Discours de la ministre des Affaires étrangères, l’honorable Chrystia Freeland, au lancement du Plan d’action du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité

Discours

Le 1er novembre 2017 – Ottawa, Ontario

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à sa politique sur les communications.

Pour commencer, je tiens à reconnaître que nous sommes rassemblés sur un territoire traditionnel non cédé des Algonquins.

J’ai grandi dans une maisonnée féministe très avant-gardiste.

J’aimerais commencer en rendant particulièrement hommage à nos précurseures, à la vieille génération de féministes qui est ici. Si nous pouvons nous tenir debout, c’est parce que nous sommes portées par des géantes.

Ma mère fut une des premières féministes canadiennes, une féministe du nord de l’Alberta. J’ai grandi à Peace River près d’Edmonton. Il n’y avait que sept femmes dans son cours de droit à l’Université de l’Alberta.

Dans les années 1970, dans notre maison à Peace River, nous avions des rencontres de prise de conscience, alors laissez-moi vous dire que le contexte était complètement différent de celui d’aujourd’hui.

Je sais que beaucoup de femmes présentes dans cette salle ont fait partie de ce mouvement à l’époque. Je vous suis très reconnaissante des fondements que vous avez établis et sur lesquels nous prenons appui en toute conscience.

La politique étrangère féministe du Canada repose sur un objectif simple : nous cherchons à permettre aux femmes et aux hommes, aux filles et aux garçons, partout dans le monde, d’avoir une égale possibilité de s’exprimer, de jouir de droits égaux; de bénéficier de l’égalité des chances et de vivre dans une égale sécurité.

L’inégalité — qu’elle soit sociale, économique ou politique — exacerbe l’instabilité et mine la prospérité.

Nous devons y mettre fin.

Aujourd’hui, nous lançons le deuxième Plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité au Canada. En 2000, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 1325 exhortant notamment tous les États membres à permettre la pleine participation des femmes au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité. Un certain nombre de résolutions ultérieures ont soutenu cet appel et invité tous les pays à élaborer leurs propres plans d’action pour mettre en œuvre les résolutions.

Le plan précédent du Canada a expiré en 2016. Nous savons qu’il n’était pas assez ambitieux, et, de concert avec nos partenaires de la société civile, nous avons décidé de placer la barre beaucoup plus haute dans le nouveau plan. Nous avons élaboré des objectifs audacieux et nous nous engageons aujourd’hui à faire de la participation des femmes la priorité dans toutes les activités que mène le Canada dans les États fragiles. À cet égard, j’ai demandé le soutien et l’aide de mes collègues. De nombreux ministères se sont joints au nouveau plan : les ministres Monsef [l’honorable Maryam Monsef, ministre de la Condition féminine], Sajjan [l’honorable Harjit Sajjan, ministre de la Défense nationale] et Bibeau [l’honorable Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international et de la Francophonie], qui sont parmi nous dans cette salle, sont partenaires du plan. Les ministres Goodale [l’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile], Hussen [l’honorable Ahmed D. Hussen, ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté] et Wilson-Raybould [l’honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada] sont également des partenaires à part entière. Tous ont élaboré leurs propres plans d’appui à notre politique étrangère féministe, que ce soit en matière de prévention des conflits, d’établissement de la paix, d’aide humanitaire, de rétablissement d’après-conflit et d’édification de l’État. De cette manière, qu’il s’agisse de réunions diplomatiques, du déploiement d’agents de la GRC dans les missions de l’ONU, d’opérations de la paix et d’activités de promotion des droits, l’égalité des sexes ne sera jamais prise en compte après coup.

Nous avons décidé d’élaborer ce nouveau plan en collaboration avec la société civile canadienne, qui dispose d’un vaste et riche réseau d’expertes et militantes féministes, qui peuvent nous guider dans ce processus. Nous sommes particulièrement reconnaissants envers le Réseau femmes, paix et sécurité du Canada [Women, Peace and Security Network — Canada], qui a été un élément moteur du nouveau plan.

Le Plan s’appuie sur un certain nombre d’initiatives que notre gouvernement a déjà annoncées. Plus particulièrement, je tiens à souligner et à saluer le travail de Marie-Claude Bibeau, qui a lancé son ambitieuse Politique d’aide internationale féministe plus tôt cette année. Elle nous a guidés et elle est intervenue de manière décisive pour combler un vide. Lorsque les services de planification familiale et de santé reproductive, y compris les services d’avortement sécuritaire et légal, risquaient d’être interrompus, elle a annoncé un engagement de 650 millions de dollars du Canada.

Le choix de procréer est un droit des femmes, et les droits des femmes sont des droits de la personne. Nous savons que la plupart des sociétés dans le monde — y compris la nôtre — sont patriarcales. Des obstacles tenaces et enracinés empêchent la participation pleine et entière des femmes. C’est pourquoi nous avons besoin d’un programme féministe militant. Nous devons prendre des mesures courageuses en faveur de l’égalité des sexes, plus particulièrement là où les femmes sont les plus vulnérables.

Adopter une approche féministe pour la paix et la sécurité n’est pas simplement un geste politiquement correct ou un signe de notre vertu. C’est une solution intelligente et pratique pour répondre aux besoins concrets de sécurité. Nous devons nous attaquer à de graves problèmes d’agressions et de viols commis par le personnel de sécurité et les Casques bleus, ainsi qu’aux problèmes généralisés des mariages forcés et de la violence faite aux femmes. S’attaquer à ces problèmes procure des avantages directs pour les femmes, y compris celles qui sont de courageuses survivantes de ces crimes, en plus de contribuer clairement à la stabilité et à la sécurité des collectivités. Et un monde plus sûr profite directement aux Canadiens.

Même si nous nous montrerons ambitieux en appliquant cette nouvelle approche féministe dans tous nos efforts de paix et de sécurité, nous devons également reconnaître qu’au Canada, les femmes autochtones — et leurs filles en particulier — sont victimes d’une discrimination intersectionnelle et d’une violence fondées sur le genre, la race, la situation socio-économique et d’autres facteurs identitaires, qui s’ajoutent aux causes historiques que sont notamment l’héritage du colonialisme et les ravages causés par le système des pensionnats.

Notre engagement envers la réconciliation consiste à reconnaître le traitement infligé aux peuples autochtones par le Canada et à faire preuve de franchise à cet égard, à régler les préoccupations et les problèmes actuels, et à travailler ensemble pour faire en sorte que toutes les personnes, au Canada et dans le monde, soient traitées avec dignité et respect, un droit inaliénable pour tous les êtres humains.

Je tiens donc à remercier les nombreux groupes autochtones, plus particulièrement ceux qui sont dirigés par des femmes autochtones, qui sont parmi nous aujourd’hui. Nous espérons continuer, tout au long de la durée de vie de ce plan, à mieux intégrer les perspectives autochtones dans notre politique étrangère.

Le nouveau plan d’action est aussi transparent. Toutes les mesures visant à le mettre en œuvre et à accélérer les progrès sont décrites dans des annexes de la mise en œuvre, qui sont accessibles au public sur notre site Web. Elles seront évaluées et mises à jour chaque année.

À ceux qui demandent pourquoi il est important d’inclure les femmes et les filles, je leur dis :

C’est important parce que, lorsque les femmes et les filles participent aux processus de paix, celle-ci est plus durable.

C’est important parce que là où les femmes participent à l’économie, la croissance économique est plus forte.

C’est important parce que lorsque les femmes participent à la gestion des affaires publique, les États sont plus stables.

C’est important parce que la sécurité collective est accrue lorsque les femmes, dans toute leur diversité, y participent.

C’est important parce qu’aucune société ne peut réaliser son plein potentiel si l’on tient à l’écart la moitié de sa population.

Comme l’a souligné la professeure Valerie M. Hudson de la Texas A&M University dans un résumé de ses travaux de recherche : « le meilleur gage de paix d’un État n’est pas sa richesse, ni son niveau de démocratie ou son identité ethnoreligieuse, mais plutôt sa façon de traiter les femmes. »

Cette semaine, le président [Juan Manuel Santos] de la Colombie, lauréat du prix Nobel de la paix, a visité le Canada avec sa ministre des Affaires étrangères, mon amie María Ángela Holguín.

Examinons leur expérience.

La cessation officielle en 2016 des hostilités avec les FARC [Forces armées révolutionnaires de Colombie] est un moment historique, car il a marqué la fin d’une guerre de 52 ans qui a fait plus de 220 000 morts et a entraîné la disparition de plus de 50 000 personnes ainsi que le déplacement de 7 millions de Colombiens.

Ce processus de paix est aussi historique en raison de son évolution. Il a établi un précédent international en matière d’inclusion de groupes traditionnellement marginalisés dans les tentatives de paix précédentes, notamment les femmes, les peuples autochtones, les jeunes et les membres de communautés LGBTQ2 [lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queers, bispirituels].

Pour la première fois, des négociateurs du gouvernement et des FARC ont mis sur pied une sous-commission sur l’égalité entre les sexes, commission qui s’est penchée sur la façon dont chacune des questions du programme principal de négociations pourrait toucher différemment les hommes, les femmes, les garçons et les filles.

Et bien que le travail le plus dur, instaurer une paix durable, reste à faire dans les prochains mois et dans les prochaines années, le fait de tenir compte du point de vue de diverses femmes et filles dans le processus de paix est un grand pas en avant pour les mouvements féministe et pacifiste, pour le mouvement en faveur de la sécurité, et pour la Colombie elle-même.

Le Canada veut aider les Colombiens à réussir. 

Nous avons déployé des policiers en Colombie pour une démarche de désarmement et de démobilisation menée par les Nations Unies. Nous appuyons aussi les travaux réalisés avec des femmes de 10 collectivités autochtones colombiennes pour nous assurer que ces femmes peuvent contribuer au changement à l’échelle locale et nationale.

À l’échelle mondiale, nous savons qu’un processus de paix inclusif permet une paix plus durable. Mais il ne faut pas oublier que s’il est nécessaire d’inclure les femmes et les filles, ce n’est pas assez pour réussir.

Il n’est pas suffisant non plus de simplement inviter plus de femmes à la table.

Il faut les inclure, les écouter, et les suivre.

Le plan d’action du Canada appuiera les initiatives qui augmentent la participation effective des femmes, des filles et des organisations féminines et des réseaux pour prévenir et résoudre les conflits ainsi que pour édifier des États après les conflits.

Notre travail dans le Soudan du Sud, le plus jeune et le plus fragile des pays du monde, est un bon exemple.

Le niveau de violence dans ce pays est extrême.

Les collectivités se volent le bétail et la propriété les unes des autres, enlèvent des enfants et violent des femmes et des filles perpétuant ainsi des cycles de vengeance et de représailles qui alimentent la violence, l’insécurité alimentaire et la pauvreté extrême.

Le Canada veut aider à briser ces cycles. 

Avec notre aide, les civils sont invités à des rassemblements où ils échangent directement les uns avec les autres au sujet de problèmes qui perturbent la vie de la collectivité. En discutant, ils trouvent des solutions et se tiennent mutuellement responsables de leurs gestes.

Ces efforts ont aidé à renforcer le pouvoir des femmes et des filles en leur donnant un rôle important dans le dialogue intercommunautaire et la médiation qui visent à réduire et à prévenir la violence, surtout la violence sexuelle et fondée sur le genre.

En situation de conflits, le viol et l’esclavage sexuel sont utilisés comme tactiques de guerre. Il est rare que ceux qui commettent ces crimes odieux soient traînés en justice.

Le plan d’action d’aujourd’hui est axé sur les mesures de prévention et d’intervention liées à ces crimes et à toute forme d’exploitation sexuelle commise par des Casques bleus et d’autres membres du personnel international, y compris les travailleurs humanitaires et les agents de développement.

Ces crimes ne doivent pas être commis impunément. Il ne doit y avoir impunité ni pour les soldats, ni pour les civils, ni pour toute personne déployée pour maintenir la paix ou fournir une assistance.

Le plan d’action tiendra compte des besoins particuliers des femmes et des filles en contexte humanitaire, y compris les droits sexuels et reproductifs et l’accès aux services en matière de santé sexuelle et reproductive.

Il visera à faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes, le renforcement du pouvoir des femmes et des filles et la protection de leurs droits de la personne dans les pays fragiles, en situation de conflit ou d’après conflit.

Et il renforcera la capacité des opérations de maintien de la paix de promouvoir la cause des femmes, de la paix et de la sécurité, y compris en déployant un plus grand nombre de femmes et en intégrant pleinement les perspectives fondées sur le genre aux opérations des Forces armées canadiennes et aux déploiements policiers.

Parmi les deux milliards de personnes qui vivent dans des pays fragiles touchés par les conflits et la violence, les femmes et les filles souffrent de façon disproportionnée. Parfois, les femmes et les filles sont également coupables de cette violence. Et bien qu’elles jouent un rôle crucial dans les efforts internationaux de consolidation et de stabilisation de la paix et dans les activités humanitaires, elles demeurent presque entièrement exclues des processus d’établissement de la paix.

C’est pourquoi nous avons besoin d’une politique étrangère féministe.

Un peu partout sur la planète, nous constatons que le populisme réapparaît et que des mouvements réactionnaires en colère font des femmes, des groupes LGBTQ2 et des minorités ethniques et religieuses leurs boucs émissaires.

C’est pourquoi la voix du Canada est si importante dans le monde, aujourd’hui. C’est également pourquoi nous sommes fiers d’affirmer, ici et partout ailleurs sur la planète, que les droits des femmes sont des droits de la personne et que le Canada défend les deux.

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Attaché de presse
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