Incendies dans les musées et pertes – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 2/7
(Format PDF, 1.31 Mo)
La Note de l'ICC 2/7 fait partie de la deuxième série des Notes de l'ICC (La conservation préventive)
Introduction
Parmi tous les facteurs préjudiciables aux muséesNote de bas de page 1 aujourd'hui, ce sont les incendies qui causent le plus de dommages en peu de temps. Les flammes, la chaleur, la suie, la fumée et les gaz chauds ont un effet dévastateur sur presque toutes les collections. Il se produit chaque année en moyenne 30 incendies dans les musées au Canada; certains incendies détruisent des collections entières, d'autres causent des dommages irréparables, et la plupart auraient pu être maîtrisés ou prévenus. La communauté muséale connaît peu de choses au sujet de ces incendies et des pertes subies par les collections, car les détails sont rarement rendus publics, sauf dans les journaux locaux. Le personnel des musées a tendance à ne pas divulguer de tels événements tragiques pour un certain nombre de raisons : certains sont trop embarrassés, d'autres craignent de perdre la confiance de la collectivité, et d'autres encore sont simplement trop préoccupés par les conséquences du désastre. Nombreux sont ceux qui ne sont pas conscients de l'importance de ces données. C'est malheureux, car nous pouvons tirer parti de ces événements.
La présente Note décrit quelques exemples d'incendies s'étant produits récemment dans des musées canadiens. Elle fournit de l'information pertinente qui permettra de mieux en comprendre les causes et les conséquences et, surtout, de découvrir certaines des raisons pour lesquelles de nombreux musées ne sont toujours pas bien protégés contre ce danger implacable.
Descriptions d'incendies
Un aperçu général est suffisant pour illustrer la rapidité et la gravité avec lesquelles un incendie peut endommager des collections. Les cas suivants révèlent certains des facteurs communs constatés dans des incendies de musées et décrivent comment et quand ils ont fait rage.
Cas 1
Aux petites heures du , un incendie détruisit complètement le musée Taras H. Shevchenko (figure 1) situé dans un parc de 64 752 m2 (16 acres) à Oakville, en Ontario. Un automobiliste qui passait par là vers 1 h vît de la fumée qui s'en échappait. Le feu se propagea rapidement dans tout le musée à cause des finis intérieurs combustibles. Le service d'incendie, situé à moins de l km de là, répondit en deçà de quelques minutes après l'appel de l'automobiliste. D'après la police régionale de Halton, il s'agissait d'un incendie criminel. Aucun système de détection automatique des incendies ni aucun système de gicleurs n'était installé.
Cas 2
En fin d'après-midi le , un feu couvant causa des millions de dollars de dommages par la suie au Royal Saskatchewan Museum à Regina, en Saskatchewan (figure 2). Le feu prit naissance dans la reproduction d'une paroi rocheuse sur laquelle des entrepreneurs avaient travaillé jusqu'en fin d'après-midi. On croit qu'une réaction chimique a provoqué l'incendie. Une dense suie noire se propagea dans tout le musée avant l'arrivée du service d'incendie. La détection automatique du feu avait été retardée parce qu'on avait au préalable recouvert les détecteurs de sacs de plastique dans le but de prévenir les fausses alarmes qui se déclenchent souvent durant les activités de construction. Le musée fut fermé pendant plusieurs mois, et il fallut des milliers d'heures pour débarrasser les collections de la suie. Il n'y avait pas de système de gicleurs à ce moment, mais on en a installé un par la suite.
Cas 3
Aux petites heures du matin du , un incendie au Canadian Warplane Heritage Museum de Hamilton, en Ontario (figure 3), détruisit cinq aéronefs de la Deuxième Guerre mondiale et trois autres aéronefs historiques. La perte fut estimée à plus de 3 millions de dollars. Certains de ces aéronefs avaient été prêtés par les états-Unis. Il fallut presque quatre heures à 36 pompiers et plus de 3 000 litres d'eau pour maîtriser le feu. On croit qu'il s'agissait d'un incendie criminel. Il n'y avait pas de système de gicleurs en place. On a construit un nouveau musée doté d'un système de gicleurs.
Cas 4
Tard dans la soirée du , un incendie au Musée du domaine Billings à Ottawa, en Ontario (figure 4), endommagea sérieusement des objets de grande valeur et risqua de détruire entièrement cette belle maison historique de et son contenu. Les pompiers d'Ottawa répondirent en quelques minutes à l'appel reçu un peu après 23 h. Le feu endommagea de nombreux livres, photographies, gravures, pièces de céramique, vitrines d'exposition et pièces de mobilier, datant d'avant , conservées dans la Salle de seconde génération. Les dommages furent estimés à plus de 100 000 dollars. Il s'agissait d'un incendie criminel. Il n'y avait pas de système de gicleurs au moment de l'incendie, mais on en a installé un par la suite.
Ces exemples montrent qu'il aurait été possible d'économiser des millions de dollars et de préserver des collections irremplaçables si un système de protection-incendie approprié avait été mis en place. De telles pertes font ressortir la nécessité de pourvoir nos musées d'une meilleure protection contre les incendies. Les données obtenues du Bureau du Commissaire aux incendies (figures 5 et 6) appuient cette affirmation. Les pertes financières montrées à la figure 6 n'incluent pas les pertes de collections, les coûts de restauration, ni les pertes de fonctionnement, et les chiffres ne sont pas ajustés sur une année de base.
Figure 5. Nombre d'incendies dans les musées et les bibliothèques.
- 29 incendies en
- 15 incendies en
- 27 incendies en
- 31 incendies en
- 28 incendies en
- 21 incendies en
- 19 incendies en
- 25 incendies en
- 44 incendies en
- 23 incendies en
- 30 incendies en
- 23 incendies en
Figure 6. Les pertes financières causées par les incendies dans les musées et les bibliothèques.
- 700 000$ de pertes en
- 200 000$ de pertes en
- 500 000$ de pertes en
- 700 00$ de pertes en
- 3 500 000$ de pertes en
- 1 700 000$ de pertes en
- 1 400 000$ de pertes en
- 3 975 000$ de pertes en
- 3 900 000$ de pertes en
- 50 000$ de pertes en
- 800 000$ de pertes en
- 1 000 000$ de pertes en
Causes
De nombreux incendies dans les musées ont été le fait d'actions criminelles au cours des récentes années. Les incendies criminels sont encore aujourd'hui la principale cause d'incendies dans les musées. La British Fire Protection Association a estimé que 63% des incendies dans les bibliothèques et musées américains et britanniques, entre et , et entraînant des pertes de 120 000 dollars et plus, étaient des incendies criminels, soit deux fois le taux canadien. Au Canada, certains incendies criminels avaient été provoqués dans le but de masquer des vols, d'autres l'ont été dans des locaux adjacents, tandis que d'autres visaient malheureusement le musée lui-même. D'autres incendies sont attribués aux appareils électriques (radiateurs, fers à repasser, appareils d'éclairage) installés trop près d'un matériau combustible, des flammes nues (provenant de soudage ou de brasage) et des activités de construction.
Facteurs
Les pertes dans les incendies de musée sont liées directement ou indirectement aux activités qui se déroulent dans le musée, à certaines périodes de la journée, aux moyens de protection-incendie en place, ainsi qu'au type de matériaux de construction. Les musées sont le plus vulnérables au feu durant les périodes de construction, de rénovation et de préparation des expositions. La plupart des incendies dans les musées se produisent après les heures d'ouverture alors que le bâtiment est inoccupé. Les musées qui sont protégés par un système de gicleurs et un système de détecteurs de fumée, surveillés en tout temps, subissent très peu de pertes. Les dossiers montrent que des musées peuvent perdre des collections entières lorsqu'ils ne sont pas pourvus d'un système de protection-incendie, et qu'ils risquent de subir des dommages importants lorsqu'ils sont protégés seulement par un système de détection automatique de la fumée. Les musées les plus vulnérables sont ceux dont la charpente et les finis intérieurs sont combustibles comme on en trouve dans les maisons historiques.
Motifs qui expliquent une protection médiocre
La plupart des administrateurs de musée ne sont pas au courant qu'il se produit des incendies dans les musées. Nombreux sont ceux qui croient que des systèmes de protection-incendie ne sont pas nécessaires parce que le musée est situé à trois ou quatre minutes du service d'incendie. Toutefois, la proximité du poste de pompiers local ne garantit pas et n'assure pas une protection suffisante pour quelque musée que ce soit. Dans certains cas (bien que ce soit plutôt rare), les pompiers peuvent être en train de répondre à un autre appel. En , le service d'incendie de Montréal combattait un feu qui nécessitait la participation de plusieurs casernes lorsqu'il a reçu un appel annonçant que la maison historique Lady Meredith était la proie des flammes. Cet incendie rasa complètement l'intérieur du bâtiment et endommagea une collection irremplaçable de documents sur l'éthique médicale. En , une situation semblable se produisit lorsque le service d'incendie d'Eganville (Ontario), occupé à maîtriser un incendie qui ravageait une maison, a reçu un appel indiquant que la St. James Catholic Church brûlait. Ce superbe bâtiment historique datant de fut complètement détruit.
Bon nombre de gens croient que la plupart des incendies peuvent être maîtrisés à l'aide d'un extincteur portatif. Ce peut être le cas, toutefois, plus de 70% des incendies de musée se produisent lorsque ceux-ci sont inoccupés. De nombreux administrateurs se refusent à installer un système de gicleurs parce qu'ils craignent les dommages accidentels dus à l'eau. Cette crainte est souvent exagérée et sans fondements. Les tuyaux d'incendie causent beaucoup plus de dommages que l'eau des gicleurs. De toute façon, les dommages dus aux incendies sont toujours plus graves dans des bâtiments qui ne sont pas protégés par un système de gicleurs.
Conclusion
Il existe suffisamment de preuves attestant qu'un feu représente une menace réelle pour tout musée, que les pertes sont considérables même dans les cas de petits incendies, et que les musées protégés par un système de gicleurs et un système de détection automatique de la fumée risquent moins les pertes de collections. Les administrateurs de musée doivent être conscients que les données sur les incendies dans les musées sont importantes et doivent être convaincus de partager cette information pour le bénéfice de la communauté muséale. Les musées devraient faire installer un système de protection adéquat avant l'incendie, et non pas après, comme cela arrive dans de trop nombreux cas.
Lectures recommandées
-
Baril, Paul. « Programmes de prévention des incendies dans les musées », Bullletin technique de l'ICC, nº 18, Ottawa, Institut canadien de conservation, .
-
Institut canadien de conservation. « La sécurité-incendie dans les bâtiments historiques », Notes de l'ICC, nº 2/6, Ottawa, Institut canadien de conservation, .
-
Institut canadien de conservation. « Systèmes d'extinction automatiques à eau pour les musées », Notes de l'ICC, nº 2/8, Ottawa, Institut canadien de conservation, .
Par Paul Baril
Texte également publié en version anglaise.
Copies are also available in English.
© Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux, Canada,
Nº de cat. NM95-57/2-7-1998F
ISSN : 1191-7237
Détails de la page
- Date de modification :