Lyophilisation des artefacts archéologiques – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 4/2

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La Note de l'ICC 4/2 fait partie de la quatrième série des Notes de l'ICC (Conservation achéologique et sur le terrain)

Mise en garde
Dans cette Note, il est question de mesures qui auront des incidences sur l'aspect matériel de l'objet, ou de procédés qui exigent l'utilisation de produits chimiques. Il faut donc agir avec prudence et, en cas de doute, demander l'aide d'une personne compétente.

La lyophilisation sous vide des artefacts archéologiques

La lyophilisation est une technique utile pour le séchage d'objets archéologiques organiques, la récupération de matériaux d'archives et de bibliothèques endommagés par l'eau et la préparation de spécimens de plantes et d'animaux pour les musées. Dans cette Note, on présente le processus de lyophilisation, on explique les principaux composants des lyophilisateurs et on décrit des façons de suivre l'évolution du séchage.

Le processus de lyophilisation

La lyophilisation consiste à évacuer l'humidité contenue dans les matériaux gelés par sublimation (c.-à-d. que la glace qui s'y trouve est transformée directement en vapeur d'eau – elle ne fond pas pour ensuite évaporer). En général, l'opération s'effectue dans un lyophilisateur et la vitesse de séchage varie selon la température et la pression. Ainsi, tout lyophilisateur permet normalement de régler la température, la pression, ou les deux.

Le séchage par lyophilisation est un procédé de conservation-restauration de grande valeur, car le rétrécissement, la déformation et l'affaissement qu'il entraîne sont moindres que lorsque les objets sont séchés à l'air. De plus, si l'on maintient la température de l'objet bien au-dessous de 0 ° C pendant tout le processus, on peut réduire davantage les risques de dommages liés au séchage. Cependant, la baisse de température occasionne une diminution de la pression de vapeur de la glace (Tableau 1), ce qui réduit sa capacité de sublimation et ralentit donc le processus de lyophilisation.

CRCHandbook of Chemistry and Physics
Tableau 1. Pression de vapeur de la glace à différentes températures (extrait du).
Température(°C)Pression de vapeur (Pa)

0

611,15

−5

401,76

−10

259,90

−15

165,30

−20

103,26

−25

63,29

−30

38,01

La lyophilisation sous vide permet de contourner ce problème en utilisant une pompe à vide pour extraire l'air et la vapeur d'eau de l'enceinte, abaissant ainsi la pression de l'air qui s'y trouve. Quand la pression dans l'enceinte se rapproche de la pression de vapeur de la glace, la sublimation augmente et le séchage commence. La vitesse de séchage est directement tributaire de l'écart entre la pression du système et la pression de vapeur de la glace. À mesure que la pression de l'enceinte baisse, la vitesse de séchage augmente. Toutefois, si la pression de l'enceinte est trop faible, il n'y a pas de transfert de chaleur à l'objet par convection, la température de l'objet chute et le séchage est interrompu.

Au cours du processus de lyophilisation, la vapeur d'eau qui se sublime de l'objet forme de la glace sur les parois froides du condenseur. Cette glace doit être enlevée périodiquement pendant la lyophilisation en dégivrant le condenseur.

 Schéma des quatre principaux composants d'un lyophilisateur typique.
Figure 1. Schéma des quatre principaux composants d'un lyophilisateur typique, avec unce enceinte, panneau de commande, condenseur, et pompe à vide.

Principaux composants

On peut trouver des lyophilisateurs sur le marché qui conviennent à la restauration. Leur taille varie, passant des petites unités pour comptoir aux grandes installations avec enceinte pouvant contenir plusieurs mètres cubes de matériaux. Un lyophilisateur typique compte quatre principaux composants : une pompe à vide, une enceinte réfrigérée, un condenseur et un panneau de commande. La taille et la capacité de chacun exercent une action directe sur les autres. Par exemple, la taille de l'enceinte a une incidence sur le rendement de la pompe à vide (qui doit pouvoir faire le vide dans l'enceinte dans un délai raisonnable – normalement en moins d'une heure). Quant à la taille de l'enceinte et à la température requise, toutes deux ont une incidence sur la taille du compresseur de réfrigération. Les caractéristiques prescrites de chaque composant sont indiquées ci-après.

La pompe à vide

La pompe à vide extrait l'air et la vapeur d'eau de l'enceinte. Sa plus importante caractéristique est donc le degré de vide qu'elle peut créer, plus particulièrement aux basses températures, où la pression de vapeur de la glace décroît. Le débit (nombre de litres d'air et de vapeur d'eau extraits par minute) est également très important, car il permet de régler la vitesse de l'extraction.

Les pompes à vide modernes (à entraînement direct ou à palettes rotatives) sont préférables aux anciennes pompes à piston, car elles sont moins sensibles à l'eau. Le besoin d'extraire l'eau qui s'accumule dans l'huile de la pompe est ainsi réduit, avantage non négligeable lorsqu'il faut extraire de grandes quantités d'eau d'un matériau gelé. (Pour extraire l'humidité, il faut ouvrir un robinet de ballast à gaz sur le dessus de la pompe, ce qui fait augmenter sa température de fonctionnement et ralentit donc le séchage.)

L'enceinte réfrigérée

C'est dans l'enceinte réfrigérée que l'on place l'objet à sécher. Ainsi, la taille de l'enceinte détermine les objets qui peuvent y être traités. Les petites enceintes sont moins coûteuses que les grandes, autant à l'achat qu'à l'entretien. Pour traiter des objets de grande taille, on peut agrandir une petite enceinte au moyen d'un ajout bien isolé.

C'est au moyen de la réfrigération mécanique que l'on refroidit les enceintes. Il est important de connaître le genre de frigorigène dont se sert le système, surtout s'il est question d'acheter de l'équipement d'occasion. Un grand nombre de frigorigènes traditionnels sont maintenant interdits et ne sont plus fabriqués. Les meilleures enceintes sont en acier inoxydable, métal qui ne rouille pas et qui est facile à nettoyer et à désinfecter après le séchage d'objets couverts de moisissures. Certains lyophilisateurs bon marché ont des enceintes en métal enduit ou peint qui, avec le temps, risquent de rouiller. Certains lyophilisateurs sont dotés d'étagères chauffantes dans l'enceinte de réfrigération. Ils servent souvent dans l'industrie de l'alimentation, mais leur utilisation n'est généralement pas recommandée pour des objets culturels.

Le condenseur

Le condenseur retient la vapeur d'eau qui se sublime des objets gelés lorsqu'ils sèchent. Il en existe deux types : le condenseur à réfrigération mécanique, ou celui à piège de condensation refroidi par du méthanol/de la glace sèche ou de l'azote liquide. Si le deuxième type est moins coûteux sur le plan de l'équipement, il faut le surveiller et l'entretenir tous les jours, ce qui augmente les frais d'exploitation. Le condenseur à réfrigération mécanique est donc un meilleur choix.

Les condenseurs doivent être en acier inoxydable et construits de façon à offrir la plus grande surface possible pour la formation de la glace. Ils peuvent être dotés d'un faisceau de tubes pour le frigorigène disposés à l'intérieur du tambour, ou comporter des tubes de frigorigène isolés, fixés sur la paroi extérieure du tambour. Comme il est plus facile d'enlever le bouchon de glace si les tubes sont à l'extérieur du tambour, cette configuration est préférable.

Les systèmes de régulation

Les pompes à vide et les systèmes de réfrigération de l'enceinte et du condenseur sont dotés de commandes et d'affichages individuels. Les pompes à vide ont un interrupteur, ainsi qu'une jauge qui indique la pression à l'intérieur de l'enceinte. Certains systèmes sont également dotés d'un mécanisme qui assure la régulation de la pression ou d'un dispositif qui permet la rotation entre divers capteurs de pression.

Les systèmes de réfrigération de condenseurs possèdent un interrupteur, ainsi qu'une jauge qui affiche la température. Sur la plupart des lyophilisateurs, ces systèmes ne peuvent pas être régulés : ils atteignent toujours la température la plus basse possible. Certains appareils ont une commande de dégivrage pour accélérer l'élimination de la glace des parois intérieures de l'enceinte.

Les systèmes de réfrigération des enceintes ont un interrupteur et un affichage de la température. Dans presque tous les cas, ils permettent de régler la température. Il s'agit d'une caractéristique importante, parce que les exigences sur le plan de la température varient selon les applications. Les objets archéologiques qui ont trempé dans une solution de polyethylèneglycol, par exemple, doivent être séchés à plus basse température que les livres ou les documents d'archives endommagés par l'eau.

Il existe d'autres dispositifs de régulation ou de mesure : alarmes, capteurs de température ou instruments de pesage. Il est également possible de regrouper tous les dispositifs dans un même module informatique.

Suivre l'évolution du séchage

Il est possible de suivre l'évolution du séchage au moyen des méthodes suivantes (la première est la plus connue) :

  • pesage de l'objet;
  • détermination de la température de l'objet;
  • mesure des variations de pression dans l'enceinte.

Chaque méthode possède des avantages et des inconvénients : les deux dernières permettent de surveiller le séchage tout en conservant le vide à l'intérieur de l'enceinte, évitant ainsi de ralentir le séchage. La première est toutefois plus facile à appliquer et ne requiert pas l'insertion d'une sonde dans l'objet.

Pesage de l'objet

Un exmple d'une courbe de perte de poids typique.
Figure 2. Courbe typique de perte de poids pendant le séchage par lyophilisation. Le poids d'un objet en cours de séchage par lyophilisation diminue à mesure que l'humidité se sublime, mais se stabilise dès que l'objet est sec. Le pesage de l'objet à intervalles au cours de la lyophilisation est donc une façon – la plus souvent utilisée, en fait – de suivre l'évolution du séchage (où le séchage était terminé au jour 15). Il s'agit d'une méthode simple qui n'exige qu'une balance à plateau supérieur. Cependant, il s'agit également d'une méthode qui ralentit le séchage, car il faut ouvrir l'enceinte pour peser l'objet.

Détermination de la température de l'objet

La température interne d'un objet mouillé qui sèche par lyophilisation est inférieure à sa température en surface, mais la différence disparaît à mesure que l'objet sèche. On peut donc suivre l'évolution du séchage en mesurant la température interne et en surface de l'objet. Il s'agit de la technique la plus souvent utilisée lorsque les étagères du lyophilisateur sont chauffantes. En raison des risques de dommages causés par le surchauffage et par l'insertion d'une sonde de température dans l'objet, on l'utilise rarement avec des objets culturels. Cependant, on l'utilise parfois pour des pièces de grande taille, comme celles de navires en bois.

Mesure des variations de pression

Comme l'humidité qui se sublime des objets qui sèchent modifie la pression à l'intérieur de l'enceinte, ces variations nous permettent de savoir où en est le séchage. Cette technique requiert une soupape pour isoler l'enceinte de la pompe à vide, ainsi qu'un dispositif pour mesurer la pression avec précision (les variations sont souvent minimes vers la fin du séchage). Il faut d'abord déterminer le taux de fuite de l'enceinte vide en fermant la soupape et en notant le taux de repressurisation dans l'enceinte isolée. Il faut répéter cette opération à intervalles pendant tout le processus du séchage. À mesure que l'humidité se sublime de l'objet, le capteur de pression enregistre l'augmentation de la vapeur d'eau et le taux de repressurisation de l'enceinte. Tant que le séchage n'est pas terminé, le taux de repressurisation de l'enceinte qui contient l'objet sera supérieur à celui de l'enceinte vide. Lorsque les deux taux sont égaux, l'objet est considéré comme étant sec.

Conclusion

Le lyophilisateur est un instrument très utile pour la préservation d'objets culturels, qu'il s'agisse de leur récupération après un sinistre, ou d'une opération normale de restauration. Pour ceux qui ne possèdent pas leur propre équipement, l'Institut canadien de conservation offre des services de lyophilisation.

Bibliographie

LIDE, D.R. (dir.) CRC Handbook of Chemistry and Physics, 79e édition, Boca Raton, Boston, Londres, New York, Washington (DC), CRC Press, , p. 6-7.


par Clifford Cook

Première date de publication :
Révision :

Texte également publié en version anglaise.
Copies are also available in English.

© Ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, .
Nº de cat. : NM 95-57/4-2-2007F
ISSN : 1191-7237


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