule 1V110 FDC, un véhicule robotique C2 et 3 UGV
      • Robotic Squad, avec un véhicule robotique C2, 3 UGV de reconnaissance et 3 drones de reconnaissance
      • Escouade de lutte contre les incendies
    • Pelotons d'obusiers automoteurs (x2)
      • Escouade de contrôle de tir (le 1er peloton dispose d'un véhicule 1V111 FDC pour l'officier supérieur de la batterie)
      • Obusiers automoteurs (x4)
    • Peloton de soutien
      • Robotic Squad avec un véhicule Robotic C2 et 3 UGV
      • Escouades de transport motorisé (x2) avec chacune 4 véhicules de transport chargeurs

La vision du colonel A. N. Aristarkhov d’un bataillon d’artillerie automoteur composé de 2S35 Koalitsiya-SV diffère considérablement de la structure actuelle. Plus particulièrement, ces bataillons seraient mis en place autour de trois batteries d’artillerie, chaque batterie ayant huit, au lieu de la norme actuelle de six pièces d’artillerie (24 pièces d’artillerie par bataillon). Un élément d’information tend à confirmer cette croyance d’une batterie d’artillerie à huit canons est un rapport médiatique russe de mai 2020 selon lequel le district militaire central a reçu huit 2S35, le même nombre que celui proposé par Aristarkhov.Note de bas de page 40

La combinaison du taux de tir plus élevé du 2S35 et de la taille accrue de la batterie d’artillerie signifie que ces bataillons auront beaucoup plus de puissance de combat qu’un bataillon de 2S19M2. Comme on le verra, les autres modifications de ce bataillon concernent généralement les aspects de reconnaissance du ciblage de feux et les aspects logistiques du soutien d’un bataillon de 24 pièces d’artillerie à tir rapide.

En ce qui concerne la reconnaissance, Aristarkhov propose des ressources organiques d’UAV et d’UGV au niveau du bataillon et de la batterie. Comme les UAV et les UGV au niveau du bataillon sont spécifiquement désignés pour la « reconnaissance », ils peuvent être destinés à la reconnaissance à plus longue portée et d’une variété différente que les UAV et les UGV dans les batteries. La fourniture d’UVA organiques est une amélioration importante de la capacité, et la localisation de ces ressources au niveau de la COP/FDC serait logique, car c’est actuellement là que les équipes d’UAV sont habituellement situées. Un aspect important est la petite taille prévue des escouades d’UAV. Étant donné que l’un des membres de l’équipe de trois personnes est probablement seulement un conducteur, cela ne laisse que deux membres d’équipage pour le personnel des UAV et des UGV. Par conséquent, il est probable que ces systèmes soient autonomes ou au moins semi-autonomes.

En ce qui concerne la logistique, des changements importants ont été apportés à la structure organisationnelle afin d’appuyer la capacité du bataillon à consacrer de plus grandes quantités de munitions. Un peloton de soutien dédié a été ajouté pour exploiter les véhicules de transport-chargeur sur roues (TZM). Le 2S35 sera le premier obusier russe à avoir un TZM dédié. Habituellement, les TZM ne sont associés qu’à des systèmes de missiles plus importants, mais le taux de tir plus élevé du 2S35 nécessite probablement son utilisation. Le peloton a également des UGV qui fourniront probablement une sorte de soutien logistique, puisque les Forces armées russes ont été fortement intéressées à utiliser la robotique à cette fin.Note de bas de page 41

Le bataillon d’artillerie automotrice 2S35 Koalitsiya-SV proposé par Aristarkhov est certainement ambitieux et a probablement intégré les leçons retenues de l’Ukraine et de la Syrie. Cela soulève la question de savoir pourquoi les Russes veulent plus de tubes dans un bataillon alors que le nouveau système peut tirer beaucoup plus vite et beaucoup plus loin. L’armée russe croit qu’il est préférable de détruire et de désorganiser un ennemi à distance plutôt que de le faire avec des chars et des soldats d’infanterie en combat rapproché. Les Russes sont depuis longtemps une armée d’artillerie qui préfère infliger un maximum de dommages avant un combat rapproché. Ils ont développé des tirs de précision efficaces, mais ils pratiquent toujours des tirs de masse pour détruire des zones et créer de la terreur psychologique. Les pertes soviétiques pendant la Deuxième Guerre mondiale étaient stupéfiantes et la Fédération de Russie préférait dépenser des projectiles plutôt que des vies et des systèmes d’armes, si possible. Plus de tubes qui tirent plus de coups par minute donnent au commandant de manœuvre plus d’options et réduisent les pertes causées par les tirs de contre-batterie. L’interface robotique et, éventuellement, les robots autonomes offrent encore plus d’options.

CONCLUSION

La Fédération de Russie a adopté une approche évolutive, plutôt que révolutionnaire, de la robotique. Les Russes développent des technologies d’IA pour soutenir les opérations semi-autonomes d’UAV et d’UGV, mais ces développements sont également en tandem avec leurs efforts pour développer des technologies robotiques afin de réduire la taille de l’équipage des véhicules à équipage. Les Russes n’envisagent pas encore un champ de bataille avec des systèmes autonomes sans équipage gérés par seulement quelques contrôleurs humains. Un scénario plus probable est l’approche évolutive de la Russie en matière de robotique qui entraînera une augmentation progressive du nombre de systèmes robotiques sur le champ de bataille. La mise en service de gros véhicules sans équipage, comme les obusiers et les chars, n’est pas encore possible, mais si les tendances actuelles se poursuivent, ces systèmes pourraient atteindre une certaine phase d’essai au cours des 10 à 15 prochaines années.

Les Forces armées russes perçoivent la robotique comme plus que des armes et des plateformes de reconnaissance et elles croient qu’elles ont également un rôle à jouer dans la réduction de la taille des équipages, la fourniture de soutien logistique, la manipulation de matières dangereuses et l’amélioration des manœuvres. Cela mène peut-être à l’aspect le plus intéressant du développement de la robotique et de l’artillerie par la Russie, ce qui n’est pas les percées technologiques, mais les aspects organisationnels. Comme mentionné précédemment, bien qu’elle soit entrée « tardivement » dans le domaine des UAV, la communauté d’artillerie russe a été la plus efficace pour utiliser cette technologie, malgré le fait qu’elle possède des systèmes moins sophistiqués sur le plan technique. En raison de la base théorique solide de la Russie pour l’emploi de la robotique, les meilleures leçons susceptibles d’être tirées de la robotique russe ne proviendront pas des innovations technologiques des scientifiques et des ingénieurs dans les bureaux de conception, mais des planificateurs de conception de la force en uniforme.

À PROPOS DES AUTEURS

M. Lester W. Grau, Ph. D., est analyste principal pour le Foreign Military Studies Office de Fort Leavenworth, au Kansas. Il a servi au sein de l’Armée de terre des États-Unis pendant 57 ans. Il a pris sa retraite à titre de lieutenant-colonel d’infanterie, mais a poursuivi son service grâce à la recherche et à l’enseignement dans le domaine de l’éducation de l’Armée de terre. Son service sur le terrain comprend des affectations militaires en Europe, au Vietnam du Sud, en Corée et en Union soviétique, ainsi que des recherches civiles en Afghanistan, en Iraq et en Russie. Sa langue principale de recherche est le russe. Il est l’auteur de 18 livres et de plus de 250 articles sur des sujets tactiques, opérationnels et géopolitiques.

M. Charles K. Bartles, Ph. D., est analyste pour le Foreign Military Studies Office de Fort Leavenworth, au Kansas. Ses domaines de recherche particuliers comprennent la structure des forces militaires russes et d’Asie centrale, la modernisation, les tactiques, le perfectionnement des officiers et des professionnels enrôlés, et les programmes d’aide à la sécurité. Chuck est également lieutenant-colonel dans la Réserve de l’Armée américaine pour laquelle il a été envoyé en mission en Afghanistan et en Iraq, il a servi comme officier d’assistance à la sécurité dans les ambassades du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan, en plus d’effectuer une variété d’affectations d’imagerie et d’opérations spatiales.

Cet article a été publié pour la première fois dans l’édition d’avril 2024 du Journal de l’Armée du Canada (20-2).

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