Discours de la ministre des Affaires étrangères à l’occasion d’une rencontre sur l’Initiative Elsie pour les femmes dans les opérations de paix
Discours
Le 26 septembre 2018 – New York
Version non définitive. Le présent discours a été traduit conformément à la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada, et il a été révisé en vue d’être publié et diffusé conformément à sa Politique de communication.
C’est merveilleux de vous voir en si grand nombre pour cette rencontre consacrée à l’Initiative Elsie.
Dans le cadre de son vaste engagement en faveur de la paix et de la sécurité, le Canada est plus dévoué que jamais à appuyer les opérations de paix. Notre but est de réfléchir aux moyens d’innover dans les divers déploiements et de faire en sorte que les missions apportent vraiment la paix promise par ces opérations à des communautés plus vulnérables.
Mais nous savons qu’il est plus compliqué de moderniser et d’innover les déploiements de maintien de la paix que de simplement nous assurer que le bon nombre de soldats et les bonnes ressources y sont affectés.
Il faut réfléchir à plusieurs défis : comment les gardiens de la paix interagissent avec les collectivités qu’ils protègent, comment ils forment des unités et à quel point ces unités sont efficaces.
Il n’y a pas de réponse facile à tous ces défis.
Mais nous savons qu’il existe une mesure positive qui consiste à amener plus de femmes à participer au maintien de la paix.
Soyons clairs : il ne s’agit pas d’être politiquement corrects ou vertueux.
Il s’agit de trouver une véritable solution aux problèmes de sécurité.
Lorsque la participation de femmes aux opérations de paix augmente les chances de réussir à créer une paix durable augmentent aussi.
Lorsque des femmes patrouillent dans les zones de conflit, elles en apprennent généralement davantage sur les menaces et la dynamique des conflits parce qu’elles tissent des liens de manière différente que les hommes avec la communauté locale.
J’en appelle ici à celles d’entre nous qui sommes mères; combien de fois n’avons nous pas dit à nos enfants : « Si vous vous perdez, si vous ne reconnaissez personne autour de vous, parlez à une femme, de préférence une femme avec des enfants. »
C’est un conseil que j’ai donné à mes enfants. Et c’est ce que les femmes du monde entier disent aux leurs.
Et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de plus de femmes dans les rangs des Casques bleus.
Les femmes en uniformes accèdent à des lieux où les femmes se rassemblent, discutent avec elles et établissent un lien de confiance.
Les gardiennes de la paix servent aussi de modèles à d’autres femmes et filles, tant chez elles que dans leur communauté d’accueil.
En 2015, la résolution 2242 du Conseil de sécurité des Nations Unies demandait que le nombre de femmes en uniforme participant aux opérations de maintien de la paix en tant que militaires et policières soit doublé au cours des cinq années suivantes.
Personne ne s’attendait à ce que ce changement se produise du jour au lendemain, mais les progrès sont beaucoup trop lents.
Il y a trois ans que cette résolution a été adoptée.
Au cours de cette période, le nombre de femmes déployées dans des opérations de maintien de la paix en tant que militaires et policières n’a augmenté que de 0,2 %, passant de 4,2 % à 4,4 %.
À ce rythme, il faudra 37 ans pour atteindre l’objectif fixé.
Et 37 ans, c’est trop long. Nous sommes d’accord sur notre objectif, mais il faut trouver une façon plus efficace de l’atteindre.
Il y a dix mois, à la réunion des ministres de la Défense sur le maintien de la paix à Vancouver, mon premier ministre Justin Trudeau a lancé une nouvelle initiative audacieuse visant à accroître la participation significative des femmes au maintien de la paix.
Nous l’avons appelée l’Initiative Elsie, en l’honneur d’une Canadienne, Elsie MacGill. Ingénieure spécialiste de l’électricité et de l’aéronautique pendant la Seconde Guerre mondiale, elle a conçu et testé des avions et a supervisé le processus de production des chasseurs Hawker Hurricane.
Cette pionnière dans un monde dominé par les hommes est notre inspiration.
Depuis que nous avons lancé l’initiative qui porte son nom l’an dernier, en travaillant tous ensemble, nous avons fait des progrès remarquables.
Onze pays collaborent au sein de notre Groupe de contact et, ensemble, nous appuyons les efforts de promotion et échangeons nos conseils et nos expériences.
En février, à Ottawa, un atelier préparatoire a lancé la mise en œuvre pratique du projet. Nous continuons de travailler avec d’autres gouvernements, la société civile, des femmes Casques bleus qui savent ce que c’est, des groupes de réflexion et des organismes de l’ONU en vue de tirer parti des résultats de cet atelier. Merci à tous ceux et celles qui ont travaillé sur ce dossier.
Nous venons également de terminer une étude de référence pour répertorier la recherche et l’analyse actuelles de la situation des femmes dans les opérations de paix.
Je tiens à souligner que rien de tout cela ne serait possible sans les ONG et le mouvement des femmes en général. Vous êtes les spécialistes. Vous êtes les défenseurs. Vous continuez de nous pousser à aller plus loin et je vous en suis très reconnaissante. Votre travail est absolument essentiel.
Sur le plan pratique, l’Initiative Elsie comporte deux volets.
Le premier est un mécanisme financier.
Comme quiconque travaillant au gouvernement ou dans la société civile le sait parfaitement, le changement coûte quelque chose.
Il n’est pas gratuit.
Nous croyons que le manque de ressources financières ne devrait pas être une barrière pour les pays qui souhaitent faire des progrès en matière d’égalité des genres dans leurs déploiements au sein des forces des Nations Unies.
Le Canada s’est déjà engagé à consacrer 15 millions de dollars à un mécanisme financier auquel les pays pourront avoir recours pour obtenir du soutien.
Outre ces 15 millions de dollars, j’ai le plaisir d’annoncer aujourd’hui que dans le cadre de l’Initiative Elsie, ONU Femmes, le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU et le Cabinet du Secrétaire général ont demandé conjointement la création d’un fonds multipartite pour accélérer le déploiement de femmes formées et qualifiées dans les opérations de paix de l’ONU.
Ces incitations financières permettront à l’Initiative Elsie de devenir une réalité. L’ONU et le Canada collaboreront à la conception de ce fonds au cours des prochains mois.
Le second volet de l’Initiative Elsie consiste à offrir de l’aide technique et de la formation aux pays qui fournissent des troupes et des services de police.
Je suis heureuse d’annoncer aujourd’hui que deux premiers pays ont été choisis pour le projet pilote : le Ghana et la Zambie.
J’en suis ravie et je vous remercie du fond du cœur d’avoir accepté cette collaboration.
De concert avec le Canada, ces deux pays sont bien placés pour adopter et mettre à l’essai des démarches novatrices visant à amener plus de femmes à jouer des rôles militaires et policiers, et à apporter leur expertise et leur expérience pour aider d’autres pays. En effet, nous faisons tous face aux mêmes défis.
Permettez-moi de parler un peu du Canada, car nous avons nos défis, nous aussi, en ce qui concerne l’intégration des femmes dans nos forces militaires.
Il nous reste beaucoup à faire chez nous aussi, nous en sommes conscients.
C’est pourquoi les Forces armées canadiennes feront l’objet de la même évaluation des obstacles que le Ghana et la Zambie. Nous allons parcourir ce chemin ensemble; c’est là une expérience inspirante pour nous tous.
Nous devons intégrer le féminisme au maintien de la paix. Il est temps de mettre fin au patriarcat dans les missions de maintien de la paix.
Nous traversons une période importante pour les femmes. Nous sommes tous au courant du mouvement #MoiAussi dans bon nombre de nos pays. L’histoire montrera que les femmes se lèvent enfin et qu’elles participent à la création d’un monde meilleur pour tous.
Je pense que l’Initiative Elsie en sera un élément très important.
Je suis très reconnaissante envers tous ceux et celles ici présents qui collaborent avec nous sur ce dossier.
Merci beaucoup aux organismes de l’ONU, aux membres du Groupe de contact, à la société civile et à nos fantastiques gardiennes de la paix.
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